Fatima Regragui, l'une des premières femmes marocaines à avoir, au début des années 50, embrassé la carrière artistique en montant “courageusement” sur les planches, à une époque où ce domaine était exclusivement réservé aux hommes. Ainsi, bravant les préjugés de toutes sortes et les différentes embûches semées sur son chemin par la junte masculine, qui ne voyait pas d'un bon oeil une telle présence, Fatima est, petit à petit, parvenue à se faire entendre et s'imposer. Tout comme l'ont fait : Habiba El Medkouri, Amina Rachid, Ouafae Lehraoui, et d'autres... Enrôlée dans les rangs de la Troupe théâtrale de «Radio-Maroc» sous la houlette de l'incontournable Abdellah Chekroune, elle a vite fait de donner la preuve de son talent et son savoir-faire. La Gazette du Maroc : Vous vous manifestez rarement en public. Est-ce parce qu'on ne vous invite pas, ou parce que vous aimez vivre cloîtrée ? F. Regragui : Je réponds à ceux qui m'invitent. Je n'aime pas imposer ma présence aux autres. Quel est votre plus grand défaut et votre plus belle qualité ? Mon plus grand «défaut», si on ose l'appeler ainsi, c'est que je suis toujours très ponctuelle, alors que d'autres... Quant à ma plus grande qualité, c'est la franchise. Ponctualité et franchise, c'est proche, non ? Avez-vous un conseil à donner aux jeunes comédiens qui débutent ? Ils ne doivent pas être imbus de leur personne. Pour réussir une carrière, artistique ou autre, il faut d'abord être ambitieux et surtout modeste. Avec de la modestie, de l'acharnement et de la patience, on finit par aboutir à tout. Il suffit de bien choisir sa voie. Supposons que vous deveniez subitement riche, quelles seraient vos premières mesures à entreprendre ? Payer la totalité de mes dettes d'abord! Ensuite, faire tout pour assurer le bonheur de ma petite famille, aider mes proches et me porter au secours de mes amis et mes connaissances qui se trouvent dans le besoin. On sait que malgré votre situation matérielle, vous demeurez très digne et généreuse et ne refusez jamais de rendre service. Et vous, vous arrive-t-il d'avoir besoin d'autrui ? Comme tout le monde, voyons ! On ne peut jamais ne pas avoir besoin des autres. Mais je trouve toutes les difficultés à demander un service. Et je ne tente la chose, que si le problème est d'une extrême importance ou s'il est trop grave. Avez-vous beaucoup d'amis (es), de vrais (es), parmi vos confrères et consoeurs les artistes ? Dans le domaine artistique, j'ai beaucoup d'amis (es) sincères et serviables. Une fidélité réciproque nous unit depuis longtemps. Avec certains (es), cela dure depuis des décennies et ça continue encore, «l'hamdou lillah». En toute franchise, est-ce que le théâtre vous faisait gagner auparavant assez d'argent pour mener une vie convenable à une certaine époque ? Impossible ! Avant comme aujourd'hui! On fait avec le peu qu'on a et on ne se plaint pas. Le destin est ainsi fait : il y a les gens aisés et il y a les autres, mais tout le monde continue à vivre... Vous fiez-vous facilement aux apparences de ceux que vous rencontrez pour la première fois ? Pour être honnête, non. Je discute d'abord avec eux, je les étudie à travers leur raisonnement et après, je me fais ma propre idée... Vous est-il arrivé lors d'une présentation de l'une de vos pièces, d'être sifflée par le public dans la salle? Oui. Nous proposons parfois un genre de théâtre assez «difficile» que certains n'apprécient pas. C'est leur droit le plus absolu. On dit que vous êtes un peu timide dans la vie courante. Cela vous empêche-t-il d'aller plus loin dans votre rendement artistique ? Je ne suis pas si timide que ça ! Je n'aime pas trop user de mon image. C'est un choix délibéré. J'aime travailler dans la tranquillité, justement à la recherche de ce fameux rendement artistique. Est-ce qu'il vous est arrivé d'échouer un jour dans l'un de vos rôles ? Si oui, quel a été votre sentiment après cela ? En art, comme dans d'autres domaines, l'échec est toujours présent, toujours aux aguets. Ce qu'il faut, c'est savoir se relever quand on trébuche et non rester à terre à maudire le sort et accuser les circonstances. On constate que vos apparitions deviennent de plus en plus rares. Y a-t-il une raison, à cela ? Il y a deux raisons principales à mon éclipse : la première, c'est qu'on ne vient plus me chercher pour me proposer un rôle, la seconde c'est que, côté santé, je suis un peu fatiguée. Toutefois, je suis toujours disposée à monter sur scène. À propos de théâtre, est-ce que vous trouvez que Mohamed El Jem, s'acquitte convenablement des rôles comiques qu'il écrit et interprète ? Effectivement ! Parce qu'il sait parfaitement ce qu'il écrit et ce qu'il joue. Aussi, je lui souhaite une jeunesse et une santé éternelles... Si quelqu'un, qui vous a fait beaucoup de mal par le passé sollicite votre aide (matérielle) aujourd'hui, répondrez-vous sans hésiter à son appel ? Oui, dans la limite de mes moyens matériels du moment, (je ne suis pas encore millionnaire !) s'il n'est pas question d'une grosse somme, je ferais de mon mieux pour l'aider. Pour le remboursement, je le laisse face à sa conscience. À propos de conscience, que pensez-vous de ceux qui bâclent le travail qu'on leur confie, qu'ils soient artistes, fonctionnaires ou autres ? Ils ne méritent en réalité aucune estime, car ils trahissent la confiance placée en eux. Une impression, sans complaisance de votre part, sur ce que présentent les humoristes chaque mois de Ramadan à la télé ? Je vais vous donner là-dessus une impression simple : chaque chose en son temps et pour son public. L'humour du Ramadan, est passager. Seul peut durer dans le temps, ce qui est convaincant. Pour terminer, un mot sur vos... débuts. En quelle année, exactement avez-vous foulé les planches ? Eh bien ! Je vais vous le dire, quoique ça risque de vous situer sur mon âge (rires). C'était en 1957. Vous êtes satisfait ?