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Dynamique économique, conservatisme culturel et silence des élites
Publié dans La Gazette du Maroc le 02 - 07 - 2009

La faible croissance économique explique jusqu'à un certain point le regain de vitalité du religieux. La forte croissance démographique et les besoins démultipliés des populations en résultant fragilisent le projet de modernité dans la mesure où celui-ci n'est pas en mesure de combler les besoins et de faire face à la situation d'appauvrissement comme à l'accroissement des inégalités sociales. L'absence d'un réel projet moderniste et cohérent à fort contenu social comme réponse à la libéralisation imprévoyante, laisse libre cours à l'émergence de discours populistes puisant dans le registre religieux. Cette faiblesse de l'économique joue un rôle central dans les blocages culturels à l'émergence d'une véritable modernité avec une réelle citoyenneté.
Cette donnée est une caractéristique structurelle ancienne au Maroc. Elle consiste en une prédominance du politique et du religieux sur l'économique née de l'anémie structurelle dont ce dernier a constamment fait preuve. Jamais l'activité économique n'a débordé au point de briser les obstacles que la culture traditionnelle imposait à la société. Au contraire la culturelle traditionnelle, essentiellement religieuse, devenait un refuge et une réponse à la faible accumulation du capital. L'anémie du secteur économique faisait du religieux un recours unique et indispensable pour protéger les courants d'échanges. Le politique épouse en conséquence le religieux pour assurer sa maîtrise des itinéraires commerciaux et des espaces de production les plus rentables. Ce recours bénéfique dans les circonstances précaires et difficiles du passé, devient aujourd'hui un obstacle à l'épanouissement de l'entreprise au Maroc.
Une société moins contrainte économiquement conçoit son avenir avec moins d'appréhensions. Les espoirs dans le développement des forces productives suscités dans les années soixante, la mobilité sociale offerte à la génération scolarisée d'après l'indépendance et la faible pression démographique de l'époque ont produit une donne culturelle très ouverte sur la modernité notamment à travers la place acquise par le marxisme.
Le problème de fond provient du fait que la modernisation de l'économie et de la société est, à l'origine, le produit de facteurs extérieurs. Aucune logique interne n'a présidé à l'émergence des données de la société moderne. Jusqu'à la fin du 19è siècle la société marocaine ne contenait nul germe pouvant déboucher sur une mutation des structures économiques et sociales. Des techniques archaïques dans l'agriculture comme dans l'industrie ne permettaient qu'une faible production la plupart du temps insuffisante pour satisfaire les besoins alimentaires de la population. Pas la moindre trace d'innovations annonciatrices d'un quelconque bouleversement. Au niveau culturel, c'est le caractère figé des représentations du monde qui frappe le plus. En crise depuis la fin du moyen âge avec l'effondrement des grands empires maghrébins, l'économie marocaine n'a pu se reprendre et trouver un nouveau souffle. Frappée de plein fouet par l'expansion européenne qui occupe Sebta en 1415, verrouille la façade méditerranéenne du Maroc puis la façade atlantique par la suite, l'économie est asphyxiée et privée des ressources importantes du commerce international. Depuis la culture essentiellement religieuse, autant dans la production intellectuelle que dans les pratiques sociales, a permis de doter la population d'un moyen de défense et à permettre à la société de continuer à fonctionner grâce notamment à un dense réseau de saints et à un renforcement de la communication autour du sacré.
Le changement intervenu du fait de l'extérieur a consisté dans l'introduction d'une nouvelle dynamique économique totalement absente jusque-là. Cette dynamique basée sur l'accumulation du capital est accompagnée d'une différenciation sociale sur le modèle capitaliste sous-développé, a laissé de côté l'aspect culturel qu'elle n'a pas remis en question.
C'est de cette façon qu'une société moderne a progressivement vu le jour sans les prémisses et les fondements culturels qui lui correspondent. La société moderne au Maroc n'est pas le produit d'une révolution globale endogène portée par une révolution des lumières sur le modèle européen. Les contradictions évidentes entre le modèle culturel dominant et les innovations économico-sociales ainsi que leurs répercussions culturelles vont être étouffées et éludées autant que possible. Ainsi, sur le plan juridique, au lieu de réformer le droit musulman on recourt au droit moderne européen sans remettre directement en cause le premier, dans le souci d'épargner à la société un conflit ouvert de cultures. Une telle démarche a permis d'éviter de trancher le problème de la révolution intellectuelle dont a voulu faire l'économie et qui se pose aujourd'hui avec plus d'acuité que jamais malgré le silence qui entoure cette question.
La société marocaine est ainsi traversée par cette caractéristique consistant à taire le sens et la portée modernistes de sa propre pratique. L'existence de deux canaux juridiques permet d'évacuer les contradictions du droit musulman avec les contraintes économiques dans le canal juridique moderne d'origine européenne. La règle est donc de taire la contradiction et de composer. D'autre part, le droit musulman pour sa part, n'étant pas remis en cause directement, semble indemne pour l'éternité, ce qui relève de la pure illusion. C'est cette profonde contradiction culturelle qui travaille la société marocaine confinée entre sa propre pratique ouverte sur la modernité et les injonctions du religieux. Aussi malgré les acquis manifestes dans la pratique quotidienne on peut dire que le pari culturel est loin d'être gagné au Maroc. Le champ culturel reste en effet très fragile dans la mesure où les enjeux touchant au choix de société ne peuvent s'exprimer de façon explicite.
Cette caractéristique dote les forces traditionnelles d'une plus grande marge de manoeuvre qui leur permet de dénoncer comme hérétique toute innovation sociale révolutionnaire et pouvant prétendre à être légitimée par la loi. Les gardiens du temple ont toute latitude de définir le licite et l'illicite. Ils se prévalent d'un lexique religieux dominant dans les représentations, qui demeure amplement opératoire n'ayant pas été remis en question même sur ses aspects désormais caducs. D'où l'intérêt d'un regard plus circonspect et plus soucieux des structures lourdes pour comprendre la réalité culturelle du Maroc et des pays musulmans de façon générale.
Le silence est aussi le fait de l'élite intellectuelle aussi surprenant que cela paraisse. Plus qu'un silence tactique c'est véritablement d'une faible conviction dans les vertus de la modernité qu'il est question ici. Aussi y a-t-il des zones d'ombre qui font l'unanimité toutes élites confondues. Si on regarde du côté de la production culturelle écrite où la revendication du changement social et « culturel » est explicite, celle-ci qu'on ne retrouve que par fragments abordant des volets particuliers, reste muette quant au problème global de la modernité, aux contraintes, sacrifices et courage que sa solution appelle. On traite ainsi du problème de la femme, de l'enfant, des handicapés, des prisonniers politiques, des droits de l'homme mais de façon à éviter l'obstacle paradigmatique majeur, pour ne pas l'affronter. On en traite, il convient de le souligner, sans relever explicitement les contradictions avec la culture ambiante et notamment celle de nature religieuse.
C'est que la culture de la contradiction basée sur une dynamique de la compétition semble ne faire que très difficilement son chemin dans la pratique dominante au Maroc où le mot consensus qui jouit d'une faveur partagée cache le plus souvent des divergences inavouées. Or la modernité ne peut avoir lieu au prix de n'importe quel compromis, et encore moins celui qui affiche le désir de ne pas ébranler les valeurs culturelles traditionnelles seraient-elles en totale contradiction avec les objectifs du développement d'une société moderne.
Au sein des élites, l'intérêt de classe n'est pas étranger à un tel choix. La rupture de celles-ci avec les larges couches de la population, qui risque d'aller s'aggravant avec la mondialisation accentuée, les conduit à adopter un double langage, d'une part s'intégrer pleinement dans le système de vie moderne avec ce que cela suppose comme intégration culturelle de leurs enfants qui n'ont de rapports avec les pratiques culturelles traditionnelles que revisitées par le design moderne et donc adaptées à leur mode de vie. Ces mêmes élites tiennent un discours faisant appel au conservatisme et au refus des valeurs étrangères pour les enfants des classes moyennes inférieures et populaires (notamment l'arabisation sauvage et incontrôlée)
Les élites traditionnelles qui ont renouvelé leurs assises dans le secteur moderne renforcées par les nouvelles élites entrepreneuriales, administratives et militaires ne tiennent pas à mettre en jeu leurs intérêts par une intégration du reste de la société dans la sphère culturelle moderne notamment par la mise en place d'une école moderne compétitive. L'exemple de la génération d'après l'indépendance a tiré la sonnette d'alarme. C'est dans ce sens que l'islamisme peut trouver un terrain d'entente avec la classe dominante au Maroc car ils ont tous les deux intérêt à réactiver le champ des traditions et à chanter les louanges d'un retour aux sources nécessaire à l'épanouissement de l'essence culturelle arabe. ■


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