Alors que le nouveau ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, tient pour nul et non avenu le processus d'Annapolis et envisage même de revenir sur les accords d'Oslo, l'Administration américaine souhaite très fermement une reprise des discussions israélo-palestiniennes en vue de mettre en œuvre la solution de deux Etats pour deux peuples. Ce pourrait être l'amorce d'une période de forte tension. L ors d'un discours prononcé la semaine dernière devant le Parlement turc, le président américain Barak Obama a, pour la première fois depuis son accession au pouvoir, clairement défini sa position sur le conflit israélo-palestinien. Il a appelé toutes les parties en cause à ne pas céder à la facilité et à la résignation : «Nous ne devons pas céder maintenant au pessimisme et à la méfiance. Nous devons saisir chaque occasion pour progresser». Dans son discours dont chaque mot avait été pesé, Barak Obama a déclaré: «Permettez-moi d'être clair : les Etats- Unis soutiennent fermement l'objectif de deux Etats, Israël et la Palestine, coexistant dans la paix et la sécurité». Il ne s'agissait pas simplement d'une phrase en l'air ou de l'énoncé d'un vague principe. Les propos de Barak Obama constituent une réponse aux déclarations faites par plusieurs responsables israéliens, en particulier le nouveau ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman. Lors de sa prise de fonctions, le chef d'Israël Beitenou, la formation russophone d'extrême droite, a clairement indiqué qu'aux yeux du nouveau gouvernement israélien, le processus enclenché par la conférence de paix d'Annapolis n'avait aucune valeur contraignante. Il n'a été ratifié ni par un vote de la Knesset, le Parlement israélien, ni par un vote du gouvernement de Ehoud Olmert dont Lieberman avait d'ailleurs démissionné à ce sujet. Depuis, le chef de la diplomatie israélienne, qui pourrait être mis en examen pour corruption et blanchiment d'argent, a radicalisé ses positions. Avigdor Lieberman a en effet estimé que c'était l'ensemble du processus découlant des accords signés en 1993 qui devait être mis en question. Pour lui, les accords d'Oslo sont moribonds. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s'est bien gardé de démentir son bouillant ministre des Affaires étrangères. Lors de son discours de politique générale devant la Knesset, il s'est contenté d'évoquer une «solution économique» du conflit israélo-palestinien. D'autant que chacun sait qu'il est opposé à la création d'un Etat palestinien indépendant aux côtés d'Israël. C'est d'ailleurs son refus de se prononcer clairement en faveur de cette solution qui a conduit la présidente de Kadima, Tsippi Livni, à refuser tout accord de coalition avec le Likoud et à passer dans l'opposition. Les déclarations faites par Barak Obama, Benyamin Netanyahou et Avigdor Lieberman, montrent que l'on s'achemine vers une détérioration significative des rapports israélo-américains. La nouvelle Administration américaine, soucieuse de restaurer l'image de marque des Etats-Unis sur la scène internationale, plus spécifiquement dans le monde arabo-musulman, est bien décidée à faire fortement pression tant sur les Israéliens que sur les Palestiniens pour les contraindre à retourner à la table des négociations. La première confrontation pourrait avoir lieu lors de la rencontre, à Washington, en mai prochain, entre Barak Obama et le Premier ministre israélien, puis se manifester, avec encore plus de vigueur, lors de la visite que le président américain pourrait faire en Israël et dans les territoires placés sous contrôle de l'Autorité palestinienne en juin 2 009. Selon plusieurs observateurs, les conseillers du Président Obama auraient, ces dernières semaines, multiplié les contacts avec les parlementaires américains pour les préparer à l'éventualité d'une forte tension diplomatique entre Israël et les Etats-Unis et les inviter à ne pas céder aux pressions du lobby pro-israélien au Congrès, un lobby dont les prises de position de droite sont d'ailleurs contestées par une partie de la communauté juive américaine. L'évolution de la situation semble donner raison à Tsippi Livni qui avait prédit que l'arrivée au pouvoir de Benyamin Netanyahou se traduirait par une crise diplomatique avec Washington. Et l'on voit mal comment celle-ci pourrait être évitée si le Premier ministre israélien persiste à s'aligner sur les positions de la frange la plus ultra-droitière de sa coalition qui devrait être probablement de courte durée. ■