La demande croissante de ressources limitées a incité à sonner l'alarme sur de graves pénuries qui menacent la planète en passe de vivre une véritable «guerre de l'eau». Les témoignages des experts du PNUD, Kemal Dervis et Trevor Manuel, mettent en garde contre la crainte d'une insuffisance d'eau douce face aux besoins d'une population en expansion rapide dans un monde en urbanisation accélérée. Le dernier rapport mondial de l'organisation onusienne sur le développement humain relance son SOS sur les menaces du stress hydrique et la pénurie d'eau qui guettent le globe où plus de 1,1 milliard de personnes continuent de vivre sans accès à l'eau potable. Plus grave encore, plus de 2 millions d'enfants en rupture de ressource propre ou de toilettes hygiéniques meurent chaque année. Les spécialistes s'en offusquent à telle enseigne qu'ils s'insurgent pour constater qu'il «n'existe pas objectivement de raison financière, logistique ou géographique pour que les pauvres n'aient pas suffisamment d'eau salubre pour répondre à leurs besoins humains fondamentaux. L'ingrédient manquant est la volonté politique». La volonté politique à l'épreuve Sitôt que Cap Town ait été le théâtre du lancement du programme du PNUD pour atténuer les effets de la crise mondiale de l'eau, que c'est au tour du Royaume d'en abriter le lancement officiel qui sera donné le 14 novembre au siège de l'organisation onusienne à Rabat. Ce qui fait de notre pays un détour obligé pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement caressant l'ambition de réduire de moitié la «fracture hydrique» à l'horizon 2015. Une cible qui ne serait pas atteinte pour 234 millions de personnes. Mais de fortes appréhensions subsistent encore sur le degré réel d'engagement des gouvernements partenaires du Programme dans cette voie. «Incontestablement, de nombreuses régions du globe font face à de graves pénuries d'eau, le problème pouvant être exacerbé par le réchauffement planétaire. Qu'il s'agisse du problème de l'eau ou de celui, plus général, du réchauffement climatique, le défi n'est pas, fondamentalement, une question de ressources agrégées, mais une question de priorités des dirigeants politiques au double plan national et international», mettent en garde les experts onusiens. Alors que, s'accordent-ils à convaincre les plus sceptiques des décideurs, «avec des investissements stratégiques et des politiques rationnelles, nous pouvons alimenter en eau les pauvres du monde entier». Autrement dit, le droit humain de l'eau pour tous est non seulement un slogan, mais une option parfaitement réalisable. A la condition que soient neutralisées «les variables intrinsèquement imprévisibles» perturbant les évolutions commerciales incitatives, les politiques et investissements publics ainsi que les innovations technologiques. Pour ce faire, un appel est lancé à tous les pays invités à finaliser leur plan national en la matière et à y consacrer, pour sa mise en œuvre, au moins 1% du PIB alors que l'effort consenti actuellement ne dépasse guère 0,5%. Autant que les puissances du G8 sont également conviées à inscrire la problématique de l'eau et de l'assainissement à l'ordre du jour du développement mondial en consentant une aide financière estimée entre 3,4 et 4 milliards de dollars. Le spectre des «guerres de l'eau» Le rapport mondial sur le développement humain ne fait pas mystère de la double menace pesant lourdement sur l'agriculture dans le monde : «les agriculteurs pauvres font face à une crise de l'eau potentiellement catastrophique en raison de la combinaison du changement climatique et de la concurrence liée à des ressources en eau rares». Non sans recommander, en urgence, de promouvoir les droits des pauvres en zones rurales en leur facilitant l'accès accru à l'irrigation ainsi qu'aux nouvelles technologies pour s'adapter aux changements climatiques. L'artisan de ce rapport, Kevin Watkins, a agité l'alerte maximum : «le plus grand défi qui nous attend réside dans la manière de gérer les ressources en eau pour répondre aux besoins alimentaires grandissants tout en protégeant l'accès à l'eau des personnes pauvres et vulnérables dans le contexte de la concurrence et du réchauffement climatique».Une mise en garde d'autant plus justifiée que pas moins de 830 millions de personnes souffrent toujours de la malnutrition dans le monde et dont la majorité est constituée par les petits agriculteurs, gardiens de troupeaux et ouvriers agricoles. Un cas de figure risquant de s'aggraver dans les quatre prochaines décennies avec une population mondiale supplémentaire de 2,4 milliards d'individus dont la plupart seront absorbés par les régions à forte concentration de personnes souffrant de la faim. En attendant, les experts internationaux s'interrogent encore sur un avenir aux contours incertains tant et si bien que la coopération transfrontalière peut basculer dans la paix comme dans la guerre. C'est le spectre des «guerres de l'eau» qui a tendance à reléguer au second plan la coopération bilatérale et multilatérale pour des politiques de gestion partagée de l'eau. Foi de Kevin Watkins qui hésite à trancher le verdict dans le Rapport mondial sur le développement humain : «la gestion de l'eau partagée peut mener à la paix comme à la guerre, mais c'est la politique qui la fera pencher d'un côté comme de l'autre».