Depuis les évènements dramatiques du 11 septembre 2001, les sociétés vivent dans une peur collective qui avait frappé à Casablanca en mai 2003, à Madrid en mars 2004, à Londres en juillet 2005 et ailleurs. Entraînant un durcissement des lois anti-terroristes mettant à l'épreuve le respect des droits de l'homme. Si le monde d'aujourd'hui vit sous la hantise du terrorisme, les pays du Maghreb et de la Méditerranée n'en sont pas épargnés en tombant sous le coup de menaces réelles et d'insécurités multiples. Et le prix à payer pour imposer une sécurité qui n'est jamais définitivement acquise et au sein de laquelle tout le monde n'est pas à l'abri, se traduit par une limitation des libertés et des droits fondamentaux des citoyens qui peuvent déborder par des dérives sur le chapitre du respect des droits de l'homme. Casablanca, Alger, Tunis, Nouackchott, ces capitales maghrébines n'ont pas été épargnées par les frappes barbares et la Mauritanie est la dernière à avoir été odieusement attaquée en visant des cibles étrangères. Le débat à l'échelle maghrébine, comme ailleurs, doit être ouvert et des stratégies communes et collectives mises en place pour promouvoir une gouvernance efficace de la sécurité qui est, dans le monde d'aujourd'hui, la garantie incontournable de la pérennisation de la démocratie. La déontologie policière en appel Au Maroc, les enjeux sécuritaires sont de nouveau à l'ordre du jour, après le regain d'activisme terroriste ayant poussé au déclenchement du plan d'alerte qui était au rouge l'été dernier. Les troupes au front de la lutte contre les divers facteurs d'insécurité sont interpellées en termes de responsabilité, de moralisation professionnelle et de formation aux droits de l'homme. Le Commissaire de police principal à la DGSN, Ahmed Aït Taleb apporte son éclairage sur la question en accordant la priorité d'intervention aux actions visant à combattre «l'utilisation abusive des pouvoirs de coercition par les agents de l'Etat, notamment les policiers et les forces paramilitaires». Ce qui renvoie à une charte des comportements au sein des forces de sécurité que le Commissaire définit comme préalable auquel notre pays ne peut déroger. En effet, dit-il, «l'adoption de règles de déontologie policière claires et nettes a pour objet de déterminer les devoirs et les normes de conduite des policiers, afin de préserver et de renforcer la confiance des citoyens dans l'intégrité, l'impartialité et l'efficience de la police, de favoriser la transparence de ce corps et de responsabiliser ses membres». Loin de verser dans la langue de bois, Aït Taleb va droit au but pour interpeller, également, la justice dont l'équité est encore sujette à controverses. «Si le cycle de violence est entretenu par l'impression que les citoyens sont floués par les secteurs de la Justice et de la Sécurité, il s'avère dès lors essentiel de garantir l'équité et l'impartialité de la justice, ainsi que la responsabilité des intervenants de sécurité envers la population qu'ils servent. Policiers et autres protagonistes de la sécurité devront être réceptifs aux besoins et préoccupations de la société, agir en conformité avec le droit et rendre compte des infractions et actes indélicats et, en dernier lieu, être soumis au contrôle des institutions et autorités constituées à cet effet». Dans ce but, les établissements de formation au sein de la DGSN ont entamé, depuis une dizaine d'années, des cycles d'enseignement aux droits de l'homme devenus matière prioritaire dans les cursus de formation du personnel de la sécurité nationale, tous corps confondus, sécurité publique, renseignements généraux et police judiciaire. Pour une gouvernance préventive de la sécurité Si la question sécuritaire est bien installée aujourd'hui au cœur des préoccupations des Etats et des institutions internationales et régionales oeuvrant pour la paix, il faut bien admettre que des «menaces réelles» et de «fortes turbulences» ont fini par provoquer la «terreur» dans les sociétés humaines devenues des «sociétés de risque». La prolifération des facteurs d'insécurité inquiètent de plus en plus, à savoir la criminalité galopante, la violence, le terrorisme, l'incivilité, les agressions, la délinquance, l'hétérogénéité sociale, les crises sociales, la fragilité dûe à un monde «hyper technicisé», la fuite des capitaux, les trafics illicites, la contrebande, la drogue et autres risques divers. Le constat frappant du nouveau siècle se traduit par un modernisme fulgurant qui génère paradoxalement une insécurité croissante, que les pouvoirs publics semblent incapables d'en atténuer la gravité et la récurrence. Foi du professeur Ali Sedjari qui relève que «la diversité des menaces explique la difficulté à se protéger. Tout se passe comme si le progrès génère plus d'insécurité et comme si la démocratie est devenue source de conflits». Si bien que les nouveaux enjeux politiques du monde moderne s'identifient à l'impérative articulation entre démocratie et sécurité. Le titulaire de la Chaire UNESCO des droits de l'homme à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l'Université Mohammed V da Rabat-Agdal et président du GRET (Groupe de Recherches Espace et Territoire) persiste et signe : «Il n'y a point d'Etat de droit sans cette forme d'articulation entre sécurité et libertés. Autrement dit, en droit, l'impératif de sécurité doit servir d'instrument à l'exercice de la liberté et ne peut la limiter que pour la servir». La gouvernance de la sécurité repose sur l'assimilation du principe intangible signifiant que «la sécurité est un droit fondamental pour mieux exister, vivre en paix et en harmonie avec les autres. Le droit à la sécurité devient le droit de vivre dans la quiétude et d'être heureux». Tous les acteurs, justice, police, chercheurs, décideurs politiques et autres doivent améliorer leur capacité à anticiper les risques pour contrer les menaces, notamment dans la région du Maghreb où le pire reste toujours à craindre. «Notre objectif est d'élargir le débat pour mieux comprendre les facteurs d'insécurité et les politiques à mettre en œuvre pour faire face à une situation devenue de plus en plus préoccupante et complexe, particulièrement dans nos pays du Maghreb où le terrorisme est en train d'imposer son agenda et ses peurs, rendant légitime l'inquiétude des dirigeants et des citoyens».