aissance en 1956 à Ben Ahmed. 1977 : condamnation pour “atteinte à la sûreté de l'Etat”. 1982 : Libération. 2000 : Publication de son premier livre «Une femme nommée Rachid». Avenir Je ne suis pas enfermée sur mes douleurs et épuisée par les tortures que j'ai subies. Bien sûr, cela reste indélébile et inoubliable, mais je me sens vibrante d'énergie, et je veux croire encore en un Maroc démocratique. Au lieu de me détruire, la prison a galvanisé mon désir de lutter pour un monde meilleur. Après Après ma sortie de prison, j'ai commencé à travailler. En fait, dès ma libération le 23 Mai 1982 (comme professeur de langue arabe au collège à Casablanca). J'ai aussi donné naissance à deux filles, Najwa (née en 1991) et Lina (née en 1994). Et puis, comme beaucoup d'ex-prisonniers politiques, je me suis investie dans ce qu'il est convenu d'appeler la société civile. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à écrire un livre sur mon expérience. J'ai aussi publié de nombreux articles pour attirer l'attention sur «la torture au féminin». Je suis membre fondatrice de «l'Observatoire Marocain des Prisons» (créé en novembre 1999) et du «Forum pour la Vérité et la Justice» (créé en novembre 1999). Aujourd'hui, je suis écoutante à l'Association Insaf pour le soutien des femmes en détresse, et notamment des détenues enceintes. Ce qui me donne souvent l'occasion de retourner en prison. Sauf, que cette fois-ci, je décide souverainement de l'heure de quitter les lieux. Identité Rachid, c'est moi bien sûr, mais pas par je ne sais quel dérèglement identitaire ou pour brouiller les pistes. Pendant ma période de clandestinité - la clandestinité, ça veut dire que tu as les yeux bandés, que tu es interdite de parole. Tu n'as ni le droit de bouger ni celui de communiquer. Les gardiens sont constamment avec toi. Tu n'es plus qu'un numéro. Tu perds ton nom. Tu portes celui que le tortionnaire te donne durant l'interrogatoire. C'était à Derb Moulay Cherif. Moi, j'étais «Rachid N° 45». Je n'ai entendu mon nom de Fatna El Bouih, que lorsque l'interrogatoire a pris fin, 7 mois plus tard. C'est le juge d'instruction qui l'a prononcé. C'était un moment de bonheur. Regard La première fois où mes yeux ont rencontré ceux de mon tortionnaire, je savais que c'était lui le perdant, je ne dirais pas la victime, mais c'était tout comme. J'avais une confiance inébranlable dans ma cause, dans ce que je faisais. Confiance qui manquait à mon geôlier. Il ne supportait pas mon regard. Aujourd'hui, je regarde toujours les yeux en face, mais les autres aussi me regardent en face. Seulement je sais que ma façon de dévisager désarçonne souvent mes interlocuteurs. L'autre Une sociologue a déclaré à mon sujet : « Elle vous fixe avec un calme qui n'est pas normal. Comme si ce que vous pouvez lui dire ne pouvait la toucher aucunement. Son regard crée une distance. Elle vous fige dans votre place. Comme si vous ne pouviez vous approcher que si elle vous l'ordonnait. Bref, c'est mon impression ». Voilà, à vous de me dire ? Mémoire Ce qui me chiffonne au sujet de cette période, c'est que peu de gens finalement savent pas que parmi «nos» prisonniers politiques, il y avait des femmes. Certains se souviennent de Saida Menbhi, morte en prison en Novembre 1978, alors qu'elle menait une grève de la faim qui a révélé au monde un phénomène nouveau : l'apparition des jeunes femmes sur la scène politique arabe, considérée jusque-là exclusivement masculine. Alors je me bats encore pour que tous les Marocains puissent regarder en face ces femmes qui furent détenues politiques : Khadija Al Boukhari (professeur), Maria Zouini (professeur), Bouda Nguia (journaliste), Latefa Jbabdi (directrice d'école), Widad Al Bouab, (actuellement professeur chercheur à la Faculté des Sciences de Marrakech), Fatema Okacha (ingénieur à L'ONE) Rabea Ftouh (secrétaire de direction), Saida Menbhi, qui est devenue l'emblème de la résistance et moi-même. l