Il est déplorable de constater qu'un demi-siècle après la tenue de la Conférence historique des partis maghrébins à Tanger en 1958, l'état des lieux prête à inquiétude et perplexité face à une recrudescence des divisions larguant aux calendes…maghrébines, la sacro-sainte Union qui avait scellé l'engagement sur l'honneur des héros et résistants des indépendances nationales en Tunisie, au Maroc, en Algérie auxquels se joindront en qualité d'observateurs les représentants de Mauritanie et de Libye. e Maroc, représenté par l'Istiqlal et l'USFP (née d'une scission avec le parti nationaliste en 1959) accueillera le 27 avril prochain dans la capitale du détroit, les dirigeants des partis historiques du Maghreb, en l'occurrence le FLN algérien, le RCD tunisien, le pari de la Majorité mauritanien auxquels se joindra une délégation libyenne, pour commémorer le 50ème anniversaire de la Conférence des partis du Maghreb. Au-delà de la symbolique d'un évènement qui avait allumé tous les espoirs auprès des peuples maghrébins, force est de constater la «coquille vide» aujourd'hui dont nous pouvons craindre le «pourrissement» après les derniers développements inquiétants des conflits territoriaux et des vives tensions aux frontières. En tout cas, les hôtes de notre pays, capitale historique de l'Union maghrébine à double titre avec la conférence de Tanger et le Traité fondateur de l'MAU en 1989 à Marrakech, ne semblent pas disposés à déléguer de hauts représentants pour cette célébration qui risque de s'en tenir à la dimension seulement commémorative et protocolaire. Pourtant, il n'est pas permis de décevoir l'espoir de 75 millions d'habitants de la région qui attendent, dans la souffrance et la privation des échanges, que renaisse cet idéal maghrébin pour lequel des millions de vies ont été sacrifiées et ont combattu les héros et résistants tunisiens, marocains et algériens. Les frontières à l'ordre du jour En tout cas, les nationalistes et démocrates marocains sont décidés à forcer le destin et lever les réticences des partis politiques au sein de l'UMA pour clarifier les perspectives et, surtout, remettre sur le tapis cette question de réouverture de frontières qui sont demeurées plus longtemps bouclées qu'ouvertes entre l'Algérie et le Maroc. C'est la certitude rendue publique par des dirigeants politiques organisateurs du cinquantenaire tangérois aux yeux desquels «la question sera évoquée avec le FLN et nous allons réitérer l'appel du Royaume pour une réouverture des frontières qui est appelée des vœux des deux peuples marocain et algérien». Difficile d'envisager mieux que des manifestations de bonne volonté quand on apprend le refus catégorique du pouvoir voisin d'accéder à la demande des autorités marocaines en rendant la réouverture des frontières tributaire d'une solution préalable de contentieux bilatéraux ou régionaux, autrement dit, plus clairement, le problème du Sahara. Pourtant, la mémoire de nos voisins est étrangement courte pour contester l'intégrité territoriale légitime du Maroc sur ses territoires du Sud, en se montrant «oublieux» de la solidarité et du soutien conséquents apportés par les acteurs politiques de la Conférence de Tanger au moment où l'Algérie se trouvait engagée dans une guerre de libération nationale avec à ses côtés le Maroc et la Tunisie venant d'accéder à leur indépendance. Mieux encore, les politiciens et les gouvernants de ces deux derniers pays ont considéré leur affranchissement du joug colonial comme étant «incomplet» tant que l'Algérie ne recouvrirait pas ses pleins droits de souveraineté sur son propre territoire. Et comment oublier que cette rencontre de la capitale du détroit avait, justement, initié le processus de formation institutionnel des pouvoirs d'une Algérie indépendante, en donnant naissance à la création du GPRA (Gouvernement provisoire de la république algérienne) dirigée, à l'époque, par Ferhat Abbas. Un GPRA qui était mis, ainsi, en mesure de proposer «la paix des braves» à la France coloniale, marquée par le retour de Londres du général De Gaulle. Celui-ci même qui prononça, à l'adresse des Algériens, cette phrase devenue célèbre en juin de cette même année 1958 : «Je vous ai compris». Dans le même temps, au Maroc se mettait en lice, en mai, le gouvernement conduit par l'istiqlalien Ahmed Balafrej et qu'était menée l'opération franco-espagnole de sinistre mémoire «Ecouvillon», deux mois auparavant, contre des positions de l'Armée de Libération nationale (ALM) en lutte pour la décolonisation du Sahara marocain. Comment nos voisins peuvent-ils, à ce point, faire preuve de tant d'ingratitude alors que la conférence des historiques des partis nationalistes en terre marocaine, avait permis d'accélérer l'indépendance du pays frère tandis que celui-ci, par la voix de ses autorités officielles muselant la liberté d'expression et de choix de son peuple, a constamment nié l'aide du Royaume, pourtant lourdement consentie dans le décompte du million et demi de Chouhadas morts pour que vive l'Algérie indépendante. Comment l'Algérie peut-elle passer sous silence le crime abominable d'avoir expulsé manu militari des dizaines de milliers de nos ressortissants établis sur son sol et dont un grand nombre de familles comptent en leur sein des combattants morts au front anti-colonial pendant la guerre de libération déclenchée à partir du 1er novembre 1954 ? Qu'attendre dès lors, dans un contexte de suspicion accrue et de confrontation risquée, de cette réunion de Tanger du 27 avril courant ? Prions pour que la sagesse triomphe afin de ne pas décevoir encore une fois, les espoirs de 75 millions de Maghrébins. Sinon, il restera toujours la grandeur de cette épopée définitivement rangée dans les «placards» de l'histoire à enseigner aux jeunes générations pour leur expliquer que leurs prédécesseurs étaient des hommes vaillants, des combattants courageux, des patriotes indomptables comme il est tellement difficile d'en trouver encore aujourd'hui. Les jeunes devront comprendre que les acteurs historiques de la conférence de Tanger, ont bravé la colonisation dans toute la région prise dans le tourbillon infernal de la lutte contre l'occupation. Ils sauront, également, que cette conférence s'était tenue, alors que des villes dans la région, notamment en Tunisie à Sakiet Sidi Youssef, étaient prises sous le feu d'un massacre perpétré par l'aviation ennemie.