Depuis plusieurs années, Ankara s'impose comme un interlocuteur privilégié dans toute tentative de mettre un terme à la tension qui prévaut dans la région. La récente «sortie» de son Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, lors du Forum économique de Davos, s'inscrit dans ce sens. L'atmosphère feutrée des discussions organisées dans le cadre du Forum économique de Davos a été troublée par l'altercation qui a opposé le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan au modérateur d'un débat consacré à la situation dans la bande de Gaza. Furieux de se voir privé de micro alors qu'il souhaitait répondre au président de l'Etat d'Israël, Shimon Peres qui l'avait interpellé en lui demandant ce qu'il aurait fait si Istanbul avait été bombardée quotidiennement, le chef du gouvernement turc a quitté la tribune. Cette «sortie» tonitruante lui a valu d'être accueilli triomphalement à son retour à Ankara et de devenir le nouveau porte-parole de la cause palestinienne. Cette analyse mérite d'être considérablement nuancée. D'une part, la Turquie entretient d'étroites relations politiques, militaires et économiques avec Israël. D'autre part, le geste du Premier ministre turc semble avoir été dicté essentiellement par des considérations de politique intérieure. A quelques jours des élections municipales décisives, Recep Tayyip Erdogan a voulu marquer un point décisif contre l'opposition. Il n'en demeure pas moins que le jugement sévère porté par le Premier ministre turc sur l'opération Plomb durci déclenché dans la bande de Gaza par le gouvernement israélien et le soin qu'a pris ce dernier à réaffirmer sa volonté de poursuivre sa coopération avec Ankara sont révélateurs du rôle central joué par la Turquie à l'échelle régionale. La question d'Orient C'est ainsi que la Turquie a abrité, de 2006 à 2008, les conversations indirectes tenues entre Syriens et Israéliens à propos d'une restitution à Damas des hauteurs du Golan. De même, la Turquie, membre à part entière de l'OTAN, a joué un rôle modérateur en ce qui concerne son voisin immédiat, l'Irak, facilitant de discrètes discussions entre diplomates iraniens et américains. L'ensemble des initiatives récemment prises par Ankara et l'écho favorable qu'elles ont suscité, car venant d'un pays officiellement laïc mais dirigé par un parti islamiste modéré, montrent que nul ne pourra à l'avenir se passer de ses services. Le geste de Recep Tayyip Erdogan à Davos s'inscrit dans cette vision à long terme du rôle diplomatique de la Turquie. Il fut un temps, au XIX° siècle notamment, où les chancelleries qualifiaient la Turquie, à l'époque l'empire ottoman, de «vieil homme malade» dont l'agonie soulevait bien des interrogations et des inquiétudes. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de constater qu'en 2009, la Turquie est à nouveau au centre de la fameuse «Question d'Orient» mais qu'elle se trouve cette fois en position de force.