Le quartier réservé de Casablanca est un mythe parmi d'autres grandes figures urbaines de la ville. Entre 1930 et 1950, la vie dans ce périmètre appelé Bousbir tournait autour du commerce du sexe. Juives, Arabes, Européennes, la prostitution était réglementée, suivie, régentée et assimilée par les mœurs. Avec un souci d'hygiène, qui faisait de ce quartier l'attraction principale en Afrique du Nord. 1ère partie. Bousbir. Un nom qui sonne plein dans la mémoire collective des Marocains. Un nom qui désigne à lui tout seul toute une époque, aujourd'hui révolue. «Bousbir a deux visages. Le matin c'est le quartier le plus calme de Casablanca, le soir c'est l'animation bruyante d'un moussem. Pour le touriste, la foule, le bruit, les lumières, le décor, les figurantes trop fardées, faussement enjouées, ressuscitent les images oubliées de lointaines expositions coloniales et éveillent les souvenirs d'un Orient littéraire que l'on voulait alors mystérieux», écrivent Jean Mathieu et P.H. Maury dans leur ouvrage de référence : «Bousbir, ethnographie d'un quartier réservé.» Et ,de fait, ce que l'on lit dans ce chapitre V du livre, rappelle les récits d'un Pierre Loti à Istanbul sur d'autres formes de quartiers réservés, comme celui de Karaköy, qui existe toujours et qui est une destination de choix dans la ville du Bosphore. L'hygiène, un souci capital Durant plus de vingt ans, ces quartiers (il y a deux quartiers réservés à Casablanca, aux Habous et à l'ancienne Médina) ont vu défiler un nombre important d'ethnologues, d'écrivains, d'artistes peintres, de photographes qui ont relaté, chacun selon son moyen d'expression, la vie des femmes qui y officiaient : «Dès la grande porte de Bousbir franchie, c'est brusquement le calme d'un petit village où seuls les piétons ont accès. C'est un quartier construit par un architecte européen dans le style des médinas modernes. Les rues sont tracées au cordeau, les égouts desservent toutes les maisons, les règlements d'hygiène ont été observés, des passages couverts ont été conservés, soit parce qu'ils répondent à certaines servitudes inévitables, soit parce qu'on a jugé que les espaces d'ombre qu'ils ménageaient concourraient à la poésie de l'ensemble». Toujours Jean Mathieu et P.H. Maury qui donnent un descriptif exhaustif de ce quartier dont il ne subsiste aujourd'hui que quelques ruelles où l'on peut toujours retracer la vie d'une femme ou d'une servante, témoins d'un autre âge. Et la particularité d'un tel village était ce souci d'un voisinage protégé. On y vivait comme dans une immense maison où toutes les portes devaient communiquer. Les femmes allaient d'une demeure à l'autre. Et les «patronnes», les tenancières des lieux avaient un parfait contrôle des allées et venues de leurs protégées. On y avait des médecins et des infirmiers sur place, parce que l'hygiène était un point capital. Toutes les filles, âgées entre 15 et 21 ans, ont été suivies par des médecins et des examens gynécologiques réguliers ont été observés, pour éviter les risques de maladies et d'infections. On raconte dans d'autres chroniques de voyages, que «les filles de Bousbir étaient les plus propres du milieu». «Le voyageur qui vient ici pour la première fois, espère découvrir entre ces hautes murailles, un monde nouveau fait pour la joie et le plaisir. Il vient ici comme le provincial qui loue un fauteuil de théâtre et achète ainsi quelques heures d'oubli. Que lui importe la vie heureuse ou misérable des acteurs qui le divertissent. Qui pense à Bousbir, à la vie lamentable des filles fardées». Le livre Bousbir : La Prostitution dans le Maroc colonial