L'inceste. Tapi dans les tréfonds d'une société à l'hypocrise avérée. La promiscuité, l'alcool, les drogues et les dysfonctionnements psychiques concourent à sa propagation. Coup de projecteur sur un phénomène en hausse. Vendeur de cigarettes à l'unité, puis cireur et enfin gardien de voitures, Aziz appréciait les cocktails narco-éthyliques: alcool (à brûler), haschisch. Ses parents ont fini par le chasser. Une seule personne lui a ouvert et sa porte et son cœur : sa grand-mère. Un soir de mai, il osa la violer. La Chambre criminelle de la Cour d'appel d'El Jadida le condamna à six ans de réclusion criminelle. Il avait vingt ans. Non loin de là, à proximité de Had Ouled Fraj, Mohammed, tout aussi friand de drogue et d'alcool, violait constamment sa propre fille de 14 ans qui en est tombée enceinte. La mère et la grand-mère de l'adolescente l'aidèrent à avorter. Plus au sud, dans la Province d'Inzegane Aït Melloul, Mustapha est accusé, en 2005, par sa femme d'avoir eu, durant trois ans, des relations incestueuses avec ses deux filles, l'aînée, née en 1997 et la cadette née en 1998. Il aurait ainsi commencé à abuser de ses propres filles alors qu'elles n'avaient respectivement que 4 et 5 ans ! Venu de Tlat Bouguedra pour poursuivre ses études, Abdelkrim posa ses valises chez Malika, sa tante paternelle abandonnée par son mari trois mois après le mariage. Un soir d'été, elle invita le jeune neveu à partager son lit, prétextant une peur obscure. En chemise de nuit légère et transparente, elle colla son corps à celui du jeune homme. Le verrou sauta et l'acte incestueux fut. La relation dura plusieurs mois jusqu'au jour où la tante tomba enceinte. Abdelkrim paniqua, interrompit aussitôt ses études et immigra dare-dare en direction de la Libye. Le bébé né de l'inceste est venu combler la solitude de Malika. Pour les voisins et la famille, il ne s'agit nullement d'un «enfant de la honte». Simplement une adoption «fi sabililah». Pour son absolution, Abdelkrim rejoint les combattants sunnites irakiens de Bassora où il fut tué. Son frère s'apprête à écrire son histoire. Turpitudes sexuelles Ces cas divers montrent un Maroc qui révèle que l'inceste a longtemps été couvert par le silence et la complicité, à commencer par les victimes elles-mêmes. Auparavant, les équilibres entre la campagne et la ville, les riches et les pauvres, l'insolence et la pudeur…etc. pouvaient prévenir les dérives (im)morales. « Auparavant, l'ordre moral communautariste pouvait bloquer la manifestation des pulsions et des compulsions. Les thérapies traditionnelles (visites de marabouts, amulettes, transes…etc.) et le fatalisme du « mektoub » se chargeaient de contenir les dérapages. Aujourd'hui, les verrous sautent l'un après l'autre » constate Larbi Ghandouri, chercheur à l'INED. Et les verrous sautent sous la pression des besoins, eux-mêmes aiguisés par les images véhiculées par les médias.