Manifestation devant le siège du ministère de l'Education nationale La rentrée scolaire 2004-2005 est marquée par plusieurs faits troublants, notamment le mouvement de grève des enseignants entamé depuis le jeudi 9 septembre 2004 après la publication d'un communiqué annonçant une grève de la faim ouverte. Les manifestants demandent au ministère de tutelle de mettre fin à leur calvaire en leur accordant le droit de bénéficier du regroupement familial qui, selon eux, est d'ordre humanitaire. Certains parents d'élèves se demandent peut-être pourquoi ces enseignants ont attendu la rentrée des classes pour entamer une telle grève ? En fait, cette grève n'est qu'un rebondissement. Pas moins de trois organisations syndicales du secteur de l'éducation nationale avaient déjà appelé à l'organisation d'un mouvement de mutation exceptionnel, afin de mettre fin au calvaire des enseignants ayant lancé un mouvement de protestation depuis le 23 août 2004. C'est la réponse à la question des parents d'élèves. D'après les grévistes, le mouvement national des mutations aurait lésé plusieurs familles désirant le regroupement familial. Sur près de 70.000 demandes de mutation, seules 6.514 ont été prises en compte et accordées au total. Parmi ces 70.000 demandes, précisons que 4.000 d'entre elles concernaient le regroupement familial. Mais le hic, c'est que ce ne sont que 9% de ces regroupements familiaux qui ont été réalisés. C'est ainsi que 270 familles en situation critique et lésée par la politique du ministère de l'Education nationale ont décidé d'entamer un sit-in illimité devant ledit ministère. Pour rappel, la politique du ministère veut qu'une mutation n'ait lieu que s'il y a un remplaçant potentiel. De plus, s'il n'y a pas de surplus là où la personne désire être mutée. A noter que la majorité des grévistes sont des femmes. Ces dernières ne demandent que vivre auprès de leurs maris. “L'ancien gouvernement a voté la moudawana qui revendique le droit au regroupement familial et qui défend les droits de l'homme ainsi que celui des enfants. Le gouvernement actuel ne nous accorde pas ce droit. La plus grande injustice pour une femme est de vivre loin de son mari et parfois loin de ses enfants”, souligne Benaziz Laïla, professeur d'anglais à Khénifra. “Après la mutation de mon mari, je me suis re-trouvée seule. Mon mari s'est adonné à l'alcool et a élu domicile dans les bars. Alors que, quand nous vivions ensemble, il ne buvait pas. Ce qui est le plus choquant, c'est qu'il a fait rentrer sa maîtresse à la maison. A chaque fois que je lui en parle, il me dit que je ne suis pas près de lui et que le besoin est biologique. De toute façon, moi j'aime mon mari et je le comprends, ce n'est pas de sa faute. C'est plutôt la politique du gouvernement que je mets en cause”, renchérit Naïma, enseignante quinquagénaire de Nador. Ces femmes déterminées plus que jamais ne cessent de se poser les questions suivantes : Est-il normal que le gouvernement lutte pour le regroupement familial de nos immigrés en “oubliant” le problème des familles des enseignants au sein du pays? Est-il normal que des falsifications informatiques, aient permis la mutation de célibataires aux dépens des familles éclatées et déchirées? Comment peut-on concevoir un mariage où une femme et son mari ne se voient que pendant les vacances? En la matière, la liste est longue. Pour ces femmes, le ministère ne manque pas de subterfuge. “Le MEN refuse de parler à ses propres fonctionnaires et a besoin d'un intermédiaire pour leur dire que rien ne sera fait ! C'est ainsi que le lundi 13 septembre 2004 le secrétaire général du MEN a à nouveau refusé de voir ses fonctionnaires en leur faisant savoir qu'il avait besoin de calme. Et ce n'est qu'après le 16 septembre, date de la rentrée scolaire, qu'il étudiera les dossiers. N'avait-il pas promis le 30 août 2004 que le même jour un comité serait réuni pour faire ce travail? Le ministre joue sur l'épuisement financier et psychologique des grévistes afin de leur faire reprendre le travail”, fait remarquer une troisième gréviste qui semblait être impatiente. Il semblerait que certaines familles vivent séparées depuis plus de cinq ans. Dans un tel cas, les parents sont forcés de partager la garde des enfants ou de les placer chez les grands-parents. A cela s'ajoutent les problèmes d'ordre financier qui découlent du dédoublement des frais : Deux foyers, allers et retours incessants... Cet ensemble pesant a des conséquences psychologiques sur toute la famille et peut parfois mener à des cas de divorces ou d'adultère comme le témoignait plus haut Naïma. Selon les grévistes, ce sit-in a donc été entamé pour dénoncer le manque d'intérêt du ministère vis-à-vis de la situation de ces familles déchirées. Nonobstant la médiation du ministère de l'intérieur, en la personne de M.Regraga, secrétaire général de la wilaya de Rabat, la situation n'a pas bougé d'un seul cran jusqu'au moment où nous mettions sous presse. Force est de constater que les enseignants, notamment les femmes sont décidés de continuer le bras de fer avec le ministère de l'Education nationale, si rien n'est fait pour satisfaire leur doléance. L'heure est donc grave au MEN. A suivre.