Dans un grand atelier du côté d'Aïn Sebaa, on découvre en parcourant un parterre de gravier, le monde de Karim Alaoui : silhouettes androgynes longilignes en aluminium, poignées de portes, horloges de toutes tailles… Tel est l'univers de ce fondeur d'art, qui nous accueille le temps d'une expédition découverte dans son univers hétéroclite. Les prémisses Karim Alaoui, c'est d'abord un amoureux de l'écriture. Né en 1964, «l'année où Jean Paul Sartre refuse le Prix Nobel», il quitte le Lycée Lyautey en 1982, avec un BEP mécanique en poche, et déniche un premier emploi d'usineur. Chose qui ne lui fera pas oublier ses ambitions artistiques. De 1982 à 1988, il sera usineur en fabrication mécanique, avant de se tourner vers la fonderie d'art jusqu'à 2002. Dès 2003, il crée son atelier, Sculpture & Design, spécialisé en création d'objets en fonderie d'art et inox. 1987 fut le temps des expositions de ses œuvres de peinture sur verre et de sculpture sur bois. Entre temps, de 1990 à 2000, il suivra plusieurs cycles de formation pour la partie théorique, et sur site en France, Italie et Allemagne, pour le côté pratique, histoire de se perfectionner dans sa passion. Karim Alaoui participera au Salon du bâtiment en 1996, où il sera approché par des architectes et autres designers. Etre au bon endroit au bon moment peut donner un nouveau tournant, incontestablement. La «créa» La fonderie d'art est un travail de longue haleine, expliquera l'artiste. Pourquoi alors choisir cette forme-là ? «La fonderie personnalise la création, insistera-t-il. Il existe un côté créa et imaginaire dans la fonderie d'art, même un peu littéraire, poète.» Pour info, Karim Alaoui s'amusait beaucoup à concevoir des bandes dessinées dans sa jeunesse. En entrant dans son atelier, on est impressionné par le nombre de pièces qu'il contient, allant des poignées de portes aux porte-manteaux en passant par d'immenses éprouvettes servant de vases aux trophées. Artistes mal aimés Comment s'y prennent les amateurs pour dénicher ses œuvres ou encore le côtoyer ? Outre le fait de pouvoir les approcher à la boutique Urban Living, ne vous attendez pas à rencontrer Karim Alaoui lors de vernissages, ce n'est pas son «truc». Explication : «Bla bla inutile à outrance, ambiance théâtrale, magouilles à foison». Selon lui, un objet d'auteur n'a aucunement besoin d'une opération de communication. Un constat qui conduit à deux conclusions littéralement opposées : 1) On peut tomber sur un bel ouvrage mais mieux vaut ne pas connaître l'artiste. 2) Il existe des artistes qui méritent d'être connus… Mais qui ne le sont pas. L'art malléable A la question «est-il réellement possible de vivre de son art au Maroc ?», Karim Alaoui répond que cela «est très difficile de vivre de son art sans vendre son âme au diable. Et cela est valable pour tous les domaines». Une vision on ne peut plus claire et franche (pour changer) des coulisses du monde artistique. «C'est le nom qui compte, il faut quelquefois jouer le jeu. L'éthique et la morale peuvent parfois faire couler». On serait tenté de lever les mains au ciel et pousser un grand «Oh !!», si nous étions ailleurs… Quelles solutions restent-il pour se faire une place dans ce cercle fermé? «La sculpture, par exemple, n'ayant qu'une utilité pratique, il est important d'être doté d'une certaine capacité d'adaptation, en agrandissant son panel de travail». ■