Abdelouahed Radi a entamé de très larges consultations autour de son plan pour réformer la justice. Tous les corps concernés, mais aussi la société civile pourront discuter, enrichir, une réforme que l'on attend depuis des décennies. La justice est le socle de la légitimité du pouvoir, c'est la manifestation de l'Etat de droit. L'égalité de tous devant la règle de droit, n'a de sens que si la justice sauvegarde ces droits. Or, les justiciables ne font pas confiance à la justice et donc à la primauté de la règle de droit. Longtemps, le débat est resté focalisé sur la nécessité de l'indépendance de la justice par rapport à l'exécutif. Or, cette indépendance est garantie par la constitution, sa mise en œuvre connaît des difficultés dont la réforme cherche à se prémunir par le cantonnement procédural du rôle du ministre de la Justice. Cet aspect est important, mais il est hypertrophié. Car la défiance des Marocains face aux juges ne concerne pas les affaires où le pouvoir politique peut être soupçonné d'intervention. Cette défiance a trait à la justice de tous les jours. La corruption et le népotisme sont des maux plus cités que l'indépendance des juges lors des procès à consonance politique. Il faut s'intéresser à l'indépendance des juges par rapport à d'autres pouvoirs. Celui de l'argent, souvent corrupteur, celui d'une presse, qui, en violant le secret de l'instruction forme l'opinion publique en dehors des prétoires et enfin, celui des différents groupes de pression, en particulier les corps constitués. Les spécialistes dégageront des règles, des procédures à mettre en place. Cette réforme jouit d'un réel soutien politique au plus haut niveau de l'Etat. La défiance vis-à-vis de la justice est un frein au développement économique, mais aussi un handicap à la construction démocratique. Il faut entourer l'indépendance des juges de toutes les garanties et mettre en place tous les mécanismes en facilitant l'exercice. Seulement la meilleure garantie de cette indépendance, restera la conscience du juge. Il ne faut pas se voiler la face, le corps des magistrats doit retrouver une pratique éthique au diapason de la noblesse de sa mission. La réforme ne peut réussir sans mettre l'accent sur cette dimension, en amont, en améliorant les conditions matérielles de l'exercice de la fonction, en aval, en musclant le contrôle et la répression. Les juges ne pouvant être au-dessus de la loi qu'ils sont censés appliquer à tout le Monde. ■