Wade a été réélu dès le premier tour grâce en partie à un bilan jugé positif. Il a dopé les infrastructures, investit dans la formation et fait avancer le problème de la Casamance. Mais, les Sénégalais attendent toujours des jours meilleurs. La vie y est de plus en plus chère. La nouvelle capitale qui leur avait été promise est toujours au stade de projet. L'électricité est rationnée. En 2000, un affrontement historique avait opposé Abdou Diouf, alors président sortant à Abdoulaye Wade. Au terme du deuxième tour, après avoir noué plusieurs alliances avec d'autres partis de l'opposition, Wade l'emporte. Avec Wade ont pris fin 40 ans de règne socialiste assuré par Senghor, puis Par Abdou Diouf. Le Sénégal aborde ainsi le nouveau millénaire avec un nouveau régime, mais surtout avec beaucoup de promesses. Sept ans plus tard, c'est encore Abdoulaye Wade, qui est réélu dès le premier tour, avec 55,8% des voix. Pourtant, la presse sénégalaise qui fait office de sondage tablait plutôt sur un second tour. Ou bien aucun de ses 14 rivaux ne faisait le poids devant celui que les Sénégalais appellent affectueusement «le Vieux» et qui est âgé de 81 ans. Ou bien son bilan était ce qu'il y avait de plus satisfaisant. La réalité est bien plus compliquée que ces deux hypothèses. Elles ne sont pas fausses, mais elles occultent aussi une partie de la vérité. Concernant les rivaux de Wade, il y a lieu de noter que sur les 14, trois étaient en mesure d'inquiéter le président sortant et candidat à sa propre succession. Il s'agissait d'abord d'Idrissa Seck, ancien Premier ministre de Wade et fils «politique de Wade». Bien plus jeune que Wade, Idrissa Seck, montrait trop ses ambitions de remplacer Wade. Il s'était notamment opposé à la candidature du fondateur du parti libéral. Du coup, il a été écarté. Ensuite Wade a recouru à une tactique très connue au Sénégal en le trainant devant la justice. Accusé d'avoir perçu des pots de vin dans l'attribution de l'un des marchés les plus importants du règne de Wade, il sera blanchi. Il s'agit de la reconstruction de la deuxième plus grande ville du pays, Thiès, à 70 kilomètres de Dakar et dont Seck est le Maire depuis cinq ans. Seck a pendant longtemps été considéré comme le véritable penseur de l'équipe de Wade, pendant qu'il était dans l'opposition et durant les quatre premières années de son règne. Extrêmement intelligent, il est tout de même trop prétentieux. Il aime à dire «qu'il est né pour gouverner le Sénégal». Le fait est que Beaucoup de jeunes ont épousé ses idées. Au terme de ces élections, Idrissa Seck a ainsi remporté plus de 14% des voix, devant même le candidat du Parti Socialiste. Ce dernier, Ousmane Tanor Dieng, qui a été l'auteur de déclarations peu diplomatiques sur la question du Sahara Marocain lors d'une récente visite en Algérie, n'a finalement pas eu l'approbation. Il comptait faire plaisir à l'Algérie, afin d'avoir des ressources pour financer sa campagne. Mais finalement, ces élections lui ont permis de se rendre compte que les Sénégalais en ont vraiment assez des socialistes. Ils n'ont pas pardonné à Abdou Diouf d'avoir été déconnecté de la difficile réalité dans laquelle vivait le Sénégal. Ils le font payer à ses successeurs, ce qui vaudra à Tanor de n'avoir recueilli que 13,5% des suffrages. Bilan lumineux Ensuite, le troisième prétendant qui avait ses chances est aussi un ancien président de Wade et plusieurs fois ministre d'Abdou Diouf. Il s'agit d'Abdoulaye Niasse, issu d'une famille de marabouts et qui trône à la tête de l'une des plus belles fortunes du pays. Mais lui aussi n'a pas réussi à convaincre les Sénégalais, malgré son expérience politique. Le bilan de Wade est-il aussi lumineux que le laisse apparaître sa victoire ? Les Sénégalais sont unanimes à le dire, Wade a réalisé en cinq ans bien plus que ce que Senghor et Diouf ont pu faire en quarante ans. Très ambitieux, il a considérablement renforcé le réseau routier sénégalais, reliant jusqu'aux villages les plus reculés. De plus, concernant la santé, il a lancé plusieurs programmes et le dernier en date est celui rendant les soins et les médicaments gratuits pour tous les Sénégalais de plus de 60 ans. Concernant l'éducation et la formation, Wade a construit plus de collèges et de lycées que n'avaient laissés ses prédécesseurs. Il est en train de donner un nouveau visage à la capitale, Dakar. De plus, l'un des problèmes auxquels Wade devait faire face, est le conflit Casamançais au Sud du pays. C'est sur la promesse de résoudre le problème de la Casamance en 100 jours, qu'il avait en partie était élu. Il a failli réussir même si le délai a été bien plus long. Il a rallié le plus grand opposant et partisan de l'indépendance de la Casamance à sa cause, à savoir l'abbé Augustin Diamacoune. Mais, le problème du Sud Sénégalais et bien plus complexe que pourrait le laisser croire ce ralliement. Plusieurs factions se discutent la représentativité. Vu sous cet angle, le tableau paraît trop beau. Car, force est de constater que pour beaucoup de Sénégalais, les choses sont allées de mal en pis. Près de 40% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins d'un dollar par jour. De plus, le taux d'analphabétisme est toujours à des niveaux alarmants avec plus de la moitié des Sénégalais. Pire encore, le niveau de vie est en baisse permanente et l'écart entre riches et pauvres ou entre Dakar et le reste du pays, se creuse jour après jour. Le Sénégal ne parvient toujours pas à sécuriser ses approvisionnements en énergie. Les coupures d'électricité sont monnaie courante. La seule société du secteur qui se charge à la fois de la production et de la distribution dans tout le pays, ne parvient pas à honorer ses engagements vis-à-vis de ses fournisseurs. Du coup, les vannes sont souvent fermées. De plus, rongée par la mauvaise gestion, la société ne parvien t pas à investir dans de nouvelles installations. Les anciennes, elles, tombent toujours en panne. Actuellement, le prix des denrées de première nécessité ne cesse d'augmenter et durant le dernier semestre, certains produits auraient subi une inflation de près de 60%. La plupart des Sénégalais vivent dans une misère qui les pousse à tenter leur chance vers l'Europe dans des cayucas, ces bateaux de fortune dont plusieurs ont déjà fait des centaines de mort durant ces deux dernières années. Les Sénégalais attendent toujours la nouvelle capitale que Wade avait promis de construire pour désengorger Dakar. Le nouvel aéroport qui devait ouvrir avant 2007 attend toujours la pose de la première pierre. Bien d'autres promesses telles que la construction de plusieurs universités, la modernisation de l'agriculture et surtout l'émergence d'une vraie industrie, peinent à être concrétiseés. Le Sénégal continue de vivre du commerce et des devises envoyés par les centaines de milliers d'émigrants que compte le pays. On est loin de 2000, et Wade a montré qu'à 81 ans, il a encore des leçons de politique à donner à ses concurrents plus jeunes.