On affirme souvent que la capitale économique du pays manque d'espaces verts. C'est sans doute vrai depuis que la ville multicolore s'étend dans tous les sens. Il y a malgré tout une multiplication de jardinets qui viennent s'ajouter aux parcs déjà existants. Le plus prestigieux est sans conteste le parc de la ligue arabe. Il faut le dénicher, cependant, au centre de la ville. Il y a bien aux abords un mur de marbre bien visible, où était incrusté en caractères cuivrés le nom du parc en arabe. C'était probablement du cuivre parce que tout a disparu, le mur est devenu un panneau d'affichage, au sommet duquel, curieusement, sont disposées quelques pierres. On n'en comprend pas le sens. Peut-être un souvenir de Shimon Pérèz qui s'était promené paisiblement il y a quelques années dans les parages, suivi de nombreux curieux. Ni Netanyahou encore moins Lieberman n'auraient cet honneur, à n'en pas douter. Toujours est-il qu'en avançant plus loin, on comprend qu'il s'agit du parc de la Ligue arabe grâce à l'enseigne de l'un des cafés qui longent l'avenue. Et s'approchant d'une grille, on remarque la Casablancaise, complexe sportif destiné à l'athlétisme. Il ne faut pas aimer la nature pour ne pas ressentir une agréable émotion. La piste goudronnée qui encercle le stade et où des adeptes du jogging font admirer leurs petites foulées, balise ce qu'il faut bien appeler un pré. Les pluies abondantes d'il y a quelques semaines, n'ont pas été inutiles. Verdoyance printanière. On ne peut être qu'admiratif devant cette nature si généreuse. Puis on est un peu gêné. Quel gâchis. Personne n'en profite. Pas au sens de «profitation» mais de jouissance. Il est naturel de penser aux autres. Ce pré devrait être accessible à tous. Tout d'abord, il ne faut pas que cette herbe soit perdue. On pourrait y transporter une dizaine d'agnelets fraîchement sevrés et qui trouveraient là leur première herbe à brouter. Cela compléterait le paysage bucolique. Ni bovins ni animaux de compagnie qui sont réputés pour ne pas se contrôler. Car il faut penser à l'écologie. Un tel environnement ne pourrait que ravir les Casablancais. Il faudra en choisir les plus méritants. On pense d'abord aux faubourgs. Celui de «more echems», derrière le soleil, ainsi appelé parce que le soleil se couche là-bas, vient en premier à l'esprit. A Paris ils ont «le point de jour». Le soleil couchant est le quotidien de ce quartier. Il serait tout à fait juste de faire transporter les habitants pour une journée dans ce coin de campagne et y respirer du bon air. Des employés veilleront à la sauvegarde de l'environnement en ramassant régulièrement les bouteilles en plastique et autres papiers gras. Point de parasols. Pour une fois que ces visiteurs bénéficieront d'un soleil printanier alors qu'ils ne connaissent qu'un astre fuyant. Il est évident que ces privilégiés sont tout sauf égoïstes. C'est donc tout naturellement qu'ils verront avec plaisir les habitants de l'ancienne médina installés sur les gradins alors que les dignitaires de la ville occupent la tribune couverte. Ce tableau champêtre au centre de Casablanca ne saurait être dissout par le temps. L'Ecole des beaux-arts n'est pas loin. Les élèves peintres viendront planter leurs chevalets et immortaliser, chacun à sa manière, ce qu'on peut appeler un espace exceptionnel. Jadis, Alphonse Allais avait préconisé de construire les villes à la campagne. Il semble qu'aucune ville au monde n'y a songé. Casablanca l'a fait.