Abdellah Sbai, vice-président des ventes de Airbus, Afrique du Nord et Moyen Orient La concurrence entre les deux géants mondiaux de l'aéronautique, Boeing et Airbus, s'acharne de plus en plus sur le marché marocain. Après la sortie médiatique de Boeing, la semaine dernière, c'est au tour de Airbus de faire de même pour exposer ses ambitions et sa stratégie au Maroc. À cette occasion, nous avons rencontré Abdellah Sbai, Vice-président des ventes de la région Moyen-Orient de la compagnie Airbus, pour nous entretenir sur les relations commerciales entre Airbus et les compagnies marocaines, principalement la RAM et des projets d'Airbus visant à accompagner le Maroc dans son développement touristique. La Gazette du Maroc : Nous savons pertinemment que le constructeur américain Boeing a une forte présence sur le marché marocain. La RAM vient en effet de commander 20 avions auprès de ce constructeur. Pour ce qui est d'Airbus, elle n'a commandé que 4 appareils. Avez-vous mis en place un plan d'action pour remonter la pente par rapport à Boeing ? Abdellah Sbai : la RAM a commandé 4 avions A321 dans le cadre du dernier appel d'offres. Je pense que vous êtes au courant des plans de développement du tourisme au Maroc, notamment du plan des 10 millions de touristes à l'horizon 2010. Il a été annoncé récemment qu'il y aurait un marché de 80 avions au niveau du pays, de la Ram et des autres compagnies charters. Je pense que nous avons toutes les chances, avec les produits que nous avons, de pénétrer d'autres secteurs de Royal Air Maroc mais aussi ceux des autres compagnies qui démarrent. Est-ce que les négociations sont en cours avec ces compagnies charters ? Nous sommes en contact avec ces compagnies. Nous étudions leurs besoins et nous essayons de leur fournir des solutions qui correspondent à leurs attentes. Mais, concrètement, quelles sont vos perspectives commerciales sur le marché marocain ? Alors, concrètement, il y a ce contrat de 4 avions. Il y a la livraison de 2 avions (A321) en novembre 2003 à Royal Air Maroc. Et le reste constitue un potentiel à exploiter par la suite. Vous savez que tout ce mouvement de développement du transport aérien et du tourisme est assez récent. Les compagnies aériennes réfléchissent et mettent en place des scénarios. Nous sommes, nous aussi, engagés dans cette réflexion. Mais, concrètement, il n'y a aucune décision pour l'instant. Qu'allez-vous entreprendre pour accompagner le Maroc dans la réalisation de son objectif de 10 millions de touristes à l'horizon 2010 ? Je pense que la façon dont Airbus peut aider le Maroc dans son activité touristique, c'est justement de donner aux compagnies marocaines la possibilité d'avoir des produits compétitifs. Il y a une concurrence au niveau du marché. Mais, ça ne peut être que bénéfique à toutes les compagnies qui démarrent d'avoir un choix que ce soit chez Airbus ou ailleurs. Notre compagnie dispose de produits performants et efficaces comme l'A320, l'A319 et l'A321 qui répondent donc à cette demande. Par ailleurs, nous allons aussi développer des compétences chez les Marocains au niveau de la maintenance et du pilotage. Il y aura aussi de plus en plus de techniciens et mécaniciens qualifiés sur les Airbus. Mais aussi des pilotes. Et, tout cela ne peut qu'aider dans leur choix les compagnies qui démarrent. Si le potentiel du marché marocain est réellement de 80 avions, il dépend toutefois de la façon dont se réalisera la libéralisation du ciel. Que pensez-vous de cette libéralisation ? Nous, nous sommes fournisseurs d'avions et nous répondons aux besoins. S'il y a un potentiel de 80 avions, il est le bienvenu. Nous allons répondre à cette demande. Au-delà, je pense que ce sont les autorités compétentes qui dictent les régulations du secteur de l'aérien. Et je pense que le développement des compagnies charters a d'ores et déjà commencé comme Mondair et Air Atlas Express. Il y a d'autres projets de ce genre pour l'avenir. Boeing a conclu, il y a quelque temps, un partenariat industriel avec la RAM pour la création d'un joint-venture dénommé Matis Aerospace. Pourquoi Airbus n'est pas entré dans cette logique de partenariats industriels avec la compagnie nationale aérienne ? Je voudrais juste rappeler que Airbus est présent au Maroc à travers EADS Maroc Aviation qui est une filiale d'EADS. Au niveau de Royal Air Maroc, c'est vrai que le partenariat RAM-Boeing est un partenariat naissant créé en 2001. Mais, en ce qui nous concerne, on n'a pas encore de partenariat concret avec Royal Air Maroc. Néanmoins, j'espère qu'il va exister bientôt. Comme vous le savez, le marché international traverse une crise marquée par la guerre des Etats-Unis contre l'Irak. À combien estimez-vous les pertes auxquelles Airbus est exposé dans cette crise ? Je pense qu'il faut rappeler qu'on est déjà dans un plan anti-crise après les évènements du 11 septembre 2001. Tout le monde a serré la ceinture même si l'année 2002 a été tout à fait honorable puisque nous avons réalisé 300 livraisons. Nous prévoyons le même chiffre de ventes pour l'année 2003. Aujourd'hui, il est trop tôt pour parler de crise, si la situation s'aggrave, il faudra remettre à jour notre plan de travail. Déjà, depuis septembre 2001, nous avons mis en place un plan visant à réduire les coûts et appliqué une gestion très serrée de nos finances. Votre portefeuille clientèle est fortement influencé par les compagnies asiatiques et celles du Moyen-Orient. Par contre, en Afrique, vous êtes quasiment absents. Pourquoi? Vous savez, dans toute l'Afrique, il n'y a que deux grandes compagnies aériennes, Royal Air Maroc et South African Airways. Donc, l'année dernière, nous avons réussi une percée extraordinaire chez South African Airways qui a sélectionné des avions A320 mais aussi des avions gros-porteurs comme les A340 pour le remplacement des 747. Donc, nous sommes présents en Afrique. Mais, récemment Ethiopian Air Lines a mis en concurrence les deux compagnies Boeing et Airbus dans le cadre d'un appel d'offres international. Cet appel d'offres, vous l'avez perdu. Pourquoi ? Tout à fait, nous avons perdu cet appel d'offres. Vous savez, notre objectif est d'obtenir une part de marché moyenne de 50% au niveau mondial. Nous pensons que ce chiffre est raisonnable. L'année dernière, nous étions arrivés à 57%. L'année d'avant, à un peu plus de 50 %. Donc, pour réaliser cet objectif, il faut perdre et il faut gagner. Ce qui est tout à fait normal.