La chanson «Ya jara wadina», écrite par M'hamed Hay, composée par Hassan Kadmiri et interprétée par Raja Belemlih, est considérée comme l'un des premiers refrains arabes «chababi» moderne. Au cours de l'édition 1979 «d'Adwa al madina» (les lumières de la ville), concours organisé par la radio avec la complicité de Hamid Alaoui et dont le but était la recherche de nouvelles voix pour donner du sang neuf et enrichir la scène musicale nationale, Raja Belemlih décroche le premier prix au nez de plus de 1500 concurrents. Son interprétation, avec grâce et maestria, de «Wahakika anta al mouna» de la diva Oum Keltoum au théâtre Mohammed V de Rabat, restera dans les mémoires. La lycéenne avait dix sept ans. Au cours du festival de la musique marocaine de 1985, organisé par le ministère de la Culture à Mohammedia, le parolier M'Hamed Hay décroche lui le prix des paroles avec «La tadaâni», composée par Aziz Hosni et interprétée par Soumaya Kaisar. Entre temps Rajaa Belemlih est devenue l'une des grandes chanteuses confirmées. En regardant la cérémonie de Mohammedia à la télévision et en écoutant la magistrale interprétation de Soumia Kaisar, elle ne pensait qu'à une chose, rencontrer le jeune auteur. Par l'intermédiaire du journaliste Niimi, le rendez-vous est pris. M'Hamed Hay est invité chez la chanteuse. En débarquant, il retrouve le compositeur Hassan Kadmiri en train de présenter à la chanteuse des textes de grandes figures de la poésie marocaine. Instruite, n'a-t-elle pas décroché un DEA en littérature arabe à la fac de Rabat ? Passionnée jusqu'à la folie par Fayrouz, sa voix et ses engagements, elle cherchait autre chose. Hay lui présente une dizaine de poèmes qu'elle lit attentivement avant de finir par choisir «Ya jara wadina». L'ambassadrice de la chanson marocaine Le morceau est une quassida dite «mabtoura», c'est-à-dire sans fin. Avec le compositeur, on en choisit deux couplets. Après le dîner, elle demande à Hay de les lui faire entendre de sa propre voix, et de les écrire de ses propres mains dans un cahier d'écolier. Hassan Kadmiri s'empare du texte et décide de lui trouver une composition digne de la jeunesse et de la beauté de Raja. «Quelque chose de moderne», disait-il. Et ça n'a pas été difficile pour quelqu'un qui a étudié à la mission, fréquenté, adolescent, les boites et les surprises parties et grand connaisseur des musiques occidentales. Le texte, écrit dans une langue arabe fluide et légère, s'y prêtait. La batterie et le saxophone donnent la voix et la diva entonne, «Ya jara wadina/zaouir maghanina/achawk adnana / wa al waslou youhnina/ya jara wadina/zaouir maghanina». Nous sommes dans les années quatre vingt. La world déferle sur la planète. «Ya jara wadina», qui réconcilia le public des classiques arabes et celui des tendances jazz, folk et rock, est considérée comme l'une des premières chansons arabes dites «chababia», refrain léger dans l'air du temps. Enregistrée chez Mahjoub au studio Zallagh à Casablanca, le public la découvre en 1986 au cours d'une soirée télévisée en direct du complexe sportif Mohammed V de Casablanca. Le lendemain, le refrain est repris et fredonné par grands et petits à travers tout le royaume et le monde arabe. Ce fut la chanson la plus demandée à la cantatrice au cours de ses différents concerts en Egypte et dans le Golf. Rajaa Belemlih, l'une des grandes et dignes ambassadrices de la chanson marocaine sur la scéne arabe, nous a quittés fin août 2007 à la fleur de l'âge, elle avait à peine 47 ans. Parmi ses reliques, le cahier d'écolier de Mohamed Hay avec les mots manuscrits de «Ya jara wadina». ■