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L'exception rayée du système judiciaire
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 07 - 2004


La Cour spéciale de justice enfin dissoute
La Cour Spéciale de Justice (CSJ) relève désormais du passé. Elle a fermé définitivement ses portes conformément aux directives royales contenues dans le dernier discours du Souverain. Elle passe le témoin aux cinq cours d'Appels du pays, Casablanca, Rabat, Fès, Meknès et Marrakech, désignées à cet effet par le Dahir portant sur la suppression de la CSJ publié vendredi 17 septembre dans le Bulletin Officiel.
Déploiement sécuritaire inhabituel autour de l'établissement pénitencier d'Oukacha à Casablanca en cette fin d'après-midi du jeudi 16 septembre. Des policiers et des surveillants partout, à l'intérieur et à l'extérieur. Un déploiement impressionnant en prévision d'un événement exceptionnel. En effet, un convoi très important a quitté la prison civile de Salé en direction de Casablanca. À la prison d'Oukacha, l'information a vite fait l'effet de boule-de-neige puisqu'une cellule, toute entière, dans le pavillon 1 a été évacuée et aménagée pour pour accueillir de nouveaux hôtes. Vers 19 heures de la même la soirée, les noms des nouveaux locataires de ces lieux sont sur toutes les lèvres des détenus. Il s'agit de Laâfoura, Slimani, Demnati, Almou, Hairouf et consorts, inculpés dans l'affaire de la gestion de la Communauté urbaine de Casablanca ( CUC ). Ils sont, en tout et pour tout, huit détenus, en détention préventive, à être déplacés de Salé vers Casablanca.
Ils ont été effectivement transférés de là où ils ont séjourné pendant plusieurs mois pour être acheminés à Oukacha. Sur place, raconte une source de cet établissement, l'atmosphère est tendue, l'inquiétude et la crainte sont visibles sur les visages des huit prévenus. Normal puisqu'il est toujours difficile à admettre, quasiment impensable, pour d'anciens dignitaires de l'Etat ou des instances élues de se retrouver dans cette situation embarrassante pour le commun des mortels. Du coup, on apprend également que leur dossier a quitté les bureaux de la Cour spéciale de justice ( CSJ ) pour emprunter la voie des tribunaux ordinaires. Dans la même soirée, on apprend également que d'autres prévenus, incarcérés pour d'autres affaires, non moins importantes, ont quitté, eux aussi, la prison civile de Salé pour être dispatchés dans d'autres établissements pénitenciers du pays. Tous, ou presque, sont poursuivis pour des crimes financiers et des détournements de deniers publics. Parmi les détenus transférés, figurent le colonel Hilali, ex-conservateur du Palais d'Agadir, ainsi que d'autres entrepreneurs, impliqués dans l'affaire des détournements des biens au Palais royal d'Agadir. L'administration pénitentiaire, relevant du ministère de la Justice, a agi au même moment, et dans la discrétion la plus totale, pour déplacer de nombreux prisonniers de la ville de Salé, vers les lieux où a été commis leurs méfaits. Vendredi 17 septembre, les choses commencent, petit à petit, à s'éclaircir. Les informations obtenues la veille, sont recoupées et confirmées par des sources autorisées. Pour mieux comprendre les raisons de cette opération de transfert, les responsables du ministère de la justice nous invitent à parcourir le dernier Bulletin Officiel qui vient d'être enrichi par une nouvelle loi : le Dahir portant sur la suppression de la Cour spéciale de justice. Autrement dit, la publication de cette loi marque la fin de l'exception. C'est un arrêt de mort qui a eu des suites immédiates : la fermeture de la CSJ et le transfert des détenus, assignés devant cette même juridiction, dans d'autres villes pour répondre de leurs actes. Ce jour-là, on nous informe également que le président de la CSJ ainsi que le procureur général du Roi, Abdellah Hammoud, ont été conviés à une réunion d'une extrême importance au ministère de la Justice.
Effets immédiats
Assurément pour rendre compte de l'état d'avancement des affaires traitées par cette juridiction d'exception et en même temps pour “déposer leurs bilans”. Il était question également de s'enquérir de leurs nouvelles affectations et celles de leurs compères “exceptionnels”, siégeant au sein de ce même tribunal, soumises à l'appréciation des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), seul habilité à prendre de telles mesures. Toutefois, même si le CSM n'a pas encore rendu publiques les nouvelles affectations, l'on sait, selon des sources dignes de foi, que l'ensemble des magistrats de l'ex-CSJ, seront incessamment rattachés aux cinq Cours d'Appel du pays ( Casablanca, Rabat, Fès, Meknès et Marrakech ) nommément citées et désignées à cet effet. Ils siègeront dans des chambres spécialisées créées uniquement pour traiter tout ce qui peut toucher de loin ou de près les affaires de détournement de deniers publics et la mauvaise gestion de nos établissements publics. Pour l'instant, les membres du Conseil supérieur de la magistrature s'affairent à fignoler le programme des mutations et des promotions de l'ensemble des magistrats et fonctionnaires attachés à cette juridiction. Déjà, des noms comme Abdellah Hammoud, procureur général du Roi ou Jamal Serhane, juge d'instruction en charge, entre autres, du dossier Laâfoura-Slimani, CIH et CNSS, circulent au niveau du ministère de la Justice pour occuper des postes de responsabilité. C'est le cas également de plusieurs magistrats du siège, dont certains, ont eu des promotions et “des grades exceptionnels”. Durant les deux derniers mois, ils ont réglé l'ensemble des dossiers en cours. Et ce conformément à la note adressée par le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, au Parquet de la CSJ à la fin du mois de juillet dernier. Depuis, toutes les affaires en cours, près d'une quarantaine, ont été confiées à d'autres juridictions de droit commun. Le tout en fonction de la compétence territoriale de chaque juridiction désignée. Cette mission, explique la même source, n'a pas été de tout repos puisqu'il a fallu faire le point, affaire par affaire, sur les modalités de transferts, les compétences de chaque juridiction, l'état d'avancement de chaque dossier… Si pour certaines affaires, les magistrats ont déclaré au départ leur incompétence pour les juger (OFPPT, CNSS…), d'autres, de par leur complexité (comme c'est le cas de l'affaire Slimani-Laâfoura non encore achevée) ont pris tout le temps qu'il faut pour achever la procédure de transfert.
Aujourd'hui, l'affaire relève du ressort de la Cour d'Appel de Casablanca qui parachèvera l'instruction, notamment la comparution des témoins et la confrontation des accusés, pour rendre son verdict. Il en est de même pour l'autre scandale du CIH qui passera sous le giron de cette même juridiction qui procèdera dans un futur proche à l'ouverture du procès. Instruite au niveau de la CSJ, l'affaire de la banque CIH est en phase finale.
Transfert des affaires
Les protagonistes, qui sont en liberté provisoire, seront appelés à la barre pour répondre des chefs d'accusation retenus contre eux. La cour d'Appel de Casablanca a été chargée également du dossier de la Sécu ( communément appelé CNSS ), dont le manque à gagner s'élève à plusieurs dizaines de milliards de Dhs, qui sera, à son tour, soumis à l'appréciation des juges. Pour cette dernière affaire, on avance déjà le nom de Jamal Serhane, ex-juge d'instruction de la CSJ, pour prendre en charge ce dossier. Il en sera de même pour l'affaire Laâfoura-Slimani, toujours en instruction, et celle des minotiers ( Ghali Sebti ), condamné à 15 ans de prison par contumace, confiés à cette même juridiction. Pour sa part, le sort du dossier de la Banque nationale de développement économique ( BNDE ), dont le seul protagoniste l'ex-Pdg Farid Dellero, a été scellé également au niveau du ministère de la Justice. Il sera soumis, comme d'autres dossiers non moins importants, à la Cour d'Appel de Rabat. Au passage, il est à noter que les principaux acteurs du scandale de la Banque Chaâbi de Paris sont jugés, en état de liberté! l'on se demande pourqoui ?, par le TPI de Casablanca. La CSJ, qui avait conclu à l'incompétence de cette juridiction pour traiter le dossier n° 1508, a opté pour une “miniscule” juridiction de droit commun, qui aura désormais la charge de juger ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Abdellatif Laraki. Un dossier vidé de toutes substances et qui ne représente que des miettes par rapport aux montagnes de millions de dirhams détournés et étouffés au niveau du département des finances. Enfin, la procédure de liquidation de cette institution judiciaire, tant critiquée, étant donc consommée, l'affaire du détournement des deniers publics au Palais Royal d'Agadir, a été transmise, pour instruction et jugement, à la Cour d'Appel de la même ville.


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