Serait-ce le signal de départ d'une véritable coopération entre pays musulmans ? La visite que vient d'effectuer au Maroc le Premier ministre malaisien, Mohamed Mahatir, après celle d'Aberrahmane Youssoufi en Malaisie au mois de novembre dernier, témoigne d'une volonté commune des deux pays d'asseoir sur des bases solides l'intégration des économies des 57 pays membres de l'OCI (Organisation de la Conférence Islamique). Intervenant quelques mois après l'accord sur la Zale (Zone arabe de libre-échange) avec la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie, le renforcement des liens avec la Malaisie est de bon augure pour la promotion de la coopération économique entre pays arabes et musulmans. Il est très significatif que la visite du Premier ministre malaisien se soit traduite par la signature de multiples accords, portant notamment sur la garantie des investissements et la prospection et l'évaluation du potentiel des hydrocarbures dans la région de Missour et de Rabat-Salé offshore, ceci entre l'ONAREP et PETRONAS, la société malaisienne chargée de l'exploitation des hydrocarbures. D'autres memorenda ont également été signés, portant en particulier sur la coopération dans le domaine des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication), entre la direction des investissements du ministère des Finances, le MIDA et le CMPE (Centre marocain pour la promotion des exportations), d'une part, et MAT–RADE, son équivalent malaisien, d'autre part. Vers le renforcement de la coopération Par ailleurs, il a été décidé la création d'une haute commission mixte qui serait chargée d'étudier les moyens d'augmenter le niveau des relations bilatérales, encore très faible, et d'assurer une coordination des deux pays au niveau international, en particulier au sein de l'OCI. Il est vrai que nos relations économiques et commerciales restent en deçà de l'excellence de nos relations politiques. Ce constat a été soulevé aussi bien par les responsables marocains que par la délégation malaisienne, composée des plus grands opérateurs économiques de ce pays et conduite par le Premier ministre en personne. La CGEM a organisé, à l'occasion de cette visite, une rencontre à Casablanca entre les opérateurs économiques malaisiens et leurs homologues marocains dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la mécanique et de l'équipement automobile, des NTIC, des BTP, de l'électricité et de l'électronique, du tourisme, de la banque et des finances. Cette rencontre s'est déroulée en présence du Premier ministre malaisien, du ministre marocain de la Privatisation et du plan, du secrétaire d'Etat aux Postes et technologies de l'information et des patrons des patrons du Maroc et de la Malaisie. Lors de leurs interventions respectives, tous ces responsables politiques et économiques ont insisté sur la nécessité de renforcer la coopération entre les deux pays. À cet égard, il faut souligner que les échanges commerciaux sont largement en faveur de la Malaisie. Les exportations marocaines vers ce pays atteignent à peine 2 millions de dirhams par an, alors que nos importations de produits malaisiens se chiffrent, en moyenne, à 250 millions de dirhams. Pour aboutir à un rééquilibrage, nos opérateurs économiques ont intérêt à faire preuve de plus «d'agressivité» dans la promotion de leurs produits dans ce pays, au lieu de rester focalisés sur le marché européen. Les statistiques le prouvent : la Malaisie est 110ème sur la liste de nos clients, alors qu'elle est notre 40ème fournisseur. Nos opérateurs économiques doivent saisir l'occasion de la visite du Premier ministre et de la forte délégation d'hommes d'affaires qui l'accompagne pour renforcer la coopération avec ce pays qui a toujours fait montre d'une solidarité islamique à toute épreuve. Pour quiconque a eu l'occasion de visiter la Malaisie, il apparaît clairement que ce pays, malheureusement peu connu des Marocains mais aussi de beaucoup d'autres étrangers, ne cherche qu'à renforcer la coopération avec les autres pays musulmans, auxquels il est tout à fait disposé à accorder la priorité dans ses relations économiques, commerciales et culturelles. L'exception malaisienne Non sans une pointe d'humour, le Premier ministre a d'ailleurs indiqué que la plupart des gens situent mal son pays. Certains croient qu'il se trouve en Afrique, alors que d'autres le situent en Chine. Pourtant, c'est l'un des pays qui a réalisé les meilleures performances économiques du monde au cours de la décennie écoulée. Son taux de croissance annuel moyen a été de l'ordre de 7 % et ce, malgré la crise financière qui a balayé la majorité des pays du Sud-est asiatique. Crise à laquelle le pays a pu faire face, en dépit des injonctions du FMI, auxquelles le gouvernement malaisien a su résister, menant sa propre politique économique, financière et monétaire en toute souveraineté. Avec succès d'ailleurs. Le redressement de l'économie nationale a été plus rapide que celui des pays qui ont suivi à la lettre les recommandations du FMI. En témoigne, entre autres, le développement prodigieux des secteurs des NTIC et du tourisme. En matière de haute technologie, la Malaisie est devenue le premier producteur mondial de puces électroniques et a construit à cet effet une cyberville (l'équivalent de la Silicon Valley américaine), avec une université multimédia. Quant au secteur touristique, alors que le pays n'a accueilli que deux millions de visiteurs en 1990, il a réussi à atteindre, en l'an 2000, la barre des dix millions de touristes, pour passer en 2001 à 12,7 millions, soit une augmentation de 27 % en un an. À cet égard, au cours de son intervention, le Premier ministre malaisien a prodigué quelques conseils aux opérateurs marocains du secteur, les incitant à faire davantage de promotion en utilisant les supports adéquats. Toujours avec le même humour, Mohamed Mahatir a invité les Marocains en général, et les opérateurs du secteur touristique en particulier, à se rendre en Malaisie au lieu de visiter la Chine et l'Inde, puisque son pays est multiracial. En effet, sur les 23,5 millions d'habitants, 6 millions sont de souche chinoise et 1,5 million d'origine hindoue. Dans le même registre, le Premier ministre malaisien a invité tous les opérateurs marocains à se rendre en Malaisie afin de renforcer la coopération entre les deux pays. Dans le domaine culturel, il a également exhorté les étudiants marocains à venir en grand nombre dans les universités malaisiennes, qui accueillent 20.000 étudiants étrangers et assurent des formations de qualité, en particulier celles qui relèvent des technologies de pointe. Il reste à espérer que toutes ces bonnes intentions se concrétiseront. La commission mixte constitue donc probablement le cadre idoine pour le renforcement et l'approfondissement de la coopération multiforme entre nos deux pays.