La bourse est soulagée d'avoir limité la casse à quatre séances seulement. Elle est de nouveau entrée dans une phase de reprise, mais certains investisseurs déploient visiblement des moyens importants pour lui éviter le pire. Jusqu'à quand ces faiseurs de marché soutiendront-ils les cours ? Malgré trois séances de croissance consécutive, le spectre de la baisse plane toujours. L'évolution de la journée du jeudi montre que la place peut encore basculer d'un moment à l'autre. L'indice global avait en effet atteint une performance de 2,90% par rapport au niveau de clôture du mercredi. Mais entre 12h et 12h30, il a perdu l'essentiel de ses gains, pour ne plus afficher qu'une progression de 0,50% environ. Il faudra attendre la clôture pour que de faibles transactions sur les bancaires tirent la place de nouveau vers le haut. C'est dire que certains investisseurs ont bel et bien procédé à des prises de bénéfices non négligeables au cours de la journée. Cependant, les volumes continuent d'être très importants, témoignant tout de même d'une demande très forte. Ce sont 1,6 milliard de dirhams qui ont transité par le marché central. Et la BMCE Bank revient en force avec 760 millions de dirhams échangés. Deux journées auparavant, le constat était le même. Alors que la place avait ouvert en forte baisse, la demande a été très forte et l'action a pu ainsi inverser sa tendance. À la fin de la journée du mardi, plus de 1,120 millions de dirhams ont été cumulés toujours concernant la BMCE Bank. Certains analystes voient dans cette forte demande sur le titre, l'intervention de quelques acteurs, qui n'auraient pas intérêt à laisser tomber l'action. Et, ils doivent être nombreux dans ce cas. Car, la croissance forte qui a permis au cours de passer de 1500 à 3000 dirhams en l'espace de six semaines à peine, a attiré beaucoup de spéculateurs. Cette hypothèse est confortée par le fait que, depuis mardi 15 mai, séance pendant laquelle la reprise a commencé, la demande n'est forte que quand le titre commence à baisser. Et dès que la reprise est amorcée, elle s'estompe. C'est ce qui explique d'ailleurs qu'à chaque fois, les titres connaissent de fortes amplitudes de variations, mais finissent toujours sur une légère hausse ou une très faible baisse. Les autres titres s'y mettent. Par exemple, Attijariwafa Bank et la BMCI étaient en quasi stagnation, tout au long de la journée du jeudi, et finiront en légère progression, gagnant respectivement 0,40 et 1%. De même, la BMCE Bank qui se dirigeait vers une contreperformance de 1,80% se redressera pour ne perdre que 0,04%. Beaucoup d'observateurs estiment aujourd'hui que la plupart des actions cotées sont surévaluées. Et la BMCE Bank n'est pas la seule valeur pour laquelle beaucoup d'observateurs attendaient une correction. C'est aussi le cas des cimentiers et des autres valeurs bancaires. Les valeurs du bâtiment et des matériaux de construction ont connu la plus forte correction au niveau de la place, perdant jusqu'à 15% en moyenne entre le 8 et le 14 mai. Mais le fait est que la BMCE Bank n'aura cédé que 7,5% au terme des quatre séances de correction. Ce qui relance le débat sur le niveau de cherté de l'action en particulier et de la place en général. Une étude récente d'Attijari Intermédiation, selon la méthode des comparables boursiers, situe la valeur de l'action BMCE Bank autour de 1330 dirhams, contre 2775 dirhams aujourd'hui. Car la capitalisation de la BMCE Bank représente 5,1 fois les fonds propres de la banque en 2007, alors même qu'au niveau international, cet indicateur se situe autour de 2,5. Pour le CIH, selon la même analyse, le cours devrait baisser pour atteindre 222 dirhams contre 603 dirhams aujourd'hui. Celui d'Attijariwafa Bank aussi devrait baisser jusqu'à 200 dirhams. Seule la BCP ne devrait pas connaître une correction très sévère pour respecter les standards internationaux. C'est dire qu'une correction s'impose. Toutefois, comme la correction semble s'éloigner séance après séance, il reste peut-être l'hypothèse d'une forte croissance des fondamentaux des banques cotées. Dans les deux prochaines années, les fonds propres des banques devraient augmenter en moyenne annuelle de 28%, selon les analystes d'Attijari Intermédiation. Malheureusement, l'hypothèse parait quelque peu invraisemblable. Pour cela il faudrait par exemple qu'Attijariwafa Bank réalise un bénéfice de 4 milliards de dirhams et ne distribue aucun dividende la première année, pour la BMCE Bank ce serait 2,3 milliards de bénéfice. Or aucune de ces banques n'est proche d'un tel niveau de rentabilité. Malgré le caractère exceptionnel des réalisations d'Attijariwafa Bank en 2006, le bénéfice net n'a été que d'un milliard et celui de la BMCE Bank, 850 millions de dirhams. C'est dire que l'hypothèse d'une telle croissance relève plutôt de l'utopie. Un équilibre instable règne sur la place de Casablanca, ce qui veut dire qu'elle peut basculer d'un moment à l'autre. Les analystes, mieux placés que quiconque, multiplient les mises en garde. Leur parole n'est malheureusement pas suivie.