La police judiciaire de Mers Sultan-El Fida a démantelé, suite à un scandale inhabituel s'étant produit dans une rue d'un quartier chic, un réseau de trafic de drogues à l'échelle internationale. En effet, ce n'est ni la première ni la dernière fois que des arrestations du genre s'effectuent. Dans les pays avancés, le jeu du chat et de la souris entre trafiquants, consommateurs et policiers est un peu dépassé grâce, entre autres, aux programmes de sensibilisation et conscientisation. Remmach, Bin El Ouidane, Chinouiya sont des affaires qui montrent à leur juste valeur, grandeur nature, que nous sommes assez loin de combattre ce fléau, pourtant dévastateur. Mardi 22 octobre, vers 17 heures, une information faisait état de l'enlèvement à coups de matraques d'un individu qui a été sorti de sa voiture, qu'il occupait dans la rue de Madrid. Les ravisseurs étaient au nombre de quatre et occupaient une Honda de couleur noire. Les éléments de la police judiciaire, qui se sont rendus sur les lieux indiqués, ont constaté que la portière avant-gauche de la Peugeot 307 abandonnée était grande-ouverte. Les premières fouilles effectuées dans le véhicule ont montré la présence stupéfiante de six capsules de cocaïne dissimulées dans un étui placé en haut du pare-brise. Matraques, enlèvement, cocaïne…De quoi penser à une guerre de gangs ? Il fallait laisser les choses en l'état et reculer sur le champ pour voir passer les événements. Cette réaction, qui n'a pas dépassé les 75 minutes, a donné ses fruits : deux individus arrivent à bord d'une Peugeot 607 immatriculée à l'étranger. Ils ont été encerclés au moment où ils tentaient de pénétrer dans la voiture abandonnée. Conduits à l'interrogatoire, ils donneront séparément des faits aussi surprenants que concordants. Mohamed. B., victime de l'enlèvement, a déclaré avoir pris contact avec des trafiquants de drogues qui venaient le chercher pour des capsules de cocaïne qu'ils consommaient. Au cours d'une discussion qui avait été teintée d'intimité et de confiance, ils lui avaient révélé qu'ils cherchaient à expédier vers l'étranger une quantité de chira. Rendez-vous a été pris et ses clients-accrocs lui ont ramené 15 kilos de chira en plaquettes d'environ 250 g chacune et 150.000 DH en espèces comme commission et frais d'envoi. Mohamed. B, face à des difficultés financières, n'a pas honoré ses engagements. Non seulement il a dépensé l'argent, mais a commencé à écouler une partie des 15 kilos de chira. Ce sont les mêmes faits que Kamal, le second accusé, a confirmés et d'ajouter que lorsque Mohamed a commencé à faire le sourd et à se débiner, il fallait le piéger en passant à la vitesse supérieure, celle des gangs et des moyens utilisés dans leurs guerres mutuelles. Aussi, avec ses trois complices, Kamal a-t-il fait croire à Mohamed qu'il avait besoin des doses habituelles de cocaïne. C'est ainsi que la rue de Madrid était le lieu du rendez-vous?; celui de l'enlèvement. Pour sa part, Mohamed a ajouté qu'après son enlèvement, il a été conduit dans un terrain vague près de Mohammédia où il a été torturé à l'aide de matraques électriques voire menacé de mort. Il lui a fallu promettre à ses ravisseurs de restituer l'argent à raison de 5000 DH/jour et la marchandise. Il a été ensuite conduit au centre de la ville de Mohammédia où les ravisseurs ont remis la Honda à l'un de leurs amis et pris la Peugeot 607 pour le reconduire à Casablanca. Ainsi, en mois d'une heure et demie, l'aller-retour et l'interrogatoire ont été effectués et l'accord conclu ! Une brique pour un kilo Une perquisition effectuée dans le domicile de Mohamed, situé dans un luxueux appartement du quartier des hôpitaux, a permis effectivement aux enquêteurs de saisir 14 des 15 kg de chira, de faux documents ainsi que des récépissés d'envois par colis postaux et d'avis de virements électroniques en provenance de pays étrangers. Il en dira long sur son petit réseau de distribution de la blanche à Casablanca. Quant à Kamal, qui a livré aux enquêteurs les noms de ses complices et du copain de Mohammédia, a avoué s'adonner au trafic de drogues et de stupéfiants depuis des années. D'ailleurs l'idée lui est venue lorsqu'il vivait à Saint Etienne. Avec d'autres membres du réseau, ils s'approvisionnaient dans le nord du pays. Leur fournisseur assurait le transport de la marchandise jusqu'au port de Tanger où elle était prise en charge par un autre passeur qui l'acheminait vers l'Espagne et la France. Mais depuis que ce passeur-là a été arrêté, les affaires ont mal tourné pour eux. Le réseau réussissait à faire passer jusqu'à 400 kilos de chira à la fois et ses membres encaissaient dans les règles de l'art. L'argent coulait à flot, ajoutait Kamal. D'où la Peugeot 607 qui circule au Maroc depuis 5 ans, avec immatriculation française, les doses de cocaïne et les largesses que procure sa consommation. Deux des trois ravisseurs de Mohamed ont été arrêtés le soir même. Le troisième, cherchant à prendre la fuite et ignorant faire l'objet d'un avis de recherche, a été appréhendé par la police des frontières à Tanger d'où il tentait de quitter le Maroc quelques heures après le déclenchement de l'affaire. Ceci, concernant les activités du réseau à l'échelle internationale en matière de trafic de chira. Cependant, aucune information n'a filtré sur les destinataires des lots tant transportés par le passeur qu'envoyés par colis postaux. Mais pour ce qui est du réseau de trafic de cocaïne, tissé par Mohamed à l'échelle nationale, particulièrement à Casablanca, ce sont les portables qui le dévoileront. Au cours de l'interrogatoire des accusés, les cellulaires de Mohamed n'arrêtaient pas de sonner. Obligé par les policiers de répondre aux appels, l'accusé livrait consommateurs et chauffeurs de taxis demandeurs de doses de cocaïne. A chaque rendez-vous fixé, les policiers étaient là, derrière lui, à les ramasser à Ain Diab, devant des restaurants au Mâarif… 700 DH est le prix de la capsule demandée directement à Mohamed B. Mais le chauffeur de taxi encaisse une commission de 200 DH chez le consommateur et de 100 DH chez le dealer pour une course de pas plus de dix minutes. Au total, 16 personnes ont été arrêtées et déférées devant la Cour d'appel de Casablanca pour constitution d'association de malfaiteurs, trafic de drogues à l'échelle internationale, enlèvement, menace et agression à l'arme blanche, menace de mort, vente illicite de boissons alcoolisées aux Musulmans, faux et usage de faux et émission de chèques sans provision. Les présentations ont eu lieu successivement les 25, 26 et 27 octobre dernier. A Oukacha, dans le pavillon d'accueil où les mis sous détention préventive doivent attendre l'instruction et l'ouverture des audiences, le mode de vie est déjà différent entre les 16 membres du groupe.