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Diplomatie marocaine Les péchés originaux
Publié dans La Gazette du Maroc le 17 - 10 - 2008

Sans école de diplomates, le Maroc se prive d'une Académie pour professionnaliser
la diplomatie. S'y ajoutent des erreurs du commencement, telle la purge
des années 60 qui a coûté au pays ses pionniers en la matière.
Le Maroc aurait-il-eu un prestige
mondial, encore plus visible
que celui qui est le sien actuellement
? Sans doute aucun.
Seulement voilà : Si ses Monarques ont
su se forger une stature internationale,
sa diplomatie n'a pas toujours suivi
le mouvement, et, partant, lui a fait
perdre une certaine aura. Les raisons
ne manquent pas, certaines plus que
d'autres sont presque congénitales, et
remontent au début de l'indépendance.
D'autres perdurent jusqu'à présent à
pénaliser notre dynamique sur la scène
mondiale. Autant le dire d'entrée de jeu
: le Maroc n'a presque jamais fait le lien
en diplomatie entre ses relations avec
certains pays et leur position. Prenons
le cas de la Suède : bien que le pays du
Nord trouve en notre pays un débouché
énorme de ses produits, Rabat semble
oublier que c'est l'un des pays qui
défend les thèses séparatistes. Homme
de lettres et de modération, l'ancien
ambassadeur suédois au Maroc, a essayé
de comprendre. Une fois la rumeur
ébruitée, il a été rappelé au bercail : la
preuve que la Suède ne badine pas! Que
fait notre pays ? Contrairement à une
Algérie agressive, il dissocie ses relations
de ses intérêts. Erreur fatale en diplomatie.
Presque une règle, qui, enfreinte,
emmène à des dérapages incompréhensibles
: le rappel de l'ambassadeur
du Maroc au Sénégal, pour cause de
déclaration hostile de la part d'un opposant,
est édifiant en la matière. Pire,
seuls les amis sont foudroyés. Sénégal
toujours : le pays, malgré son soutien
sans faille à notre cause, a été le dernier
à être au courant de nos initiatives.
Effectivement, quand Boucetta était
ministre, des pourparlers avec Alger et
ses protégés, révélés par Jeune Afrique,
ont mis en colère Dakar, alors l'un des
rares amis inconditionnels !
Ecole
Il est remarquable également, que le
Maroc n'a toujours pas, après plus de
cinquante ans d'indépendance, d'école
diplomatique au sens propre du terme.
La tentative ne manquait pas, mais elle
a été torpillée pour des raisons multiples.
L'essentiel de la diplomatie, c'est
d'abord l'histoire, la langue et la civili-sation. Car, pour faire de la diplomatie, il
faut savoir connaître l'autre. De manière
érudite et académique. Jusqu'à présent,
notre pays hésite à forcer la tradition et
professionnalisation de la fonction de
diplomate. Sans école de diplomatie, on
se contente de faire appel à des personnalités,
qui, souvent, ne sont pas des
polyglottes. Envoyez un ambassadeur au
Danemark, il sera immanquablement «
otage » de sa secrétaire danoise. Presse,
déclaration et positions des autres, le représentant
du Maroc ne saura que ce que
sa blondinette lui dictera. Un handicap
majeur, qui, ajouté aux lacunes des pro-
fils, fait un malheur Côté profil, le pays a,
des années durant, opté pour un casting
réduit : les familles et la biologie étaient
pour la diplomatie ce que les gènes sont
pour l'hérédité : une loi. Actuellement, on
en souffre encore, d'autant que les Affaires
Etrangères et les chancelleries, ont
recours aux presque mêmes « milieux»
socio familiaux.
La blessure narcissique de notre diplomatie
a une date : 1961. En cette année,
et en plein bras de fer entre le pouvoir
et l'opposition nationaliste et progressiste,
les fonctionnaires décrètent une
grève qui est vite taxée de mutinerie.
Une purge, dans les règles de l'art a eu
lieu, et le pays a mis longtemps pour
combler le vide. Purge, qui, vue sous le
prisme du profit, a coûté à la diplomatie
ses pionniers et sa première génération.
L'appartenance « politique », a, effectivement,
toujours été mal vue, ô comble du
comble, dans un « métier » dont l'essence
est la politique dans sa dimension internationale
! ■
YOUSSEF BEL ABBES TAARJI LE «GRAND COURSIER DU TRÔNE»
Youssef Bel Abbès Tâarji, a marqué son
époque non pas en ministre, mais en
ambassadeur du Royaume à Paris. Il a
battu le record de longévité au poste
d'ambassadeur du Royaume à Paris et
au Vatican. Il a couvert les présidences
de Georges Pompidou et de Giscard
d'Estaing. Outre sa charge d'ambassadeur,
l'homme accomplissait des prouesses pour satisfaire les désirs en
tous genres de la famille royale au temps
de Feu Hassan II. Au point que le Palais
dut le remplacer par deux ambassadeurs,
une première dans les annales diplomatiques. Par ailleurs, Youssef Bel
Abbès savait s'acquitter de la charge
d'amadoueur des barons et élites du
parti gaulliste au pouvoir. Il savait également
nouer des liens avec les socialistes
modérés qui s'apprêtaient à s'emparer
de ce même pouvoir. Son remplaçant,
qui n'était autre que l'actuel Premier ministre
Abbas El Fassi, n'a pas su fructifier
le crédit de sympathie laissé par Youssef
Bel Abbès. Au plus fort de la campagne
anti-Hassan II orchestrée par les droitsde-
l'hommistes français à l'aube de la
décennie 90, il se limita à faire la fortune
de Gilles Perrault en acquérant, sur ordre
de Driss Basri, des centaines de milliers
d'exemplaires de «Notre Ami le Roi». Se qualifiant luimême
de «Grand Coursier du Trône»,
Youssef Bel Abbas exécrait les ordres de
sa hiérarchie ministérielle. Il affectionnait
le contact direct avec le défunt Roi.
NOMINATIONS DES AMBASSADEURS PIFOMETRIE D'ABORD !
LGM livre au lecteur une liste de
noms d'ambassadeurs dont le
background diplomatique stricto
sensu était pour le moins chétif : Ali
Achour (le frère de celui qui trônait
au sein de la défunte RTM) au
Brésil puis au Vatican, Mohammed
Belmahi à Londres, Abdelhamid
Bennani en Iran, Aziz Mekouar ou
Tazi au Gabon, My Driss Alaoui en
Libye, My Ali Alaoui à Paris… etc.
« Cooptés » soit par hasard, soit par
pur opportunisme, quelquefois par
la « grâce » de leurs belles épouses,
certains n'hésitaient point à confondre
leur bourse perso avec la caisse
de l'Etat. D'autres allaient jusqu'à
faire valider par l'agent comptable
les factures des soldes d'hiver !
Par ailleurs, un candidat diplomate
marocain doit savoir se taire. Que
de nominations imminentes furent
avortées parce que l'intéressé a
« bavé » trop vite ! En vérité, le
nombre d'ambassadeurs marocains,
véritablement méritants et compétents,
qui ont été nommés depuis
l'indépendance ne dépasse guère
la vingtaine. Moulay Ahmed Laraki,
Abdellatif Filali, Ahmed Senoussi
ou Abdelhadi Tazi viennent vite à
l'esprit à cet égard. Rien à voir donc
avec ceux qui ont bénéficié d'un
opportunisme politicien avéré pour
investir l'une de nos ambassades.
Ne fut-ce pas le cas de notre actuel
premier ministre qui a été envoyé à
Paris, au début de la décennie 90,
uniquement pour « désencombrer »
Me Boucetta ? Idem pour Mohamed
El Ouafa, le Marrakchi qui fut envoyé
en Inde parce que les tripatouillages
électoraux de Driss Basri ne
lui avaient aménagé aucun mandat.
Tout cela peut être compréhensible
au vu de la qualité des profils cités.
Le pire est que nombre de nos
ambassadeurs ne parlaient même
pas la langue du pays d'affectation.
Bien pire encore : durant les trois
décennies cruciales où nous fûmes
acculés à quitter l'OUA, on procédait
à des nominations hybrides
dans nos ambassades africaines.
En dehors de la Guinée équatoriale,
transformée en passoire de devises,
du Gabon où l'on pouvait blanchir
son argent avant de le déposer à
Paris ou de certaines rares capitales
où se tissaient des « business-jointventures
» bizarroïdes, les nations
africaines ne méritaient de notre
part que des ambassadeurs préposés
…au remplissage. En face de
nous, les ambassadeurs algériens
étaient sélectionnés avec un soin
microscopique. Au point que la
plupart d'entre eux étaient habilités
à délivrer des passeports algériens
à des Sahraouis marocains qui
« émargeaient » aux registres du
FLN, voire du DRS. Mesdames et
messieurs, il est temps de mettre
bon ordre à tout cela !
ABDELHADI TAZI LA SCIENCE AU SERVICE DU PATRIOTISME
Voici un profil à nul autre pareil.
Malgré sa « diplomographie » fournie,
Abdelhadi Tazi reste un modèle
parlant de self made man. Sa passion
de l'histoire le propulsera vers des
horizons universitaires hétéroclites. A
côté d'une activité riche en recherches,
l'Académicien a dispensé des
cours dans les amphis les plus prestigieux
du Maroc. Malgré sa pointure
imposante, l'homme est resté affable,
délicat et modeste. Pour avoir scanné
l'histoire diplomatique du Royaume,
il était le mieux placé pour officier
à la tête des ambassades marocaines
dans des pays musulmans aussi
sensibles que l'Irak, la Libye et l'Iran,
sans compter les missions ponctuelles
effectuées dans nombre d'Emirats
du Golfe.
Il était également tout désigné pour
fonder et assurer la présidence du
Club diplomatique marocain. Il fut
également chargé de mission au
Cabinet Royal. Autant dire qu'il est
difficile pour notre pays de trouver
pareil profil en ces temps où la
diplomatie marocaine exige tonus et
imagination. Malgré son âge avancé,
le Dr Abdelhadi Tazi garde intacte sa
fraîcheur académique et sa capacité
d'émerveillement face aux enjeux et
aux jeux de l'Histoire. Cette même
Histoire consignera le fait qu'il ait
accompagné le Prince Héritier Sidi
Mohammed dans sa première mission
diplomatique en Afrique et dans le
monde, afin de défendre la cause de
l'intégrité territoriale nationale.


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