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L'argent et le lion
Publié dans La Gazette du Maroc le 01 - 12 - 2003


Mohamed Ziane, Zouhaïr Asdor
Sans le parti libéral, on s'ennuierait. Par les temps qui courent, avec l'humeur ramadanesque encore présente dans l'esprit et les corps qui se «dégourdissent» à peine… ! Mais la jeunesse du parti (il vient d'être fondé) a été d'un grand secours pour animer un tant soit peu l'actualité. De quoi s'agit-il en fait ? Litige organisationnel ? Dissonance idéologique ? Ou autres différends à propos de la logique politique à adopter ? Ni l'un, ni l'autre. Trahison, démagogie, diffamation et argent. Bien évidemment. L'affaire, justement, oppose le chef du parti Me Mohamed Ziane au trésorier du parti Zouheïr Asdor (l'as d'or ?). La pomme de discorde pèse pas moins de 300.000 dirhams, des chèques (en noir et en blanc) et une voiture. Pour Me Ziane : “l'ensemble de chèques, d'un montant de 300.000 dirhams a été détourné du compte ouvert au nom du parti pour le compte personnel (de Asdor s'entend). Un autre montant de 143.000 dirhams a été également tiré du compte du parti. La voiture aussi. Il (Asdor toujours) a voulu troquer une somme de 160.000 dirhams manquante contre la voiture. C'est du chantage ça, du faux et usage de faux”.
Me Ziane ne décolère pas. Tranchant, il conclut : “Asdor a été exclu du parti libéral et interdit de parler en son nom”. Ainsi soit-il, Amen ! Asdor, lui, ne s'en indigne pas moins. Il ne lésine pas sur les moyens. Réponse de la bergère : “Ziane est un homme caractériel, démagogue, on va demander très prochainement son internement dans un asile psychiatrique !”. Il récuse les propos de son ex-chef, brandit des contre-documents, fulmine et fait appel au règlement interne. La routine, quoi. L'accusation cependant est très grave: “Ziane a attaqué ma maison et a cherché à défoncer la porte. Aussi, a-t-il tenté, le 21 novembre dernier, de porter atteinte à mon épouse. Il l'a justement injuriée, diffamée et lui a donné des coups de pieds”. Ce genre d'amabilités n'a rien à voir avec la politique. Les manières policées et civiques ne servent à rien quand on en arrive à ce point de “clivage” politique. On sort l'artillerie lourde, on canarde son ennemi et puis après on trouvera les “formules adéquates” qui passent dans la presse. Hélas, tous les coups sont permis et les coupes aussi. Seulement, si on se permet de tout faire, c'est vraisemblablement pour défendre son bien, son dû. Dans cette histoire qui sent le fric, le fric est celui de l'Etat. Du citoyen lambda qui lui croît bien à l'usage sain et sauf de son argent pour faire de la bonne politique. Il tombe des nues, le citoyen, il perd son latin et son argent. Les choses auxquelles il a tant cru perdent, elles, leur sens. Et pour cause ! Ce genre de crime d'argent a l'air abstrait. Car, faut-il encore le rappeler, la politique n'est guère une guerre pour l'argent, aussi infime soit sa somme. Par l'argent, peut-être. Mais, pour des principes nobles, surtout et sûrement. Le spectacle de Me Ziane, l'ancien ministre des droits de l'Homme et son compagnon, en train de se chamailler, étaler sur la place publique une histoire pas tout à fait catholique, est vraiment lamentable. Les perles qui l'émaillent, elles, sont très rares. Vraiment. Ce qui importe beaucoup, dans ce rififi, ce n'est, paraît-il pas d'avoir de l'argent, mais que les autres en aient. Par financement des campagnes électorales, soutien aux partis, ou autres aides publiques fournies par l'Etat. L'important, par la suite est d'en faire un héritage familial et s'assurer que les héritiers se le disputent à couteaux tirés. Pas moins ! Sinon, l'affaire perdra tout attrait et manquera de faire une affaire politique. Question, somme toute naïve : pour qu'il y ait héritage et héritiers, il faut qu'il y ait un parent mort. Lequel ? Il serait aisé de penser au parti libéral. Or, lui existe toujours. Parole des deux protagonistes. Alors ? Je pense au lion ! Eh, oui, le symbole électoral du parti. Lui ne songe plus à garder sa proie et chasser les autres prédateurs de sa race ! Tout comme celui de l'humoriste français Raymond Devos, il est laissé tout seul à la maison. Agonisant, il peine à rugir. Pas à rougir.


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