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“Le MTD aura un bras politique”

Le député des Rhamnas, avare en déclarations, a accepté de répondre en exclusivité à toutes nos questions. Le résultat est surprenant : une clarification où la langue de bois n'avait pas droit de cité.
La Gazette du Maroc : Pourquoi ce passage subit à la politique ?
Fouad Ali El Himma : Que faisais-je à l'Intérieur sinon de la politique avec un grand P ! En 1999, j'ai eu l'honneur d'être nommé par SM Le Roi Mohammed VI, Secrétaire d'Etat à l'Intérieur, puis ministre délégué. L'Intérieur est un espace central où l'on traduit les informations collectées et les attentes exprimées en politique publique. Auparavant, j'ai eu l'honneur d'être nommé par feu Sa Majesté Hassan II, directeur de cabinet du prince Héritier, à l'époque.
Naturellement, vous entendez par votre question la participation au jeu électoral. Je vous rappelle que j'avais déjà été élu président de la commune de Benguérir en 1992 avant d'être élu député de la région en 1995. Aujourd'hui, nous cherchons à trouver des réponses au niveau local et régional, ce qui revient à faire de la politique, mais d'un autre point de vue. D'ailleurs, c'est pour moi, la meilleure façon d'aborder les problèmes du Maroc.
Néanmoins, des doutes ont été émis dès votre annonce de quitter le ministère de l'Intérieur ?
Lorsque j'ai demandé à Sa Majesté, qui n'a pas hésité une seconde à accéder à ma requête, de me permettre de me libérer pour entamer une autre expérience politique, j'ai dit clairement que mon seul objectif et mon ambition étaient d'aller travailler pour ma région en allant à l'écoute de la population.
Ce qui est une autre façon de servir mon pays et mon Roi.
Votre groupe parlementaire a fait appel à la transhumance, incompatible avec votre discours ?
Comme tout député, je savais que j'avais un mandat de portée nationale. Nous étions trois élus sans étiquette politique et nous devions chercher les meilleures voies pour faire avancer nos idées et participer à la vie des institutions. Il nous fallait pour cela, un groupe parlementaire, mais nous avons voulu éviter à tout prix les amalgames.
Nous avions alors trois options possibles : soit rester tous les trois esseulés avec les limites que cela impose, c'est-à-dire ne pas pouvoir participer aux bureaux, aux commissions, soit rejoindre un groupe, mais malheureusement, le statut d'apparenté tel que pratiqué ailleurs, n'existe pas encore au Maroc et cela aurait signifié que nous rejoignions un parti. Il y avait encore une autre possibilité, à savoir former un groupe avec des députés qui partagent la même démarche, les mêmes principes politiques que nous. Sans que cela ne soit aliénant pour personne. Le principe fondateur de la démocratie est l'acceptation et la préservation de la différence. C'est donc un souci d'efficacité qui a présidé à notre démarche. Fait important : c'est cette troisième voie que nous avons adoptée.
Et nous avons tenu à ne le faire qu'après la constitution de la majorité, pour qu'il n'y ait pas d'interférences et surtout avec l'accord des partis dont relèvent les députés. Le groupe est constitué également de quelques individualités qui ont démissionné de leurs structures partisanes. Démissions que nous avons tenues à vérifier auprès de leurs dirigeants et consignées par écrit, conformément au règlement intérieur de la Chambre des représentants. Donc il n'y a point eu de « transhumance » !
Mais dans ce groupe, il y a bien des partis peu soupçonnés de « modernité » ?
On ne peut faire de la politique qu'en étant pragmatique. Ce que nous avons aujourd'hui au niveau politique, ou même au niveau médiatique, n'est que le reflet de la réalité du pays. Nous avons approché ces partis en posant des conditions draconiennes. Il fallait s'assurer de l'accord politique, bien sûr, mais aussi de l'éthique et du passé de la personne. Ceci dit, contrairement à ce qui se dit, nous ne voulons pas déstabiliser les partis. Il y a plusieurs dizaines d'élus de divers horizons qui ont demandé à nous rejoindre.
Nous n'avons pas cédé et sommes restés fidèles à la démarche constituante du groupe parlementaire, en privilégiant les consultations avec les directions des partis par opposition à des échanges individuels. C'est la preuve que nous ne nous présentons pas comme des prédateurs.
Quels sont les rapports avec la majorité gouvernementale ?
Je tiens à préciser que nous soutenons le gouvernement, ce n'est pas un soutien critique. Nous adhérons parfaitement aux choix de la majorité. La critique se fait plutôt dans le cadre du débat. Notre contribution, en tant qu'élus, doit être d'abord orientée vers l'application de la politique gouvernementale au niveau de la région. Il s'agit d'un travail d'intermédiation ascendante et descendante.
Et le MTD ? Est-ce un mouvement associatif ou un parti ? On le compare souvent au FDIC.
Je vais me permettre de faire un petit flash-back pour expliquer la genèse de ce mouvement. Mais avant, je vais commencer par la seconde question, est-ce un nouveau FDIC ? Aujourd'hui, ça serait insulter l'intelligence des Marocains que de croire que le Roi du Maroc a besoin d'un parti, qu'il y a un génie hors pair qui a imaginé et orchestré tout ce scénario, de la démission jusqu'à la formation du MTD. Le contexte a changé, mais comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, certains continuent de juger le Maroc de 2008 avec les lunettes du passé.
Mais vous n'expliquez pas si c'est une association ou un futur parti ?
En fait, on est parti d'un constat très simple : un énorme travail et des avancées considérables ont marqué ces dernières années. Et pourtant, il n'ont pas été restitués politiquement comme il le fallait. Nous pensions que ce large courant qui existe au sein de la population, en faveur de la modernité d'un Maroc qui regarde en face son passé mais qui se projette résolument dans l'avenir, s'investirait en 2007 en s'appuyant sur des acquis tels que les recommandations de l' IER, du rapport du cinquantenaire et du Code de la famille. En septembre 2007, les résultats ont été flagrants : une grande démobilisation des élites et des citoyens. Nous avons été alors contraints, à la suite de ce constat, de chercher des voies d'expression à ce courant. Nous avions le choix entre deux possibilités légales : un parti politique ou une association. Nous avons opté pour l'association, parce que la politique n'est qu'un aspect de l'action. Nous voulons initier des débats, nous occuper du sport, de culture, de développement, de solidarité, de patrimoine identitaire.
Notre ambition, c'est d'offrir un cadre adéquat aux synergies locales et régionales des ONG, d'avoir, pourquoi pas, nos équipes de Football, notre banque de micro-crédit, notre groupe de presse… Notre défi est de libérer les énergies, de faire que s'exprime ce courant citoyen, fort, réel et pluriel qui épouse nos valeurs.
Vous serez tout de même tenu impérativement de lever l'ambiguïté ?
Effectivement, à l'intérieur du mouvement, il y a plusieurs opinions dont le politique n'est pas absent. Il y a des gens qui veulent faire de la politique au sens premier. Et effectivement, ce mouvement a besoin d'un bras politique.
Les communales sont pour nous une étape fondamentale et nous allons nous y investir à fond. Comment ? Ce que je peux vous assurer, c'est que sept partis ont déjà publié un communiqué dans lequel ils annoncent leur souhait de pérenniser l'expérience au sein du groupe parlementaire Assala Wal Mouassara, et de se rapprocher d'autres acteurs, afin de trouver la meilleure forme de synergie.
Allons-nous nous limiter à les fédérer ou bien allons nous ensemble créer autre chose en fonction des contacts avancés en cours avec d'autres acteurs politiques et non des moindres ?
Une commission, formée des différentes composantes, travaille d'ailleurs sur ces schémas à un rythme accéléré.
Je ne peux vous répondre maintenant. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est que le mouvement aura, d'ici là, une expression politique et des alliances avec d'autres acteurs, mais qu'il ne se laissera jamais réduire à cette dimension qui n'est qu'une partie d'un tout. C'est vrai qu'il s'agit là d'une démarche originale, inédite et c'est peut-être cela que beaucoup de gens n'arrivent pas encore à comprendre.
Apparemment, votre programme exclut le PJD ?
C'est vous qui le dites. C'est vous qui posez les questions et c'est moi qui réponds ou on inverse les rôles ( rires) !
Au MTD, nous allons fédérer les bonnes volontés et nous allier aux forces vives de la Nation pour contribuer à la réalisation des projets structurants initiés par Sa Majesté à travers le Royaume. S'agissant du PJD, je tiens à préciser de prime abord, qu'il s'agit d'un parti qu'il ne faut ni banaliser ni diaboliser, tant qu'il respecte les fondamentaux du Royaume. Sur le plan du programme et de l'idéologie, ce n'est pas le PJD Turc, ni au niveau de la doctrine, ni au niveau de l'exercice du pouvoir, ni des idéologues. Certains de ses dirigeants qui se distinguent par leur «fougue» sont plus des populistes que des hommes d'Etat ou grands Oulémas a l'instar de feu Allal El Fassi ou Cheikh Al Islam Belarbi Alaoui ou Mokhtar Soussi, Mekki Naciri ou Dr El Khatib. Ceci dit, je tiens à préciser que, pour leurs qualités humaines, j'ai du respect pour de nombreux dirigeants de ce parti, tels que Saâdeddine Othmani, Abdallah Baha, Abdelaziz Rebbah, Benkhaldoun ou encore Lamdaouar, mais ce parti est traversé par plusieurs courants. Ramid, par exemple, qui se veut le chef de l'opposition au Parlement, n'a jamais été bâtonnier de Casablanca et n'a pas le charisme ni la légitimité nationaliste du Docteur Khatib qui l'a traité à maintes reprises « d'impulsif ». Moi je fais partie d'une mouvance moderniste et légitimiste en phase avec son époque, mais bien ancrée et attachée à nos traditions vertueuses, d'où la dénomination de notre groupe « Assalla Wa Al Mouassara». Je me retrouve dans l'Islam de l'Ijtihad: Pas de contrainte dans la religion (la ikraha fidine) ou encore « là où se trouve l'intérêt suprême de la nation, se trouve la Chariaâ, (haitou makant maslahat Al Oumma fatoumina charhou allah). Je suis plus en phase avec le compagnon du prophète, Sidna Omar Ibnou Al Khattab, qui a suspendu l'application de la peine de « couper la main du voleur » ( kataâ yad assarik) et ce, depuis 14 siècles, qu'avec des gens, je ne parle pas des terroristes, mais soi- disant avocat-député qui prône l'intégrisme et le retour à des pratiques en contradiction avec l'esprit de l'Islam et les valeurs universelles auxquelles le Maroc est attaché d'après sa constitution. Ramid n'avait-il pas déclaré à une agence de presse internationale au lendemain des élections qu'il fallait « couper les mains des voleurs »! Le chef du groupe de l'opposition n'a pas la stature d'un prédécesseur comme Oualaalou ou d'un homme d'Etat comme Boucetta…
Votre relation privilégiée avec le Souverain, laisse planer des doutes sur l'autonomie de votre action ?
Tout d'abord, je suis très honoré de cette relation qui ne date pas d'hier. Ensuite, il faut savoir que l'Institution monarchique n'a jamais été aussi confortée, aussi fédératrice qu'en ce moment. Sa Majesté a un contact direct avec son peuple, perpétuant ainsi le sens de l'écoute et la proximité qui étaient siens, du temps déjà où il était Prince Héritier. Roi de tous les Marocains, il n'a besoin de personne pour communiquer avec son peuple; tout comme il n'a pas de clan ni de parti ! Ce que je trouve particulièrement surprenant, c'est que les mêmes personnes qui m'appréciaient comme courroie de transmission quand j'étais au gouvernement, soient celles-là même qui crient aujourd'hui au loup et qui me qualifient de danger pour la démocratie, prenant prétexte sur cette relation !
Est-ce que le fonctionnement du MTD est démocratique ?
Que ce soit dans ma jeunesse ou dans l'exercice de mes fonctions, aux côtés de Sa Majesté, ou encore maintenant, je ne sais travailler qu'en équipe, avec une grande capacité d'écoute, le bon sens de dire « cela je ne sais pas le faire » et de savoir reconnaître mes erreurs. Je peux vous raconter l'histoire d'un membre fondateur du Mouvement qui m'a demandé au début, de justifier l'intérêt pour le Mouvement, que j'en fasse partie. Un débat s'en est suivi qui a pris des heures et des heures. C'est encore une fois insulter l'intelligence des membres de ce mouvement que de les traiter de suiveurs.
Mais vous avez bien l'intention de briguer la présidence du Conseil municipal de Benguérir ?
La rumeur publique ne cesse de m'attribuer beaucoup de projets, aussi ambitieux et divers, les uns que les autres !
Est-ce que le Fouad Ali El Himma d'aujourd'hui est le même que celui qui était à l'Intérieur ?
Je suis et je resterai le même, mais j'évolue, à moins de 45 ans, je ne voulais plus rester étiqueté « Intérieur ». Ceci dit, il s'agit de deux perceptions différentes des choses. Quand j'étais à l'Intérieur, dans mon travail auprès du Ministre et de ses équipes, il y avait forcément une appréhension de la réalité qui se faisait à partir d'un angle bien particulier. J'avoue qu'il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour m'adapter. On apprend toujours. Aujourd'hui, sur le terrain aux Rhamnas, je ne rencontre pas uniquement des cadres. Ce n'est pas du populisme, mais être disponible et à l'écoute des petites gens, des personnes âgées et autres personnes fragiles, est très enrichissant par rapport aux problèmes de tous les jours. Je tiens à préciser que maintenant, j'ai la conviction profonde que la principale richesse ne peut être qu'humaine. Aujourd'hui, la démarche relève de la confiance. Confiance entre les différents acteurs locaux et l'Etat. Pour élaborer le programme de développement des Rhamnas, huit mois ont été nécessaires aux différents acteurs, pour mieux se connaître, communiquer entre eux et surtout travailler ensemble comme une seule équipe. On n'a pas raisonné en termes de budget à investir dans la région, on a inversé le raisonnement, en parlant plutôt en termes de moyens et de bonne volonté à mobiliser sur place. On a privilégié la démarche qui consiste à voir comment chaque acteur, qu'il soit citoyen, élu, administration publique ou opérateur privé, pouvait se mettre autour de la même table. A travers notre rôle d'intermédiation, on a réussi à faire travailler les gens en pool. Il y a eu ainsi un groupement de toutes les communes des Rhamnas. Les services extérieurs de l'Etat en cinq pôles d'activités. Les associations se sont également constituées en un réseau. Donc nous sommes dans une autre logique, celle d'une démarche participative. Autrement dit, ce n'est plus le local qui attend le soutien du central, mais c'est plutôt le contraire, le local qui inscrit sa démarche de développement dans la stratégie du centre. C'est ce nouvel esprit, l'implication des gens, leur adhésion à cette démarche volontariste, leur appropriation de ce projet qui est importante. Cette démarche est à nos yeux une des représentations concrètes sur le terrain, des principes fondateurs de L'INDH, œuvre de Sa Majesté et chantier de règne.
Reconnaissez qu'il y a quand même un peu de Fouad Ali El Himma dans cette mobilisation de ressources qui semble plutôt inédite ?
Si je voulais taper à toutes les portes et avoir tous les budgets que je voulais, je l'aurais fait quand j'étais au gouvernement. Sachez que pendant toute cette période, Rhamnas n'a jamais eu la moindre subvention.
Une dernière question : vous avez certainement entendu parler des rumeurs sur un éventuel remaniement ?
Mieux encore. Mon équipe gouvernementale est déjà choisie et elle est déjà publiée sur Internet et dans la presse ! Je suis d'autant plus heureux d'accéder à la Primature, que j'hérite également des portefeuilles de l'Intérieur, la Justice, le Commerce et l'Industrie et des Finances… Trêve de plaisanteries, excusez mon délire, mais il est à la hauteur de celui des politologues avertis, auxquels vous faites référence. Plus sérieusement, le gouvernement actuel vient juste de mettre au point sa feuille de route, sa stratégie dans tel ou tel secteur, son programme est à présent sur les rails. On ne juge pas un gouvernement au départ, au moment où il commence juste à travailler. J'ai l'impression que c'est une tentative de déstabilisation de l'exécutif et tout spécialement, de son Premier ministre Abbas El Fassi. On ne lui donne pas les moyens de se projeter dans le temps.
En tout cas, c'est Sa Majesté le Roi qui a les pouvoirs constitutionnels dans ce domaine et pas les observateurs externes.
Hommage à Youssoufi
« Je rends un hommage appuyé à l'homme d'Etat qu'est Abderrahman Youssoufi que j'ai eu l'honneur de côtoyer et d'apprécier. Quand il a vu que sur un problème particulier de grande importance ( la question de la femme et de la famille ) la société était divisée, il a eu la sagesse de transmettre le dossier à la seule institution capable de trancher pour le résoudre. Et effectivement, SM le Roi a tranché en faveur de la modernité, dans le respect, bien entendu, de notre identité culturelle et cultuelle. Un cas d'exemple de ce qu'est le projet de société marocain ».


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