Le premier rapport établi par l'administration américaine sur sa nouvelle stratégie en Irak, a mis le feu au poudre. Une véritable confrontation commence déjà entre la Maison Blanche et le Congrès. Cela se passe au moment où le gouvernement de Noureddine Al-Maliki, soutenu jusque-là par George Bush, multiplie les erreurs monumentales. Dernière en date, la loi sur le pétrole. Lors de sa rencontre à Paris, il y a environ deux semaines avec le Premier ministre libanais, Fouad Sanioura, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a fait savoir à son interlocuteur, que le président américain, George Bush, est plus que jamais «coincé» en Irak. Surtout que la farouche opposition à sa stratégie dans ce pays, provient cette fois de son propre camp, les Républicains. Ce qui veut dire en matière de science politique, que le compte à rebours a déjà commencé. Et que sa résistance qui perdure depuis quelques mois, finira par fléchir avant la fin de l'année en cours. Ce qui se traduira probablement par l'annonce d'un échéancier, portant sur le retrait des troupes des Bilades Al-Rafidaïnes. Kouchner, qui est pourtant l'ami des Américains, aurait ainsi voulu mettre le chef du gouvernement libanais en garde contre l'illusion de miser gros sur la politique des Etats-Unis au Liban et dans la région, tout le long des prochains mois. Le plus important, c'est que cette réunion entre les deux hommes est intervenue juste après celle tenue entre le secrétaire d'Etat américain, Condoleeza Rice, et Fouad Sanioura, en marge du Sommet sur le Darfour. Répercussions catastrophiques Après la publication du premier rapport de l'administration américaine sur sa nouvelle stratégie en Irak, le président américain doit dorénavant mener plusieurs batailles sur différents fronts. De ce fait, il a été obligé d'affirmer que cette stratégie commence à réaliser un progrès. En même temps, il a tenu à préciser que tout retrait des troupes avant d'atteindre les objectifs, pourrait se transformer en une catastrophe. Bush aurait voulu, à travers ce rapport, répondre au Congrès, devenu démocrate. Ce dernier a montré, preuves à l'appui, que le gouvernement irakien auquel le rapport lui a donné un «bon point», ne cesse de perdre sur le plan sécuritaire. Ce, sans évoquer l'absence de sa performance sur le plan politique ; notamment, concernant le processus de réconciliation nationale, la gestion de l'armée et la répartition équitable des ressources pétrolières. Celle-ci, qui est fortement contestée par presque toutes les composantes politiques du pays, risque de faire tomber le gouvernement de Nouri Al-Maliki. Dans ce contexte, les critiques américaines de ce dernier se multiplient, ce, alors que les appels à effectuer un changement global qui sortira le pays du goulot d'étranglement, deviennent de plus en plus nombreux. Pour tenter de calmer le jeu afin de reprendre son souffle, George Bush a insisté sur le fait que tout retrait n'aurait pas des répercussions catastrophiques sur l'Irak seulement, mais sur toute la région. Et plus particulièrement, sur les intérêts stratégiques des Etats-Unis, sa sécurité en premier lieu. Le président américain est allé plus loin pour défendre sa nouvelle stratégie, en montrant son intention de poser son veto sur toute décision de retrait d'Irak. Il estima que cette décision revient avant tout à l'état-major militaire qui dirige et gère cette présence militaire. Parallèlement, à Bruxelles, on affirme que la décision du retrait des troupes américaines du bourbier irakien est presque prise. Il suffit maintenant d'assurer une sortie par en haut, sans perdre la face ni les intérêts dans l'avenir. Dans l'entourage de Bush, on laisse comprendre que la stratégie du retrait ne dépend pas de ses échéances ni de sa gradualité. L'essentiel, c'est de ne pas se plier devant les exigences de l'Iran et de la Syrie en contrepartie des facilités accordées par ces deux Etats. Les grands joueurs irakiens et régionaux, alliés de Washington, estiment qu'il ne faut pas tomber dans le piège du rapport Baker-Hamilton. Car il n'y a pas un retrait américain honorable s'il est basé sur les compromis et les deals avec des Etats que Washington avait classé parmi ceux qui soutiennent le terrorisme. Dans cette foulée, certains dirigeants, des Républicains de l'administration et Démocrates du Congrès, tentent de trouver une issue pour assurer ce retrait qui fera économiser au Trésor 10 milliards de dollars par mois. Une responsabilité arabe Ce qu'ils veulent, c'est une sorte de «défaite honorable», permettant de sortir des sables mouvants de l'Irak. Ces mêmes dirigeants voient une possibilité de rendre ce retrait bénéfique pour brouiller à nouveau les cartes stratégiques et préserver l'image des Etats-Unis comme première puissance mondiale. L'issue honorable implique la participation des parties régionales et internationales au jeu. Ce, pour montrer que ce retrait est l'affaire de tous et non pas seulement des Etats-Unis. C'est ce qu'avait souligné l'ancien ambassadeur saoudien à Washington, le prince, Turki Al-Fayçal lors de son allocution dans le cadre du forum économique tenu au bord de la Mer Morte. Si les Arabes s'attachent à ce pays et interdisent son démantèlement, ils doivent accompagner ce retrait en jouant un rôle plus efficace et plus responsable. Ils ne doivent pas attendre ses résultats et ses retombées sur la région. Les Etats arabes voisins ne doivent pas réfléchir seulement comment se défendre après ce retrait, mais plutôt comment arrêter l'hémorragie en Irak. Ils doivent d'ores et déjà anticiper sur cet éventuel retrait, malgré les déclarations et les menaces de George Bush. C'est le devoir aussi de l'Organisation du Congrès Islamique, en plus des grandes entités, telles que l'Union européenne. Il faut agir avant que la loi sur le pétrole soit votée au Parlement. Et les richesses soient, par là, réparties inégalement. Une raison suffisante pour pousser à la partition définitive de l'Irak arabe. Le risque est énorme lorsqu'on sait que 80% des ressources et les réserves du pays se trouvent dans la région de Basra, proche des frontières avec l'Iran. Le seul obstacle devant ce grand voisin pour mettre la main dessus, c'est ce qui reste de la souveraineté irakienne. Le retrait américain dans le cadre d'une stratégie complète aura peut-être ses avantages qui dépassent de loin ceux souhaités par l'aventure mal calculée de George Bush. Le retrait des troupes d'Irak ne veut pas dire de toute la région. Car ces dernières peuvent se replier sur toutes les bases éparpillées dans la région du Golfe et ailleurs. En tout état de cause, le Pentagone est déjà dans cette logique. Le compte à rebours pour Bush et son équipe qui a déjà commencé, va accélérer le processus de retrait qui devra probablement commencer à partir de 2008, malgré les obstacles et les menaces d'une catastrophe.