Sans école de diplomates, le Maroc se prive d'une Académie pour professionnaliser la diplomatie. S'y ajoutent des erreurs du commencement, telle la purge des années 60 qui a coûté au pays ses pionniers en la matière. Le Maroc aurait-il-eu un prestige mondial, encore plus visible que celui qui est le sien actuellement ? Sans doute aucun. Seulement voilà : Si ses Monarques ont su se forger une stature internationale, sa diplomatie n'a pas toujours suivi le mouvement, et, partant, lui a fait perdre une certaine aura. Les raisons ne manquent pas, certaines plus que d'autres sont presque congénitales, et remontent au début de l'indépendance. D'autres perdurent jusqu'à présent à pénaliser notre dynamique sur la scène mondiale. Autant le dire d'entrée de jeu : le Maroc n'a presque jamais fait le lien en diplomatie entre ses relations avec certains pays et leur position. Prenons le cas de la Suède : bien que le pays du Nord trouve en notre pays un débouché énorme de ses produits, Rabat semble oublier que c'est l'un des pays qui défend les thèses séparatistes. Homme de lettres et de modération, l'ancien ambassadeur suédois au Maroc, a essayé de comprendre. Une fois la rumeur ébruitée, il a été rappelé au bercail : la preuve que la Suède ne badine pas! Que fait notre pays ? Contrairement à une Algérie agressive, il dissocie ses relations de ses intérêts. Erreur fatale en diplomatie. Presque une règle, qui, enfreinte, emmène à des dérapages incompréhensibles : le rappel de l'ambassadeur du Maroc au Sénégal, pour cause de déclaration hostile de la part d'un opposant, est édifiant en la matière. Pire, seuls les amis sont foudroyés. Sénégal toujours : le pays, malgré son soutien sans faille à notre cause, a été le dernier à être au courant de nos initiatives. Effectivement, quand Boucetta était ministre, des pourparlers avec Alger et ses protégés, révélés par Jeune Afrique, ont mis en colère Dakar, alors l'un des rares amis inconditionnels ! Ecole Il est remarquable également, que le Maroc n'a toujours pas, après plus de cinquante ans d'indépendance, d'école diplomatique au sens propre du terme. La tentative ne manquait pas, mais elle a été torpillée pour des raisons multiples. L'essentiel de la diplomatie, c'est d'abord l'histoire, la langue et la civili-sation. Car, pour faire de la diplomatie, il faut savoir connaître l'autre. De manière érudite et académique. Jusqu'à présent, notre pays hésite à forcer la tradition et professionnalisation de la fonction de diplomate. Sans école de diplomatie, on se contente de faire appel à des personnalités, qui, souvent, ne sont pas des polyglottes. Envoyez un ambassadeur au Danemark, il sera immanquablement « otage » de sa secrétaire danoise. Presse, déclaration et positions des autres, le représentant du Maroc ne saura que ce que sa blondinette lui dictera. Un handicap majeur, qui, ajouté aux lacunes des pro- fils, fait un malheur Côté profil, le pays a, des années durant, opté pour un casting réduit : les familles et la biologie étaient pour la diplomatie ce que les gènes sont pour l'hérédité : une loi. Actuellement, on en souffre encore, d'autant que les Affaires Etrangères et les chancelleries, ont recours aux presque mêmes « milieux» socio familiaux. La blessure narcissique de notre diplomatie a une date : 1961. En cette année, et en plein bras de fer entre le pouvoir et l'opposition nationaliste et progressiste, les fonctionnaires décrètent une grève qui est vite taxée de mutinerie. Une purge, dans les règles de l'art a eu lieu, et le pays a mis longtemps pour combler le vide. Purge, qui, vue sous le prisme du profit, a coûté à la diplomatie ses pionniers et sa première génération. L'appartenance « politique », a, effectivement, toujours été mal vue, ô comble du comble, dans un « métier » dont l'essence est la politique dans sa dimension internationale ! ■ YOUSSEF BEL ABBES TAARJI LE «GRAND COURSIER DU TRÔNE» Youssef Bel Abbès Tâarji, a marqué son époque non pas en ministre, mais en ambassadeur du Royaume à Paris. Il a battu le record de longévité au poste d'ambassadeur du Royaume à Paris et au Vatican. Il a couvert les présidences de Georges Pompidou et de Giscard d'Estaing. Outre sa charge d'ambassadeur, l'homme accomplissait des prouesses pour satisfaire les désirs en tous genres de la famille royale au temps de Feu Hassan II. Au point que le Palais dut le remplacer par deux ambassadeurs, une première dans les annales diplomatiques. Par ailleurs, Youssef Bel Abbès savait s'acquitter de la charge d'amadoueur des barons et élites du parti gaulliste au pouvoir. Il savait également nouer des liens avec les socialistes modérés qui s'apprêtaient à s'emparer de ce même pouvoir. Son remplaçant, qui n'était autre que l'actuel Premier ministre Abbas El Fassi, n'a pas su fructifier le crédit de sympathie laissé par Youssef Bel Abbès. Au plus fort de la campagne anti-Hassan II orchestrée par les droitsde- l'hommistes français à l'aube de la décennie 90, il se limita à faire la fortune de Gilles Perrault en acquérant, sur ordre de Driss Basri, des centaines de milliers d'exemplaires de «Notre Ami le Roi». Se qualifiant luimême de «Grand Coursier du Trône», Youssef Bel Abbas exécrait les ordres de sa hiérarchie ministérielle. Il affectionnait le contact direct avec le défunt Roi. NOMINATIONS DES AMBASSADEURS PIFOMETRIE D'ABORD ! LGM livre au lecteur une liste de noms d'ambassadeurs dont le background diplomatique stricto sensu était pour le moins chétif : Ali Achour (le frère de celui qui trônait au sein de la défunte RTM) au Brésil puis au Vatican, Mohammed Belmahi à Londres, Abdelhamid Bennani en Iran, Aziz Mekouar ou Tazi au Gabon, My Driss Alaoui en Libye, My Ali Alaoui à Paris… etc. « Cooptés » soit par hasard, soit par pur opportunisme, quelquefois par la « grâce » de leurs belles épouses, certains n'hésitaient point à confondre leur bourse perso avec la caisse de l'Etat. D'autres allaient jusqu'à faire valider par l'agent comptable les factures des soldes d'hiver ! Par ailleurs, un candidat diplomate marocain doit savoir se taire. Que de nominations imminentes furent avortées parce que l'intéressé a « bavé » trop vite ! En vérité, le nombre d'ambassadeurs marocains, véritablement méritants et compétents, qui ont été nommés depuis l'indépendance ne dépasse guère la vingtaine. Moulay Ahmed Laraki, Abdellatif Filali, Ahmed Senoussi ou Abdelhadi Tazi viennent vite à l'esprit à cet égard. Rien à voir donc avec ceux qui ont bénéficié d'un opportunisme politicien avéré pour investir l'une de nos ambassades. Ne fut-ce pas le cas de notre actuel premier ministre qui a été envoyé à Paris, au début de la décennie 90, uniquement pour « désencombrer » Me Boucetta ? Idem pour Mohamed El Ouafa, le Marrakchi qui fut envoyé en Inde parce que les tripatouillages électoraux de Driss Basri ne lui avaient aménagé aucun mandat. Tout cela peut être compréhensible au vu de la qualité des profils cités. Le pire est que nombre de nos ambassadeurs ne parlaient même pas la langue du pays d'affectation. Bien pire encore : durant les trois décennies cruciales où nous fûmes acculés à quitter l'OUA, on procédait à des nominations hybrides dans nos ambassades africaines. En dehors de la Guinée équatoriale, transformée en passoire de devises, du Gabon où l'on pouvait blanchir son argent avant de le déposer à Paris ou de certaines rares capitales où se tissaient des « business-jointventures » bizarroïdes, les nations africaines ne méritaient de notre part que des ambassadeurs préposés …au remplissage. En face de nous, les ambassadeurs algériens étaient sélectionnés avec un soin microscopique. Au point que la plupart d'entre eux étaient habilités à délivrer des passeports algériens à des Sahraouis marocains qui « émargeaient » aux registres du FLN, voire du DRS. Mesdames et messieurs, il est temps de mettre bon ordre à tout cela ! ABDELHADI TAZI LA SCIENCE AU SERVICE DU PATRIOTISME Voici un profil à nul autre pareil. Malgré sa « diplomographie » fournie, Abdelhadi Tazi reste un modèle parlant de self made man. Sa passion de l'histoire le propulsera vers des horizons universitaires hétéroclites. A côté d'une activité riche en recherches, l'Académicien a dispensé des cours dans les amphis les plus prestigieux du Maroc. Malgré sa pointure imposante, l'homme est resté affable, délicat et modeste. Pour avoir scanné l'histoire diplomatique du Royaume, il était le mieux placé pour officier à la tête des ambassades marocaines dans des pays musulmans aussi sensibles que l'Irak, la Libye et l'Iran, sans compter les missions ponctuelles effectuées dans nombre d'Emirats du Golfe. Il était également tout désigné pour fonder et assurer la présidence du Club diplomatique marocain. Il fut également chargé de mission au Cabinet Royal. Autant dire qu'il est difficile pour notre pays de trouver pareil profil en ces temps où la diplomatie marocaine exige tonus et imagination. Malgré son âge avancé, le Dr Abdelhadi Tazi garde intacte sa fraîcheur académique et sa capacité d'émerveillement face aux enjeux et aux jeux de l'Histoire. Cette même Histoire consignera le fait qu'il ait accompagné le Prince Héritier Sidi Mohammed dans sa première mission diplomatique en Afrique et dans le monde, afin de défendre la cause de l'intégrité territoriale nationale.