Les armes israéliennes de destruction massive A l'heure où l'Administration Bush procède aux dernières (re) touches pour l'invasion de l'Irak et le renversement du régime de Saddam Hussein sous prétexte qu'il possède des armes de destruction massive et au moment où le criminel de guerre en liberté, Ariel Sharon, poursuit sous le silence complice de la communauté internationale le nettoyage ethnique du peuple palestinien, John Steinbach, chercheur-universitaire dénonce dans l'article qui suit la menace réelle des armes de destruction massive d'Israël sur la paix dans la région, voire dans le monde. Nombreux sont les militants pour la paix au Proche-Orient qui hésitent à débattre, encore moins à défier le monopole israélien sur les armes nucléaires dans la région, conduisant à des analyses incomplètes et uniformes et à des stratégies d'action défectueuses. En plaçant la question des armes de destruction massive directement et honnêtement sur la table, un programme d'action aurait plusieurs effets salutaires. “Si la guerre éclate à nouveau au Proche-Orient”, “Ou si un pays arabe lance des missiles contre Israël comme l'avait fait l'Irak, une escalade nucléaire autrefois impensable sauf en dernier recours, serait aujourd'hui une forte probabilité ”. Seymour Hersh (1). “Les Arabes peuvent avoir le pétrole, mais nous, nous avons les allumettes ”. Ariel Sharon (2). Avec 200 à 500 armes thermonucléaires et un système sophistiqué de lancement, Israël a silencieusement supplanté la Grande Bretagne comme étant la cinquième puissance nucléaire mondiale et pourrait actuellement rivaliser avec la France et la Chine en termes de volume et de sophistication de son arsenal nucléaire. Bien qu'écrasé par les arsenaux nucléaires des Etats-Unis et de la Russie, chacun possédant plus de 10.000 armes nucléaires, Israël est néanmoins une puissance nucléaire majeure et devrait être publiquement reconnue comme tel… Depuis la guerre du Golfe en 1991, alors qu'une grande attention a été manifestée sur la menace posée par les armes irakiennes de destruction massive, Israël, le coupable et responsable majeur dans la région, a été largement ignoré. Possédant des armes chimiques et biologiques, un arsenal nucléaire extrêmement sophistiqué et une stratégie agressive pour leur emploi réel, Israël fournit l'élan régional majeur pour le développement des armes de destruction massive et constitue une grande menace pour la paix et la stabilité au Proche-Orient. Le programme nucléaire israélien représente un sérieux obstacle pour le désarmement nucléaire et la non-prolifération et avec l'Inde et le Pakistan cela constitue un potentiel nucléaire explosif. (Les perspectives de non-prolifération sérieuses resteront des illusions aussi longtemps que les Etats nucléaires insistent sur le maintien de leurs arsenaux), les citoyens préoccupés par les sanctions contre l'Irak, par une paix juste et durable au Moyen-Orient et par le désarmement nucléaire, ont une obligation de dénoncer avec force le programme nucléaire israélien. Naissance de la bombe israélienne Le programme nucléaire israélien a commencé à la fin des années 1940 sous la direction d'Ernst David Bergmann, “le père de la bombe israélienne qui avait établi en 1952 la commission israélienne de l'énergie atomique”. Néanmoins, c'était la France qui fournissait le gros de la première assistance nucléaire à Israël culminant avec la construction de Dimona, un lourd réacteur nucléaire situé près de Biressabaâ dans le désert du Negev. Israël a été dès le début un participant actif dans le programme français d'armement nucléaire, fournissant une expertise technique décisive. Le programme nucléaire israélien peut être perçu comme étant une extension de cette première collaboration : Dimona est entré en fonction en 1964 et le retraitement du plutonium a commencé juste après. En dépit des diverses déclarations et assertions israéliennes que Dimona était “ une usine de manganèse ou de textile ”, les mesures extrêmes de sécurité employées racontaient une histoire de loin différente. En 1967, Israël a abattu l'un de ses propres avions Mirage de combat qui s'était approché de près de Dimona et en 1973 avait descendu un avion civil libyen qui s'était écarté de sa course, tuant 104 personnes (3). Il existe une spéculation valable et crédible qui dit qu'Israël aurait fait exploser au moins un et probablement plusieurs dispositifs nucléaires au milieu des années 1960 dans le Negev près de la frontière israélo-égyptienne et avait participé activement aux tests nucléaires français en Algérie (4). Pendant la “ guerre Yom Kippour ” en 1973, Israël possédait déjà un arsenal de probablement plusieurs dizaines de bombes atomiques et s'était mis en état d'alerte nucléaire générale (5). Possédant une technologie nucléaire avancée et des savants nucléaires de classe mondiale, très tôt, Israël était confronté à un problème majeur à savoir comment obtenir l'uranium nécessaire. En fait, la propre source d'uranium d'Israël était les dépôts de phosphate dans le Néguev. Elle était totalement insuffisante pour répondre aux besoins d'un programme rapidement en pleine expansion. La réponse à court terme consistait à monter des raids commando en France et en Grande-Bretagne pour détourner avec succès des chargements d'uranium. Et en 1968, Israël a collaboré avec l'Allemagne de l'Ouest pour le détournement de 200 tonnes d'oxyde d'uranium (6). Ces acquisitions clandestines d'uranium pour Dimona étaient par la suite dissimulées par les divers pays impliqués. On alléguait aussi qu'une société américaine appelée Nuclear materials and equipement corporation (NUMEC), une compagnie spécialisée dans les matériaux et les équipements nucléaires avait détourné des centaines de kilos d'uranium enrichi au profit d'Israël. Cette duperie a duré du milieu des années cinquante jusqu'à celui des années soixante. En dépit d'une enquête menée par le FBI et la CIA et des auditions du Congrès, personne n'a jamais été poursuivi bien que la plupart des enquêteurs croyaient que le détournement a bien eu lieu (7) (8). A la fin des années soixante, Israël a résolu le problème de l'uranium en tissant des relations étroites avec l'Afrique du sud avec à la clé un arrangement stipulant qu'Israël fournirait la technologie et l'expertise pour “la bombe de l'apartheid”, alors que l'Afrique du sud se chargerait de l'uranium. L'Afrique du Sud et les Etats-Unis En 1977, l'Union soviétique avait averti les Etats-Unis que des photos satellite indiquaient que l'Afrique du Sud planifiait un test nucléaire dans le désert de Kalahari mais le régime de l'Apartheid a renoncé sous la pression. Le 22 septembre 1979, un satellite américain avait détecté un test atmosphérique d'une petite bombe thermonucléaire dans l'océan indien au large de l'Afrique du sud mais en raison de l'implication manifeste d'Israël, le rapport a été “blanchi” par un panel de savants soigneusement sélectionnés et laissé dans l'ignorance quant au détail important. Plus tard, on apprenait de sources israéliennes qu'il y avait en réalité trois tests soigneusement gardés d'artillerie d'obus nucléaires miniaturisés israéliens. La collaboration israélo-sud africaine n'avait pas cessé avec le test de la bombe, mais avait bien continué jusqu'à la chute de l'apartheid, principalement avec le développement et le test de missiles à moyenne portée et d'artillerie perfectionnée. En plus de l'uranium et des équipements de test, l'Afrique du Sud avait investi en Israël de gros capitaux alors qu'Israël fournissait un grand débouché commercial pour permettre au régime de l'Apartheid d'éviter les sanctions économiques internationales. (9) Bien que les Français et les Sud-Africains aient été principalement responsables du programme nucléaire israélien, les Etats-Unis partagent et endossent une grande part de responsabilité. Mark Gaffney écrivait que “ le programme nucléaire israélien a été rendu possible uniquement en raison d'une supercherie calculée de la part d'Israël et une complicité de bonne volonté de la part des Etats-Unis…” (10). Dès le commencement, les Etats-Unis étaient lourdement impliqués dans le programme nucléaire israélien fournissant de la technologie à caractère nucléaire tel qu'un petit réacteur de recherche en 1955 sous le “programme d'atomes pour la paix”. Les scientifiques israéliens étaient en partie formés dans les universités américaines et généralement chaleureusement reçus dans les laboratoires d'armement nucléaire. Au début des années 60, les commandes pour le réacteur de Dimona ont été obtenues clandestinement d'une firme appelée Tracer Lab, le principal fournisseur de tableaux de commande de réacteurs de l'armée américaine, achetés par l'intermédiaire d'une filiale belge, apparemment avec l'assentiment de l'agence de sécurité nationale (NSA) et la CIA. (11). En 1971, l'administration Nixon avait approuvé la vente de centaines de Krytons. (une sorte de commutateurs à haute vitesse nécessaires pour le développement de bombes nucléaires sophistiquées) à Israël (12). Et, en 1979, Jimmy Carter avait fourni à Tel-Aviv des photos haute résolution par un satellite-espion le KH-11 et qui ont été utilisées deux ans plus tard pour bombarder le réacteur Irakien Osirak. (13) Durant les administrations Nixon et Carter et s'accélérant dramatiquement sous Reagan, les transferts de technologie avancée américaine à destination d'Israël ont continué sans répit jusqu'à présent. Les révélations de Vanunu A la suite de la guerre de 1973, Israël avait intensifié son programme nucléaire tout en poursuivant sa politique délibérée d'“opacité nucléaire ”. Jusqu'à la moitié des années quatre-vingt, la plupart des estimations des services de renseignements relatives à l'arsenal nucléaire israélien étaient de l'ordre de deux douzaines mais les révélations de Mordechai Vanunu, un technicien nucléaire travaillant dans le traitement du plutonium de Dimona avaient tout changé du jour au lendemain. Défenseur de gauche de la Palestine, Vanunu croyait qu'il était de son devoir envers l'humanité d'exposer au monde le programme nucléaire d'Israël. Il a fait sortir clandestinement des dizaines de photos et de données scientifiques précieuses et en 1986 son histoire a été publiée par l'hebdomadaire londonien The Sunday Times. Un examen scientifique rigoureux des révélations de Vanunu a conduit à la divulgation qu'Israël possédait deux cents et autant de bombes thermonucléaires miniaturisées hautement sophistiquées. Son information indiquant que la capacité du réacteur de Dimona a été développée à maintes reprises et qu'Israël produisait assez de plutonium pour fabriquer dix à douze bombes par an. Un grand analyste américain de renseignements a déclaré au sujet des données révélées par Vanunu que “l'envergure de ce programme est beaucoup plus vaste que nous le pensions. C'est une opération colossale” (14) . Juste avant la publication de son information, Vanunu a été séduit et piégé à Rome par une “Mata Hari” du Mossad. Battu, drogué, kidnappé et ramené en Israël et à la suite d'une campagne de désinformation et de dénigrement dans la presse israélienne, il a été inculpé de “trahison” par un tribunal secret de sécurité et condamné à 18 ans de prison. Il a passé plus de 11 ans seul dans une cellule de 2,7 mètres de long et de 1,80 mètre de large. Après une année de changement de régime (il n'était pas autorisé à entrer en contact avec les Arabes), Vanunu a été récemment renvoyé dans une cellule solitaire et risque encore plus de trois ans de prison. Comme on s'y attendait, les révélations de Vanunu ont été largement ignorées par la presse internationale, particulièrement aux Etats-Unis et Israël continue de jouir d'une chevauchée relativement libre au sujet de son statut nucléaire. (15) Aujourd'hui, les estimations de l'arsenal nucléaire israélien varient d'un minimum de 200 à un maximum de 500. Quel que soit le nombre, il y a peu de doute que les bombes nucléaires israéliennes figurent parmi les plus sophistiquées au monde, largement destinées à “combattre une guerre” au Moyen-Orient. Une grande partie de l'arsenal nucléaire israélien sont des “bombes à neutron” et des bombes thermonucléaires destinées à maximaliser une radiation gamma meurtrière tout en minimisant les effets d'explosion et la radiation à long terme vise essentiellement à tuer les gens tout en épargnant les immeubles et les habitations (16). Les armes englobent des missiles balistiques et des bombardiers capables d'atteindre Moscou, des missiles de croisière, des mines terrestres (dans les années quatre-vingt, Israël avait planté des mines terrestres nucléaires tout le long du Golan (17) et des obus d'artillerie d'une portée de plus de 70 kilomètres (18). En juin 2000, un sous-marin israélien avait lancé un missile de croisière qui a frappé une cible distante de 1.425 kilomètres, faisant d'Israël le troisième pays après les Etats-Unis et la Russie à disposer de cette capacité. Israël déploiera trois de ces sous-marins pratiquement invincibles. Chacun de ces sous-marins transporte quatre missiles de croisière (19). Les bombes elles-mêmes varient en taille allant des “petits garçons de ville” plus grandes que la bombe d'Hiroshima aux mini-bombes nucléaires tactiques. L'arsenal israélien d'armes de destruction massive écrase nettement les arsenaux réels ou potentiels de tous les Etats combinés du Moyen-Orient et c'est immensément plus grand que tout besoin concevable pour la “dissuasion”. Israël possède également un arsenal détaillé d'armes chimiques et biologiques. Selon le Sunday Times, Israël a produit à la fois des armes chimiques et biologiques avec un système de commande sophistiqué, citant un haut responsable israélien des services de renseignements, il n'y a guère aucune forme connue ou inconnue d'arme chimique ou biologique… qui n'est pas fabriquée à l'institut biologique de Nes Tziyona” (20). Le même article décrivait des avions de combat F-16 spécialement conçus pour des charges chimiques et biologiques, avec des équipages entraînés pour charger les armes sur-le-champ. Fin 1998, le Sunday Times a rapporté qu'Israël utilisant des recherches obtenues d'Afrique du Sud, était en train de développer une “ethnobombe”. En développement leur “ethnobombe”, les scientifiques israéliens essaient d'exploiter les avancées médicales en identifiant un gêne distinctif porté par certains Arabes pour créer par la suite une bactérie ou un virus génétiquement modifié… Les scientifiques tentent de mettre au point des micro-organismes meurtriers qui attaquent seulement ceux portant les gênes distinctifs. Dedi Zucker, un membre de gauche de la Knesset, le parlement israélien, a dénoncé la recherche en déclarant : “moralement, en se basant sur notre histoire, notre tradition et notre expérience, une telle arme est monstrueuse et devrait être repoussée” (21). La stratégie nucléaire israélienne Dans l'imagination populaire, la bombe israélienne est une “arme de dernier recours”, à être utilisée uniquement à la dernière minute pour éviter l'anéantissement. De nombreux défenseurs d'Israël bien intentionnés mais trompés croient encore que c'en est le cas. Quelle que soit la vérité, cette formulation pourrait avoir germé dans l'esprit des premiers stratèges nucléaires israéliens. Aujourd'hui, l'arsenal nucléaire israélien lui est inextricablement lié et intégré avec l'ensemble de la stratégie politique et militaire israélienne. Comme le dit Seymon Hersh dans un euphémisme classique : “l'option Samson n'est plus la seule option nucléaire à la disposition d'Israël” (22). Israël a fait d'innombrables menaces nucléaires voilées contre les nations arabes et contre l'Union soviétique (et par extension contre la Russie depuis la fin de la guerre froide). Un exemple qui donne la chair de poule vient de Sharon, l'actuel Premier ministre israélien : “les Arabes peuvent avoir le pétrole, mais nous, nous avons les allumettes” (23). En 1983, Sharon avait proposé à l'Inde de le rejoindre pour attaquer les installations nucléaires pakistanaises. A la fin des années soixante-dix, il avait proposé l'envoi de parachutistes israéliens à Téhéran pour soutenir le Shah et en 1982, il a appelé à l'expansion de la zone d'influence sécuritaire d'Israël pour s'étendre de “la Mauritanie à l'Afghanistan”. Dans un autre exemple, l'expert nucléaire israélien Oded Brosh a déclaré en 1992 : “nous n'avons pas besoin d'avoir honte que l'option nucléaire soit un instrument dissuasif majeur de notre défense contre ceux qui nous attaquent” (24). Selon Israël Shahak, “le souhait pour la paix, si souvent supposé être l'objectif israélien, n'est pas à mon avis le principe de la politique israélienne alors que le souhait d'étendre l'influence et la domination israélienne l'est. Et si cela se produit dans n'importe quel Etat du Moyen-Orient… Israël se prépare clairement à chercher ouvertement une hégémonie sur l'ensemble du Moyen-Orient… Sans hésiter à utiliser à cette fin tous les moyens disponibles, dont les armes nucléaires” (25). Israël utilise son arsenal nucléaire non pas seulement dans une dissuasion ou dans celui d'une guerre mais dans des manières plus subtiles mais non pas moins importantes. A titre d'exemple, la possession d'armes de destruction massive peut être un puissant levier afin de maintenir le statu quo ou d'influer sur les événements à l'avantage perçu d'Israël, tel que la protection de ce qu'on appelle les pays arabes modérés d'insurrection interne ou d'intervenir dans des conflits interarabes (26). Dans le jargon stratégique israélien, ce concept est appelé “l'obligation non conventionnelle” et il est illustré par une citation de Shimon Perès ; “l'acquisition d'un système supérieur d'armement (lisez nucléaire) signifierait la possibilité de l'utiliser à des fins contraignantes. Cela signifie forcer l'autre partie à accepter les demandes politiques israéliennes qui englobent vraisemblablement une demande à savoir que les statu quo traditionnels soient acceptés et un traité de paix signé” (27). A partir d'une perspective légèrement différente, Robert Tucken s'est interrogé dans un article paru dans Commentary Magazine en défense des armes nucléaires israéliennes en écrivant : “Qu'est-ce qui empêcherait Israël de poursuivre une politique belliciste employant une dissuasion nucléaire pour geler le statu quo ? 28). Posséder une supériorité nucléaire écrasante permet à Israël d'agir avec impunité même à la face d'une large opposition du monde. Un exemple pourrait être l'invasion du Liban et la destruction de Beyrouth en 1982, invasion conduite par Ariel Sharon et qui a causé la mort de 20.000 personnes, la plupart des civils. En dépit de l'anéantissement d'un Etat arabe voisin, sans mentionner la destruction complète de l'aviation syrienne, Israël était capable de poursuivre la guerre des mois durant au moins partiellement en raison de sa menace nucléaire. Un autre usage majeur de la bombe israélienne est d'obliger les Etats-Unis à agir en faveur d'Israël, même quand cela ne sert pas leurs propres intérêts stratégiques. En 1956, Francis Perrin, directeur du projet de la bombe A française écrivait : “nous pensions que la bombe israélienne était pointée sur les Américains et non pas pour être utilisé contre eux, mais en fait pour dire si vous ne voulez pas nous aider dans une situation critique, nous vous obligerons à le faire autrement, nous utiliserons nos bombes nucléaires” (29). Durant la guerre d'octobre 1973, Israël a recouru au chantage nucléaire pour forcer Kissinger et Nixon à acheminer par avion des quantités énormes d'armement pour Israël. L'ambassadeur israélien, Simbra Dinitz a été cité à l'époque affirmant que “si une livraison massive d'armes pour Israël ne commence pas immédiatement, alors je saurai que les Etats-Unis n'auront pas tenu leurs promesses et… nous devrons tirer de graves conclusions…” (30). Un autre exemple de cette stratégie a été expliqué clairement en 1987 par Amos Rubin, conseiller économique du Premier ministre Yitzhak Shamir qui avait déclaré : “s'il est livré à son propre sort, Israël n'aura d'autre choix que de recourir à une défense plus risquée qui le mettra en danger et le monde dans son ensemble… Pour permettre à Israël de s'abstenir de la dépendance nucléaire, il lui faut une aide américaine annuelle de deux à trois milliards de dollars par an” (31). Depuis lors, l'arsenal nucléaire d'Israël s'est développé de manière exponentielle à la fois sur les plans qualitatif et quantitatif alors que la manne du dollar américain demeure grand ouverte. Les implications régionales et internationales En grande partie, inconnu au monde, le Moyen-Orient allait presque s'enflammer, le 22 février 2001. Selon le quotidien britannique, le Sunday Times et le DEBKA file, Israël avait mis ses missiles en alerte maximale après avoir reçu des informations en provenance des Etats-Unis faisant état d'un mouvement de six divisions blindées irakiennes stationnées le long de la frontière syrienne et de préparations de lancement de missiles sol-sol. DEBKA file, un service d'information de “contre-terrorisme” israélien prétend que les missiles irakiens ont été délibérément mis en état d'alerte rouge afin de tester la réponse américaine et israélienne. Malgré une attaque immédiate menée par 42 avions américains et britanniques, les Irakiens n'ont subi apparemment que de petits dégâts (32). Les Israéliens ont averti l'Irak qu'ils étaient prêts à faire usage des bombes à neutron dans une attaque préventive contre les missiles irakiens. L'arsenal nucléaire israélien a de profondes implications sur l'avenir de la paix au Moyen-Orient et certainement sur la planète entière. Selon Shahak, Israël n'a aucun intérêt à signer la paix exceptée celle qui est dictée par ses propres termes et n'a absolument aucune intention de négocier en bonne foi pour restreindre son programme nucléaire ou discuter sérieusement d'un Moyen-Orient dénucléarisé. “L'insistance d'Israël sur l'usage indépendant de ses armes nucléaires peut être perçue comme étant la pierre angulaire sur laquelle repose la grande stratégie israélienne” (34). Selon Seymour Hersh, “la taille et la sophistication de l'arsenal nucléaire d'Israël permettent à des hommes tel que Sharon de rêver de redessiner la carte du Proche-Orient, aidé en cela par la menace implicite de la force nucléaire”. Le général Amnon Shahak-Liqkin, ancien chef d'état-major a déclaré : “il n'est jamais possible de discuter avec l'Irak sur quelque sujet qu'il soit, idem pour l'Iran. Certainement au sujet de la nucléarisation. Avec la Syrie, nous ne pouvons pas réellement dialoguer non plus” (36). Ze'ev Shiff, un expert militaire israélien a écrit dans le quotidien Haaretz : “quiconque pensant qu'Israël signera un jour la convention de l'ONU interdisant la prolifération des armes nucléaires… est un rêveur” (37) et Nunya Mardoch, directeur de l'Institut israélien pour le développement de l'armement a déclaré en 1994 que “le sens moral et politique des armes nucléaires fait que les Etats qui renoncent à leur usage acceptent le statut d'Etats vassaux. Tous ces Etats qui se contentent de posséder seulement des armes conventionnelles sont condamnés à devenir des Etats vassaux” (38). Comme la société israélienne devient de plus en plus polarisée, l'influence de la droite radicale devient plus forte. Selon Shahak, la perspective de Gush Emunim, de certains fanatiques israéliens d'extrême droite ou de certains généraux délirants, serait qu'Israël saisissant le contrôle des armes nucléaires israéliennes… ne peut pas être empêchée… alors que la société juive israélienne passe par une polarisation continue, le système israélien de sécurité s'appuie de plus en plus sur le recrutement de cohortes des rangs de l'extrême droite (39). Les Etats arabes, au courant depuis longtemps du programme nucléaire d'Israël, éprouvent de l'amertume quant à son objectif coercitif, et perçoivent son existence comme étant la menace suprême pour la paix dans la région, demandent leurs propres armes de destruction massive. Si une guerre future au Proche-Orient éclaterait (une possibilité due à l'ascension d'Ariel Sharon, un criminel de guerre en liberté avec un passé sanglant allant du massacre des civils palestiniens à Quibrya en 1995 à celui de Sabra et Shatila en 1982 et au-delà), l'usage possible par Israël d'armes nucléaires ne devrait pas être négligé. Selon Shahak, dans la terminologie israélienne, “le lancement de missiles sur le territoire israélien est perçu comme “non conventionnel”, sans se soucier s'ils sont équipés d'explosifs ou de gaz toxique” (40) (ce qui explique une “réponse non conventionnelle”, probablement une exception unique étant les attaques des Scud irakiens lors de la guerre du Golfe). Cependant, l'existence d'un arsenal de destruction massive dans une telle région instable a, en retour, de sérieuses implications sur l'avenir des négociations sur le contrôle des armes et le désarmement et même la menace d'une guerre nucléaire. Seymon Hersh avertit : “si une guerre devait éclater à nouveau au Proche-Orient et si un Etat arabe devait lancer des missiles contre Israël comme l'ont fait les Irakiens, une escalade nucléaire, autrefois impensable à l'exception d'un dernier recours, serait aujourd'hui une forte probabilité” (41). Ezer Weizmann, l'actuel président israélien a déclaré : “la question nucléaire est en train de prendre de l'ampleur et la prochaine guerre ne sera pas conventionnelle” (42). La Russie et avant elle, l'Union soviétique, a longtemps été une cible majeure (si ce n'est pas la cible majeure) des bombes nucléaires israéliennes. Il a été largement rapporté que l'objectif principal de l'espionnage de Jonathan Pollard en faveur d'Israël était de fournir des images satellite de cibles soviétiques et d'autres données ultra-sensibles relatives à la stratégie des objectifs nucléaires américains (43). Depuis le lancement de son propre satellite en 1988, Israël n'a plus besoin des secrets américains. Les bombes nucléaires israéliennes braquées sur le centre de la Russie compliquent sérieusement les négociations sur le contrôle des armes et le désarmement. La possession d'armes nucléaires par Israël déstabilise énormément et réduit considérablement le seuil de leur usage réel, si ce n'est pas pour une guerre nucléaire totale. Dans le langage de Mark Gaffney : “…Si le modèle familier (le perfectionnement par Israël de ses armes de destruction massive avec la complicité des Etats-Unis) n'est pas bientôt renversé pour quelque raison que ce soit, l'intensification du conflit au Proche-Orient pourrait déclencher une conflagration mondiale” (44). Nombreux sont les militants en faveur de la paix au Proche-Orient qui hésitent à débattre, encore moins à défier le monopole israélien sur les armes nucléaires dans la région, conduisant souvent à des analyses incomplètes et à des stratégies d'action défectueuses. Plaçant la question des armes israéliennes de destruction massive de manière directe sur la table, un programme d'action aura plusieurs effets salutaires. D'abord, il exposerait une dynamique déstabilisante conduisant à la course à l'armement au Proche-Orient et obligerait chacun des Etats de la région à chercher sa propre “dissuasion”. Ensuite, il exposerait le double jeu grotesque qui voit d'une part les Etats-Unis et l'Europe condamner l'Irak, l'Iran et la Syrie à développer des armes de destruction massive tout en protégeant et habilitant le principal coupable. Enfin, exposer la stratégie nucléaire d'Israël concentrerait l'attention publique internationale, et engendrerait une pression croissante pour qu'il démantèle ses armes de destruction massive et négocie une paix juste et durable. En fin de compte, Israël dénucléarisé rendrait le Moyen-Orient dépourvu d'armes nucléaires apte à signer un accord de paix régionale et globale, beaucoup plus probable. Tant que la communauté internationale ne dissuadera pas Israël d'arrêter son programme nucléaire secret, il est peu probable qu'une solution sérieuse au conflit arabo-israélien verra le jour. Un fait sur lequel Israël pourrait compter au moment où l'ère de Sharon se lève. * John Steinbach, chercheur-universitaire Traduit de l'anglais par Noureddine Boughanmi 1.Seymour Hersh, The Samson Option : Israel's Nuclear Arsenal and American Foreign Policy, New York, 1991, Random House, p. 319 (A Brilliant and prophetic work with much original research) 2. 2. Mark Gaffney, Dimona, The Third Temple : The Story Behind the Vanunu Revelaion, Brattleboro, VT, 1989, Amana Books, p. 165 (Excellent progressive analysis of the Israeli nuclear program). 3.U.S. Army Lt. Col. Warner D. Farr, The Third Temple Holy of holies ; Israel's Nuclear Weapons, USAF Counterproliferation Center, Air War College Sept 1999. 4.Hersch, op.cit., p. 131 5.Gaffney, op.cit., p. 63 6.Gaffney, op.cit., pp. 68-69 7.Hersh, op.cit., pp. 2442-257 8.Gaffney, op.cit., 1989, pps. 65-66 (An alternative discussion of the NUMEC affair) 9.Barbara Rogers & Zdenek Cervenka, The Nuclear Axis : The Secret Collaboration Between West Germany and South Africa, New York, 1978, Times Books, p. 325-328 (the definitive history of the Apartheid Bomb) 10.Gaffney, op.cit., 1989, p. 34 11.Peter Hounam, Woman From Mossad : The Torment of Mordechai Vanunu, London, 1999, Vision Paperbacks, pp. 155-168 (The most complete and up to date account of the Vanunu story, it includes fascenating speculation that Israel may have a second hdden Dimona type reactor) 12.Hersh, op.cit., p. 213 13.Ibid, p. 198-200 14.Obid, pp. 3-17 15.Hounman, op.cit. 1999, pp 189-203 16.Hersh, 1989, pp. 199-200 17.Ibid, p. 312 18.John Pike and Federation of American Scientists, Israel Special Weapons Guide Website, 2001, Web 19.Usi Mahnaimi and Peter Conradi, Fears of New Arms Race as Israel Tests Cruise Missiles, June 18, 2000, London Sunday Times 20.Usi Mahnaimi, Israeli Jets Equipped for Chemical Warfare October 4, 1998, London Sunday Times 21.Usi Mahnaimi and Marie Colvin, Israel Planning “Ethnic” bomb as Saddam Caves In, November 15, 1998, London Sunday Times 22.Hersh, op.cit., 1991, p. 319 23.Gaffney, op.cit., 1989, p. 163 24.Israel Shahak, Open Secrets : Israeli Nuclear and Foreign Policies, London, 1997, Pluto Press, p. 40 (An absolute “must read” for any Middle East or anti-nuclear activist) 25.Ibid, p. 2 26.Ibid, p. 43 27.Gaffney, op.cit., 1989, p. 131 28.“Israel & the US : From Dependence to Nuclear Weapons ?” Robert W. Tucker, November 1975, pp. 41-42 29.London Sunday Times, October 12, 1986 30.Gaffney, op.cit. 1989, p. 147 31.Ibid, p. 153 32.DEBKAfile, February 23, 2001 www.debka.com 33.Uzi Mahnaimi and Tom Walker, London Sunday Times, February 25, 2001 34.Shalak, op.cit., p 150 35.Hersh, op.cit., p. 319 36.Shahak, op.cit., p. 34 37.Ibid, p. 149 38.Ibid, p. 153 39.Ibid, pp. 37-38 40.Ibid, pp. 39-40 41.Hersh, op.cit., p. 19 42.Aronson, Geoffrey, “Hidden Agenda : US-Israeli Relations and the Nuclear Question, “Middle East Journal, (Autumn 1992), 619-630 43.Hersh, op.cit., pp. 285-305 44.Gaffney, op.cit., p. 194.