Le rapport qui condamne Tayssir Allouny Depuis son arrestation en Espagne début septembre 2003, le journaliste vedette d'Al Jazeera, l'Hispano-syrien, Tayssir Allouny, voit les preuves de son implication dans le réseau d'Al Qaïda grossir. Chaque jour le juge Baltasar Garzon qui s'occupe du dossier Al Qaïda en Espagne révèle d'autres éléments qui enfoncent encore plus le journaliste et lèvent le voile sur toutes ses implications dans la nébuleuse de Ben Laden depuis au moins dix ans déjà. Dans son dernier numéro, la Gazette du Maroc avait présenté un extrait de l'acte d'accusation de Tayssir Allouny que nous complétons ici par une analyse de toutes les données inscrites dans le rapport Garzon et surtout les appels téléphoniques qui sont au centre de l'implication du journaliste dans le réseau Al Qaïda. Le jeudi 23 octobre, la justice espagnole a décidé de libérer le journaliste sous caution pour des raisons de santé. Depuis son arrestation le 5 septembre 2003 à son domicile à Grenade, Tayssir Allouny ne fait rien d'autre que clamer son innocence. S'il avait eu des rencontres avec des membres d'Al Qaïda, c'était uniquement dans le cadre de son travail de journaliste. Un argument qui ne pèse pas lourd devant les accusations du juge espagnol chargé de l'affaire Al Qaïda en Espagne, et qui a émis un acte d'accusation sur plus de 35 activistes autour de la figure de proue qu'est Oussama Ben Laden. Tayssir Allouny qui est inculpé "d'intégration dans l'organisation terroriste Al Qaïda" a dû attendre le jeudi 23 octobre pour voir toutes les demandes de son avocat, José Galan, aboutir à une solution provisoire. En effet, la justice espagnole a décidé de le libérer sous caution (6000 Euros) pour des raisons de santé puisque le journaliste a subi une opération du cœur. Dans son acte d'accusation, on lit clairement que le journaliste d'Al Jazeera n'est pas poursuivi pour son activité de reporter mais que "son inculpation s'appuie sur des faits qui n'ont rien à voir avec son métier de journaliste actuel, mais qui remontent en substance à l'époque où il travaillait comme simple traducteur pour l'agence de presse espagnole EFE", travail qu'il a gardé jusqu'au début 2000. Il est aussi, comme le montre le rapport Garzon et son acte d'accusation, lié à la cellule de Imad Eddine Barakat Yarkas, alias Abou Dahdah, responsable national de la succursale de Ben Laden dans la péninsule ibérique. Reste que Tayssir Allouny et son avocat rejettent en bloc toutes les accusations et mettent en avant la nature du travail d'Allouny qui a fait que durant plusieurs années a été obligé de rencontrer des individus qui sont aujourd'hui membres d'Al Qaïda. Un parcours pisté A la lecture de tout le rapport Garzon, les paragraphes se référant à Tayssir Allouny sont nombreux. Son nom est pratiquement présent dans chaque contact avec l'un des membres cités par le juge espagnol. Tayssir Allouny Kate est né à Deir Ezzor, en Syrie. Il porte la nationalité espagnole et a vécu pendant longtemps sur le sol ibérique. Il est marié à une Espagnole d'origine marocaine, Fatima Zohra Hamed Layasi, qui est née à Ceuta. Son père, Hamed Al Yazid Haddou, était un imam de la mosquée Moulay Al Mahdi dans la même ville. Selon le juge Garzon et les détails du rapport, Tayssir Allouny fait partie de l'organisation Al Qaïda en Espagne juste après le départ du Sheikh Salah, qui est considéré comme le fondateur du groupe espagnol affilié à Ben Laden. Mais c'est avec l'arrivée en tête de la cellule espagnole de Imad Eddine Barakat Yarkas que Tayssir est devenu un membre actif du groupe. A l'époque, Allouny, qui occupait un poste en Espagne, profitait de cette activité de traducteur avant de devenir journaliste pour Al Jazeera, pour apporter son appui à la cellule d'Al Qaïda à l'époque basée en Afghanistan. Le même rapport détaille sa participation dans le financement, le contrôle et la coordination pour l'envoi d'argent, le recrutement et les conseils prodigués aux membres décimés en Europe. Dans la page 43 du rapport, le juge Garzon avance que Tayssir Allouny “est une personne intégrée aux “Frères musulmans”, qui est une faction de Issam Al Attar qui a une idéologie radicale islamiste liée elle aussi aux extrémistes qui ont la même vision et qui se sont installés à Grenade”. Les paragraphes détaillés du rapport donnent un état de ses relations avec d'autres grands noms d'Al Qaïda avec qui il a eu des liens très étroits. D'abord Mamoun Darkazanli, alias Abou Ilias qui était un proche de Imad Eddine Barakat Yarkas et qui avait toujours des rapports exhaustifs des activités réalisées par Allouny. C'est le même Darkazanli qui avait acheté un bateau pour Oussama Ben Laden. C'est encore lui qui, en Allemagne, apparaît sur une bande enregistrée lors du mariage à Hambourg de Saïd Bahaji, assis aux côtés de Abdelfettah Zammar, accusés tous de soutien aux attentats de New York le 11 septembre 2001. Le voyage de Tayssir Allouny en Afghanistan a d'ailleurs été décidé en présence de Barakat Yarkas, Abou Dahdah, en concertation avec Darkazanli. Dans les pages 40 et 41, on détaille un nombre conséquent de conversations téléphoniques provenant du domicile de Darkazanli, l'une des éminences grises avérées d'Al Qaïda. Le nom et le numéro de Tayssir Allouny apparaissent au moins 20 fois. Du 9 août 1998 au 26 août 2000, Tayssir Allouny a eu des contacts multiples avec ledit Darkazanli. A l'époque, Allouny était toujours traducteur pour l'agence espagnol EFE et n'avait pas encore pris sa place au sein de l'équipe d'Al Jazeera. “Les appels provenant du téléphone mobile lors des conversations au domicile de Mamoun Darkazanli en Allemagne correspondent à celui qui a pour numéro le 00 34 95 85 40 741 lequel apparaît comme celui du domicile à Grenade de Tayssir Allouny Kate”, lit-on dans la page 44. Plus loin, dans la page 451, on découvre une conversation téléphonique datant du 17 janvier 1998 et émise du téléphone personnel d'Abou Dahdah qui met en évidence la présence à Grenade d'Abou Khaled qui est en fait le célèbre Mohamed Bahaiah, un autre ponte de la cellule Al Qaïda et très proche du cercle fermé de Ben Laden. On apprend aussi que ledit Abou Khaled résidait chez Tayssir Allouny dans son domicile en attendant que les formalités pour l'obtention d'un certificat de résidence soient au point. Tayssir aurait participé à toute cette opération concernant les papiers en aidant Abou Khaled durant toute la période de son séjour à Grenade. On sait aussi qu'il partira vers Valence en bus pour rencontrer une autre figure de la cellule espagnole, Abou Al Darda. Les conversations téléphoniques Mais il faut attendre la page 648 pour avoir tous les détails sur les conversations téléphoniques de Tayssir Allouny avec Barakat Yarkas et les autres membres de la cellule d'Al Qaïda. D'abord un appel à Grenade le 23/11/1999 où Tayssir Allouny appelle Zaher, autre figure de la cellule, pour lui dire qu'il a reçu un coup de fil d'Abou Ilyas (résidant en Allemagne et inculpé dans les attentats du 11 septembre ). Il ajoute qu'il a eu un autre appel sur l'autre ligne qui provenait de Londres. Zaher avait demandé si Abou Ilyas ne pensait pas les appeler. Tayssir Allouny avait répondu que oui, mais qu'il n'était pas urgent de le faire pour le moment. Il a aussi précisé qu'il était la veille avec Manolo à qui il avait expliqué qu'il avait des problèmes avec les marchandises d'import/export en Allemagne avec Abou Ilyas. Suit alors une longue série de coups de fils qui vont de 1995 à 2001. Ce sont entre autres ces appels téléphoniques qui plongent le reporter d'Al Jazeera. Les 18 et 19 novembre 1995, Tayssir appelle Abou Dahdah mais ce dernier n'était pas chez lui. C'est l'un de ses enfants qui avait répondu. Tayssir lui avait demandé si son père était avec Abou Khaled. L'enfant avait répondu oui et que Abou Khaled était venu seul et sans famille. Plus de six mois après, d'autres appels ont lieu. Les 14 et 15 mai 1996, Abou Dahadah appelle Iyad Haj Brahim sur son numéro 914788121. Iyad était à Grenade et Abou Dhadah lui avait dit que Abou Ali passera par là et qu'il avait quelque chose à donner à Tayssir Allouny. Abou Dahdah lui avait envoyé un tricot pour la femme de Tayssir Alouny de la part d'Abou Khaled. Il lui a donné l'adresse pour les voir : Calle Albufera, numéro 72, 2 D. Le 24 mai de la même année, Abou Dahdah reçoit un appel d'Abou Amer qui lui a demandé s'il avait appelé Abou Tahla ou Tayssir. Abou Dahdah avait répondu qu'il avait parlé avec Tayssir qui lui avait dit qu'il avait changé de domicile et qu'il n'avait pas encore de téléphone. Dix jours plus tard, c'est Abou Ilyas qui appelle Abou Dahdah pour lui demander le numéro de téléphone de Tayssir. Abou Dahdah avait répondu qu'il ne connaissait pas encore le nouveau téléphone de Tayssir, mais Abou Ilyas avait insisté parce qu'il fallait parler absolument avec Tayssir. Ce n'est que deux mois plus tard, exactement le 30 août 1996, qu'Abou Dahdah passe un coup de fil à Abou Maher au numéro 913866472 en lui disant qu'il voulait acheter la voiture de Tawfik moyennant un prix de 125.000 pesetas. Après il a au bout du fil Abderrahmane auquel il avait dit qu'il n'avait pas encore le numéro de Tayssir. Ce n'est que le 25 octobre 1996 qu'Abou Dahdah appelle finalement Tayssir Allouny sur son nouveau numéro et lui dit qu'Al Haj l'avait appelé pour savoir s'il pouvait avoir de l'argent d'Abou Ali. Des mois passent avant qu'Abou Dahdah ne rappelle Tayssir au numéro 958159346. Nous sommes le 9 avril 1997. Tayssir était alors traducteur. Ils avaient parlé d'un certain Haitam de Lattaquié en Syrie qui est aussi traducteur et de certains examens qu'ils devaient entreprendre pour avoir plus de traducteurs. Toute cette conversation se déroulait à Grenade et les rencontres qui devaient découler de ces examens devaient aussi avoir lieu à Grenade. C'est l'appel datant du 1er et du 2 octobre 1997 qui lève le voile sur l'aide apportée par Tayssir en ce qui concerne les passeports. Quand Abou Dahdah appelle Ahmed Kilani au numéro 915251353, il lui dit qu'il a un passeport que Ahmed avait pris de chez Abou Musab, qui est Tayssir Allouny, et qu'il y avait un frère qui en avait besoin à Grenade. Au début de l'année 1998, exactement le 29 janvier, Abou Dahdah appelle Tayssir au numéro 958159346. Tayssir n'était pas là, mais on avait précisé qu'il était allé accompagner Abou Khaled à la gare parce qu'il partait à Valence. Presque sept mois plus tard, Abou Dahdah passe un autre coup de fil au même numéro de Tayssir. C'est sa femme qui répond et qui dit que son mari était dans la maison d'Abou Ubaida. C'est là que se précisent les différents contacts de Tayssir qui se voit du coup lié à tous les grands membres de la cellule espagnole d'Al Qaïda, présidée par le désormais incontournable Imad Eddine Barakat Yarkas, dit Abou Dahdah. Dans une autre conversation Tayssir parle de billets à donner à quelqu'un. L'inconnu au bout du fil disait qu'il était d'accord pour tout ça mais qu'il fallait d'abord parler d'un autre type. Et ce genre de conversations quasi secrètes, émises sous forme de codes et qui ne précisent jamais les personnes concernées sont nombreuses dans le rapport du juge Garzon. Durant toute cette période qui s'étale sur presque six ans, où le futur journaliste de la chaîne qatarie était encore traducteur, des dizaines de noms de gens proches d'Al Qaïda défilent. On le voit parler à Abou Talha, à Abou Khaled, à Mohamed Zaher, à Abou Raim, à Jamal Arrawi, à Ahmed Kilani, à Abou Ali, à Abou Ilyas, à Iyad Haj Ibrahim, à Abou Malek, Abou Jasem, Abou Mouktad, Abou Oussama et tant d'autres figures qui sont toutes très proches de la cellule Al Qaïda que ce soit celle sous la houlette d'Abou Dahdah en Espagne ou les autres groupes présents en Allemagne, en Angleterre, en Turquie ou ailleurs. C'est, entre autres, sur cette base que s'appuie le rapport du juge espagnol pour inculper le journaliste d'Al Jazeera. C'est à partir de ce genre de preuves que la justice espagnole maintient aujourd'hui Tayssir Allouny en détention en attendant d'en finir avec le procès Abou Dahdah pour démêler les engrenages multiples d'Al Qaïda en Europe. C'est sur des pages que le rapport Garzon détaille les conversations téléphoniques de Tayssir Allouny dont la justice espagnole détient les enregistrements. C'est de cela que devra donc répondre Allouny pour s'en sortir et surtout prouver l'inanité de telles preuves. A moins d'un miracle, le sort du journaliste vedette d'Al Jazeera semble scellé. En attendant son jugement prévu pour les prochaines semaines, nous vous proposerons d'autres aspects de son affaire. Tayssir Alouny, a été libéré sous caution jeudi 23 octobre pour des raisons médicales. Le journaliste vient de subir une importante opération du coeur. La caution, fixée à 6.000 euros, a été versée et Allouny a quitté dans l'après-midi la prison de la banlieue de Madrid où il a été incarcéré. Ceci dit, le journaliste n'est pas autorisé à quitter l'Espagne sans la permission des autorités et doit se présenter chaque semaine à un contrôleur judiciaire. Dans le prochain numéro, la suite des conversations téléphoniques et le détail des actions de Tayssir Allouny avec le réseau Al Qaïda. Tayssir Allouny est marié à une Espagnole d'origine marocaine, Fatima Zohra Hamed Layasi, qui est née à Ceuta. Son père, Hamed Al Yazid Haddou, était un imam de la mosquée Moulay Al Mahdi dans la même ville. Les 35 accusés du juge Garzon avec qui Tayssir Allouny aurait eu au moins un contact 1.- Oussama Ben Laden, Alias “Abu Abdullah”. 2.- Omar Mahmud Othman, Alias “Abu Qatada”. 3.- Anwar Adnan Ahmad Salah, Alias “Cheij Saleh”. 4.- Mustafa Setmariam Nasar, Alias “Abu Musab Al Suri”. 5.- Zaiva Abideen Muhamad Asan, Alias “Abu Zubaidah”. 6.- Ramzi Benhalshib. 7.- Said Bhajai. 8.- Mohamed Bahaiah, Alias “Abu Khaled”. 9.- Mamoun Darkazanli, Alias “Abu Ilyas”. 10.- Imad Eddin Barakat Yarkas, Alias “Abu Dahdah”. 11.- Mohamed Ghaleb Kalaje Zouaydi, Alias “Abu Thala ”. 12.- Bassam Dalati Satut, Alias “Abu Abdo ”. 13.- Ghasoub Al Abrash Ghalyoun, Alias "Abu Musab". 14.- Mohamed Khair El Saqqa, Alias “Abu Al Darda”. 15.- Abdalrahman Alarnaot Abu Aljer. 16.- Kamal Hadid Chaar, Alias “Abu Nour”. 17.- Abdelaziz Benyaich, Alias “Abdelaziz”. 18.- Abdullah Khayata Kattan, Alias “ Abu Ibrahim” 19.- Mohamed Needl Acaid, Alias “Nidal”. 20.- Mohamed Zaher Asade, Alias “Zaher”. 21.- Jasem Mahboule, Alias “Abu Mohamad”. 22.- Ousama Darra, Alias “Abu Thabet”. 23.- Amer Azizi, Alias “Othman Al Andalusi”. 24.- Luis Jose Galan Gonzalez, Alias “Yusef Galán”. 25.- Parlindungan Siregar, Alias “Parlin”. 26.- Salaheddin Benyaïch, Alias “Abu Muhgen”. 27.- Taysir Allouny Kate, Alias “Abu Musab”. 28.- Said Chedadi. 29.- Najib Chaïb Mohamed, Alias “Najib”. 30.- Mohamed Belfatmi. 31.- Driss Chebli. 32.- Shakur. 33.- Abu Abderahman. 34.- Sid Ahmed Boudjella, Alias “Sidli”. 35.- Mourad Kaddar Ou Hamid Chatar.