L'Atlas, cœur et poumon du pays, souffre de la surexploitation et d'une mauvaise gestion. C'est le constat que dresse l'Organisation marocaine Amrash. “C'est une situation dramatique qui sévit. Des mesures d'extrême urgence doivent être entreprises !”. C'est le cri d'alarme que lance, désespérée, Leïla Tazi, représentante de l'Association marocaine de recherche-action pour l'épanouissement social et humain (Amrash). Rencontrant la presse le 21 octobre dernier, sous le thème “La montagne et son avenir au bénéfice de tous”, l'organisation dresse un constat peu optimiste sur l'avenir de cet écosystème fondamental à la survie du Maroc. Les montagnes de l'Atlas, “véritable rempart à la désertification”, sont en péril. “La dégradation des ressources naturelles est alarmante, les conditions de vie des habitants sont beaucoup trop précaires, une culture remarquable et une civilisation millénaire sont en voie de disparition”.Pour la fondatrice de l'organisme, “l'importance de la problématique a été éclipsée par d'autres dossiers “brûlants”. Cœur et poumon du Maroc, la chaîne de montagnes de l'Atlas est aux prises avec de sérieux problèmes, comme le confère Abdellah Herzenni, sociologue et ancien élu local de la région montagneuse et membre de cette association à but non-lucratif. Zone marginalisée, la gestion des ressources naturelles de ces milieux est à l'opposé du concept de développement durable, selon Amrash. La surexploitation est la pierre angulaire de ce problème. Comme l'exprime Herzenni, “le contexte historique, mais aussi les choix politiques expliquent le problème”. Malgré l'orientation nationale qui a déclaré le développement rural comme priorité, au sein duquel se trouve le territoire de la montagne, “il y a un sous-encadrement des services publics, en raison du faible niveau de ressources humaines et de ressources financières”. La situation laisse présager une véritable catastrophe écologique. La problématique qui touche la forêt résume bien l'ensemble du problème : sur les 30.000 hectares de forêts rasées chaque année, moins de 10.000 font l'objet de reboisement. La situation est tout aussi dramatique pour ce qui a trait à l'exploitation de la forêt destinée à la consommation du bois de feu. Au lieu d'exploiter les 3 millions de m3 de bois, la norme raisonnable dans une perspective de développement durable de la biomasse marocaine, le Maroc en exploite 6 à 7 millions de m3. Quant à la problématique de l'eau, le portrait est tout aussi alarmant. Au rythme actuel auquel est soumise cette ressource naturelle, un stress hydrique alarmant s'annonce pour l'horizon 2025.L'importance de légiférer sur la montagne, selon l'esprit du bien public, s'impose plus que jamais, tel que l'avancent les porte-parole de l'organisme. D'ailleurs, “les pouvoirs publics, conscients de l'urgence, préparent un projet de loi ou, ce qui serait encore mieux, un projet politique Montagne”. Outre la dimension légale, d'autres mesures toutes aussi importantes doivent être prises : la recherche et le développement afin d'exploiter de façon appropriée le potentiel de cette région, encourager le tourisme rural et écologique, favoriser une dynamique de planification concertée avec les communautés locales et, finalement, une plus grande solidarité entre les urbains et les gens de la montagne. A l'image du dieu grec pétrifié de peur et transformé en montagne après avoir refusé l'hospitalité à Persée, l'Atlas pourrait à son tour se venger en privant le Maroc de son bien le plus précieux. L'Histoire sert souvent de leçon. Mais encore faut-il savoir l'écouter.