Loin d'être, comme pouvaient le laisser supposer d'aucuns, un «super-gendarme des ondes», la Haute Autorité Audiovisuelle (HACA) a, au contraire, gagné son pari de la libéralisation transparente et plurielle du paysage des médias nationaux, en s'érigeant, plutôt, en «gendarme» de la démocratie et des libertés dans le secteur. Un régulateur jaloux de ses prérogatives et résolu à préserver son indépendance d'action et d'intervention, pour garantir la pluralité des productions et l'égalité des chances, qu'elle remet à l'épreuve dans le contrôle et le suivi des programmes de la période électorale. Et c'est avec beaucoup de fermeté et d'esprit d'à propos, qu'Ahmed Ghazali a tenu à tirer, une bonne fois pour toutes, en cette matinée de mardi 17 juillet, les choses au clair au sujet des rapports de l'institution qu'il préside avec la puissance publique: «nous avons à la HACA une approche de complémentarité et une mise en cohérence dans nos relations avec le gouvernement. Nous n'avons pas du tout l'intention d'être des exécutants». Et tous les sages présents de la Haute Autorité, le Directeur général Ahmed Akhchichen et les membres Naïm Kamal, Salah El Ouadie, Naïma Lemcharki, Noureddine Afaya et les autres, ont acquiescé sans l'ombre d'un atermoiement, lorsque leur président Ghazali tint à résumer en quelques mots : «nous avons la certitude d'avoir apporté une valeur ajoutée en termes de distance nécessaire, d'objectivité requise et de patience salutaire, pour accompagner et soutenir les évolutions modernes. Nous sommes dans une situation d'optimisme mesurée et le processus d'ensemble se dirige dans le bon sens». Le message que la HACA a tenu à répandre au plus grand nombre, tient dans la recommandation du CSCA (Conseil supérieur de la communication audiovisuelle, incitant les opérateurs à «veiller à la neutralité et l'honnêteté des programmes qu'ils diffusent et de s'abstenir de diffuser tout ce qui est de nature à contenir des informations mensongères et des propos injurieux, diffamatoires ou vexatoires ou à influencer, de par son contenu ou sa forme, le déroulement normal de la période électorale». Le CSCA insiste pour qu'une distinction nette soit opérée entre l'information et le commentaire, en exigeant des opérateurs de présenter «avec clarté, équilibre et neutralité» tout document ou analyse portant sur l'actualité électorale. Pour cela, les acteurs sont invités à «respecter le pluralisme d'expression, de s'abstenir d'altérer ou de modifier le sens des déclarations et écrits des candidats et de veiller à ce que les journalistes ne profitent pas de leurs positions, pour faire passer des opinions partiales». Les objectifs fixés à la mise en oeuvre de la Décision n° 14-07 relative à la garantie du pluralisme politique dans les médias audiovisuels pendant la période des élections législatives générales de septembre 2007, se traduisent par la dynamisation d'une communication audiovisuelle plus attractive, pendant les périodes de campagne électorale, permettre aux opérateurs publics d'y contribuer, en dépassant leur rôle de «simples diffuseurs», et aux opérateurs privés de s'y impliquer. Gare à la propagande mensongère Ghazali a ajouté, dans ce contexte, que cette décision permet, aussi «aux partis politiques qui le souhaitent, de disposer de plus de liberté dans la conception et la production de leurs messages promotionnels, destinés au grand public». En présentant une évaluation préliminaire de la première étape de la pré-campagne électorale, entre le 13 juin et le 13 juillet courant, Noureddine Afaya, chargé du groupe de mise en oeuvre de la garantie du pluralisme politique, a montré la forte implication des médias publics et de l'émergence patriotique de certains opérateurs privés, qui ont marqué leur contribution à cette campagne. Notamment, dans le secteur radiophonique, où sur les dix radios de la première génération d'opérateurs privés autorisés par la HACA, figurent cinq stations actives dans le pluralisme politique et électoral, dont trois du Même groupe MFM, couvrant les régions du Souss, de Marrakech et de Fès-Meknès. 3questions à Ahmed Ghazali, président de la HACA Le processus de libéralisation mûrit La Gazette du Maroc : Pourquoi avez-vous qualifié d'accessoire, le contrôle de la mise en oeuvre de la décision 14-07 au niveau des opérateurs audiovisuels privés? Ahmed Ghazali : La loi n'impose pas aux opérateurs privés, contrairement aux médias publics, de contribuer à la campagne électorale sur les ondes nationales. Mais, dès que les médias privés s'impliquent, ils se trouvent, au même titre que les médias étatiques, soumis aux prescriptions obligatoires de la décision 14-07 dans les mêmes conditions. Ne pensez-vous pas que l'adoption du contrôle a posteriori affaiblit la capacité dissuasive de la HACA, pour freiner d'éventuels dérapages ? Absolument pas, car le recours du contrôle a posteriori, est inscrit dans l'esprit de la loi et dans la notion de régulation de qualité, malgré tous les appels de sirènes propagés autour de la Haute Autorité. Ce sera toujours un contrôle à posteriori, conscients que nous sommes de l'urgence pour rattraper d'éventuelles erreurs. Il s'agit d'une procédure spécifique qui intègre l'urgence d'intervention, afin de réagir immédiatement envers l'opérateur concerné. Nous avons eu par le passé, des erreurs de dérapages que nous nous sommes appliqués à redresser. Ne voyez-vous pas que la libéralisation du paysage audiovisuel national tarde à atteindre ses objectifs, étant toujours dominé par les médias publics ? Non, pas du tout, car si les opérateurs privés ne sont pas devenus une partie suffisamment audible, il ne faut pas oublier qu'ils n'ont pas plus d'une année d'existence pour la première génération de licences d'exploitation accordées par la HACA. Tandis que les médias publics, ont, derrière eux, un demi-siècle d'expérience, qu'il n'est pas aisé de concurrencer dans l'immédiat. Mais le processus de libéralisation mûrit progressivement et la qualité sera au rendez-vous avec des opérateurs privés qui s'efforcent de respecter leurs cahiers des charges.