Pour ce natif de Fès, le rapport à l'image se définit en poursuites de certains instants qui ne ressemblent à rien d'autre. Une sorte de marche solitaire derrière le mirage de soi à travers ce que l'on voit et ce que l'oeil capte. Thami Benkirane redéfinit son espace au contact de ce qui fuit. C'est une définition qui touche excatement le fondement du travail de Thami Benkirane : «Cette série de photographies se fonde sur l'esthétique de la «troisième image». Celle qui résulte, lors d'un diaporama, de la projection en fondu enchaîné de deux images.» Nous sommes dans deux sphères de travail créatif. Une réflexion sur l'outil de travail et une lecture des finalités de ce qui est donné à voir. Thami Benkirane se nourrit de cette dualité de son support. Plusieurs juxtapositions, de nombreux points de vue sur un espace-temps défini, mais qui se décline en de nombreuses variations sur le même thème. Autrement dit, cette image n'est pas définie par ce qu'elle représente que par les cheminements qui président à sa naissance. «Techniquement, cette écriture photographique qui évoque le palimpseste repose sur la surimpression d'images directement à la prise de vue sur film argentique.» Là aussi c'est d'approche du moment qu'il s'agit. On ne peut mettre un instant sur un autre dans le même prisme sans en altérer et la source et la finalité. Thami Benkirane est conscient de cette transformation qui donne à son travail une dimension différente à chaque prise. «L'auteur éprouve un attachement sensible et sensuel à la matière rebut, aux graffités oblitérés ou tenaces, aux fragments d'affiches lacérées, à la rouille, au délabrement des murs, à la ruine… et à tout ce qui révèle l'implacable travail d'érosion du temps.» Passer du temps à son absence, qui équivaut à une partie de vide que rien ne vient combler. Thami Benkirane veut s'attaquer à ce qui ne résiste plus, pour lui imprimer ce qui peut durer. Une lutte entre l'impossibilité de donner un ancrage à ce qui passe et la volonté de pérenniser l'improbable. «Cette alchimie coloriste et plastique de la troisième image donne lieu à des rencontres formelles et graphiques dont le décalage par rapport à la réalité bouleverse notre sensibilité visuelle habituelle.» C'est du moins le sens premier d'une approche de la temporalité dans son sens intempestif avant de procéder à la sculpture du fuyant. Galerie de l'Institut français du 8 novembre au 29 décembre 2007