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Plaidoyer pour Sebta et Melilia
Publié dans La Gazette du Maroc le 08 - 12 - 2003


Décolonisation
Depuis l'affaire de l'îlot Leila, les autres enclaves occupées, Sebta, Melilia et les îles Jaâfarines sont de nouveau au centre des débats. Plus que jamais, ces deux villes sont marocaines et doivent faire partie des territoires marocains surtout à un moment où les relations entre le Maroc et l'Espagne passent aussi par cette voie qui mettrait fin à l'occupation en ce début du troisième millénaire.
Pour ceux qui ont un jour fait le voyage entre Sebta et Melilia, les choses sont claires. Ce sont là deux villes marocaines sous occupation espagnole où les citoyens marocains voudraient voir leur drapeau rouge et vert flotter sur leurs têtes. Le désarroi est lisible sur tous les fronts et les Marocains n'hésitent pas à le faire savoir notamment lors du conflit sur l'îlot Leila où des marches ont été organisées pour soutenir le moral des autres frères de l'autre côté des frontières. D'autre part, il est évident aussi que tant que ces enclaves restent sous tutelle espagnole, l'intégrité territoriale du pays ne sera pas complète et les relations avec le voisin du Nord devront tôt ou tard buter sur ce point crucial pour entamer de véritables rapports de bon voisinage.
Légitimité historique
Il ne fait aucun doute que ces deux villes, Sebta et Melilia, sont partie intégrante du teritoire marocain. Il ne faut pas être un fin géologue pour s'en rendre compte pourtant de l'autre côté du Détroit. Les fausses vérités historiques vont bon train pour légitimer une occupation honteuse en ce début de troisième millénaire où les Etats souverains font la paix avec leur passé de colons et redressent le tort commis à l'égard d'autres nations aujourd'hui souveraines.
Dans ce cadre, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Mohamed Benaïssa, a rappelé à maintes reprises que l'occupation des villes de Sebta et Melilia “n'est conforme ni au droit international ni à l'histoire”. Dans son discours, le ministre n'a pas omis de citer l'histoire de ces deux villes où l'héritage espagnol est certes présent et devrait être pris en compte en cas de négociations et d'arrangements : “il est possible d'imaginer un règlement qui préserverait la souveraineté du Maroc tout en sauvegardant les intérêts économiques, sociaux et culturels espagnols”. Le Maroc étant un pays de paix, soucieux de garder des rapports de bon voisinage avec ses proches voisins a toujours tenu à ce que la région soit paisible et les conflits éventuels anticipés pour préserver un acquis aujourd'hui presque rare dans un monde où les tensions prennent le dessus.
Mohamed Benaïssa ajoute à ce propos : “Nos deux pays (Maroc/ Espagne) ont le devoir d'épargner à nos peuples et à notre région toutes les sources de mésentente. Et c'est dans cet esprit que le Maroc propose à l'Espagne d'engager une réflexion commune afin de régler définitivement ce contentieux territorial”. Ces paroles font écho aux directives de feu Hassan II qui a toujours appelé à la formation de cellules de réflexion pour trouver de véritables solutions à ce problème des enclaves.
Retour sur l'histoire
L'histoire est claire et ne souffre aucune ambiguité. Et on ne peut aujourd'hui réfléchir sur le conflit des enclaves de Sebta et Melilia sans revenir sur l'historique de la rétrocession des provinces du Sahara pour lesquelles le Maroc a lutté depuis son indépendance. C'est par la déclaration commune du 7 avril 1956 que l'Espagne devait mettre fin à sa présence dans la partie Nord du Royaume du Maroc.
Cette déclaration mentionne en particulier, en son paragraphe 2, que l'Espagne “réaffirme sa volonté de respecter l'unité territoriale de l'Empire que garantissent les traités internationaux”. Inutile de rappeler que jamais cette déclaration n'a été appliquée. Pire encore, au lieu de céder les territoires occupés au Maroc, la colonisation espagnole devait se poursuivre dans plusieurs parties du sol marocain. Toutes ces régions qui ne seront rétrocédées que par étapes : Tarfaya en 1958,Sidi Ifni en 1969 et le Sahara Occidental en 1975 après la Marche verte. Quant aux présides du Nord, Sebta et Melilia, elles font toujours l'objet du contentieux territorial maroco-espagnol.
Après l'indépendance, le Maroc a maintenu fermement ses demandes. S'agissant de la rétrocession du Sahara marocain et ce, depuis 1956, l'histoire retiendra pour la postérité le discours historique fait par Feu Mohammed V à M'hamid El Ghizlane en 1958. En s'adressant aux Marocains du Sahara, feu Mohammed V leur avait rappelé la perpétuelle allégeance que leurs ancêtres avaient présentée à Moulay Hassan 1er et leur avait promis une mobilisation permanente et totale du Maroc jusqu'à la réintégration de tout le Sahara. C'était là le point crucial d'une grande mobilisation qui va se poursuivre avec son successeur Feu Hassan II qui mettra sur pied un véritable chantier national que fut la glorieuse Marche Verte. On se souvient du passage de feu Hassan II lors de la première conférence au Sommet des Non-Alignés qui s'est déroulée à Belgrade en septembre 1961. “...Cette atteinte à l'intégrité territoriale de pays indépendants et membres des Nations Unies crée un climat d'irritation et de provocation et constitue de la part des pays colonialistes une menace permanente pour la sécurité et la paix. Au Maroc, par exemple, l'Espagne continue d'occuper des régions entières au Sud de notre territoire : Saquia El Hamra, Ifni et Rio de Oro...”.
Une volonté qui sera réaffirmée par le Maroc au moment de son adhésion à la Charte de l'OUA en 1963. Le Maroc avait formulé des réserves: “s'agissant de la réalisation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Maroc dans le cadre de ses frontières authentiques, il est important que l'on sache que cette signature de la Charte de l'OUA ne saurait aucunement être interprétée comme une reconnaissance explicite ou implicite des faits accomplis jusqu'ici, refusés comme tels par le Maroc, ni comme une renonciation à la poursuite de la réalisation de nos droits par les moyens légitimes à notre disposition”.
L'Espagne au pied du mur
Sans jamais vouloir verser dans le conflit, le Maroc a tenu à ce que les rapports avec ses voisins soient pacifiques et que les règlements des différends avec l'Espagne devraient suivre des négociations appropriées basées sur le respect et la bonne volonté du dialogue. C'est en faisant appel aux différentes Organisations internationales pour résoudre le dossier que le Maroc accule le gouvernement espagnol à réagir et très vite. La suite verra le pays récupérer plusieurs provinces sahariennes. L'Assemblée Générale des Nations Unies, dans sa Résolution 2072 du 16 décembre 1965, devait demander à l'Espagne en tant que puissance administrante “de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour la libération de la domination coloniale des territoires d'Ifni et du Sahara Occidental et d'engager à cette fin des négociations sur les problèmes relatifs à la souveraineté que posent ces deux territoires”. Jouant la carte diplomatique, le Maroc impose son image de pays pacifiste, soucieux avant tout de reconstruire son pays autour de son intégrité territoriale dans le respect des chartes internationales. Mais l'Espagne traînera les pieds et l'Assemblée Générale des Nations Unies, à l'instigation du Maroc, allait demander un avis consultatif à la Cour internationale de justice (c.I.J) dans la résolution 3292 du 13/12/1974 sur la situation juridique du territoire à la veille de la colonisation espagnole, et en particulier ses liens juridiques avec le Maroc et la Mauritanie.
Les questions étaient les suivantes :
1° - Le Sahara Occidental (Rio de Oro et Saquia El Hamra) était-il, au moment de la colonisation par l'Espagne, un territoire sans maître (Terra Nullius) ?
2° - Quels étaient les liens juridiques de ce territoire avec le Royaume du Maroc et l'ensemble mauritanien ?
La réponse à la première question a été négative. Ce qui a décidé la C.I.J à reconnaître les liens d'allégeance entre le Sultan du Maroc et les tribus du Sahara Occidental. C'est suite à cette réponse que les requêtes marocaines se sont avérées recevables au yeux de la communauté internationale ce qui rendait nécessaire l'ouverture de négociations avec l'Espagne pour mettre un terme à la situation coloniale du Sahara marocain. C'est dans ce sens que le Conseil de sécurité allait rappeler, par sa Résolution 377 du 22 octobre 1975, que les “parties concernées et intéressées” pouvaient engager des négociations pour régler pacifiquement ce différend, sur la base de l'article 33 de la Charte des Nations Unies. A l‘époque le “Polisario” était ignoré aussi bien dans les résolutions de l'O.N.U. que dans les déclarations officielles des autorités algériennes qui déclaraient n'avoir “aucune prétention directe sur le Sahara Occidental”. A cet égard, le Président Boumediène laissait entendre qu'il “encourageait et approuvait le partage du territoire entre le Maroc et la Mauritanie”.
Ainsi, en octobre 1974, lors du Sommet de la Ligue des Etats arabes, il avait déclaré devant tous les chefs d'Etat présents que : “le problème intéresse dorénavant la Mauritanie et le Maroc. Je dis que je suis d'accord et qu'il n'y a aucun problème... De nombreuses réunions ont eu lieu à Nouadhibou, à Rabat et à Agadir juste après l'accord algéro-marocain... J'ai assisté à une réunion avec Sa Majesté le Roi et le Président mauritanien au cours de laquelle ils ont convenu de trouver une formule pour résoudre ce problème après la libération, formule qui prévoit la part qui revient à la Mauritanie et la part qui revient au Maroc. J'étais donc présent et j'ai donné mon aval de tout cœur et sans arrière-pensée... ”. Cette phrase historique est tirée des archives de la Ligue des Etats arabes dont fera mention le “Monde” du 9 Avril 1980. Une prise de position claire qui donnait au Maroc toute la souveraineté sur la base d'un partage équitable entre le pays et son voisin Mauritanien. Ce n'est qu'après la Marche Verte que l'Espagne sera obligée de signer, lors de l'accord de Madrid du 14 Novembre 1975 avec le Maroc et la Mauritanie, le document qui fixait les modalités de rétrocession de ce territoire. De son côté, l'Assemblée Générale a reconnu la validité de ce traité puisqu'elle “prend acte de l'accord tripartite intervenu à Madrid entre les gouvernements espagnol, marocain et mauritanien, dont le texte a été transmis au Secrétaire Général de l'O.N.U. le 18 novembre 1975”. C'était là sa résolution 3458 E3, du 10/12/1975.
Le sort de Sebta et Melilia
Reste que malgré les résolutions des Nations Unies, l'Espagne a continué à occuper les deux villes marocains ainsi que les îles avoisinantes connues sous le nom d'îles Jaâfarines. Le Maroc a réitéré à maintes reprises lors de plusieurs sommets mondiaux sa détermination à récupérer ses villes spoliées, mais le gouvernement de Madrid continue de faire la sourde oreille et d'ignorer les principes fondamentaux des chartes internationales sur la fin de l'occupation et le droit du Maroc à régner sur la totalité de son territoire.
Pour le moment, et en dépit des négociations engagées dans ce sens par les deux gouvernements, la presse espagnole persiste dans sa campagne de propagande visant à légitimer l'illégitime. Récemment encore, on a lu dans la presse espagnole une version faite sur mesure de l'histoire des deux villes qui justifierait la présence espagnole sur le sol marocain. A en croire cet expert dans la falsification des faits historiques, Sebta et Melilia ont de tout temps été gouvernées par l'Espagne. Ce qui explique que la souveraineté espagnole sur ces enclaves est historiquement prouvée. Alors que tous les documents de l'histoire attestent de la présence marocaine sur ses terres depuis que les dynasties du Maghreb ont installé leurs règne dans la région. Quoi qu'il en soit, il est aujourd'hui clair que l'Espagne joue là une carte perdue d'avance étant donné que les lois internationales, le bon sens, et la légitimité géographique et historique sont du côté du Maroc. Ce qu'il faut savoir c'est que tôt au tard, le Maroc verra ses villes rétrocédées par l'occupant pour mettre fin à un épisode humiliant de l'histoire moderne et récente du voisin espganol.


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