Ecrite, composée et interprétée par Fathallah Lamghari, la chanson « Rijal Allah » fait partie du répertoire spirituel marocain. Inspirée des thèmes soufis et des rythmes Aissawi, elle convie les corps à la transe, à la danse extatique. "Allah ala raha », « Allah ikammal rjak », « Ya Allah ya rahim », « Wallah ma anta maana », « Rijal Allah»…le nom d'Allah, comme un leitmotiv, revient souvent dans les couplets de Fathallah Lamghari. « Je ne m'en suis rendu compte qu'après coup. Ca se passait à mon insu. ». Est-ce lié à sa ville natale, Fès la cité spirituelle aux innombrables sanctuaires, aux multiples Zaouias confrériques et aux mille et un minarets ? ou à ses ancêtres, adeptes de l'écriture soufie et descendants du Saint-Patron des Doukkala, Moulay Abdallah Amghar ? Né en1940, dès sa tendre enfance, il beigna dans ce climat mystique et artistique. Après le baccalauréat, obtenu en 1958, il rejoint l'école administrative pour finir cadre au BRPM (Bureau de Recherche Pétrolière et Minière), poste qu'il occupa jusqu'à sa retraite. En parallèle, il mena une intense activité créatrice. Sa carrière artistique peut se diviser en trois périodes : L'auteur : Il s'initia au début à l'écriture Zajal (voir encadré) • L'interprète : C'est l'époque de la connivence avec Abderrahim Sekkat où il nous offre les « Kass elballar », « Khsara fik ya ghrami », « Elli bnitou raad dah »… • Le compositeur : Avec la fréquentation des Ahmed Bidaoui, Abdessalam Amer, Mohamed Benabdessalam, Mohamed Fouteh…il finit par composer ses propres écrits dont « Rijal Allah ». Un refrain envoûtant « Les amis se sont absentés Partis, ils n'ont laissé que les larmes couler Depuis qu'ils nous ont quitté, ils ne sont plus revenus et moi, ô hommes d'Allah, je souffre… » La chanson débute par ce « Mawa » avant d'enchaîner avec le refrain sur un rythme aissawi endiablé. Suivent les autres couplets, entonnés entre Fathallah et les chœurs féminins et masculins. Et le morceau se conclut par un feu d'artifice explosif et la « Jedba » (transe) chère aux Lilas raves party des Issawa, Hmadcha, Jilala et autres Gnaoua. « Rijal Allah » invoque « les propriétaires du lieu » et célèbre l'amour de Dieu et celui de l'être. Mystique, confrérique et thèrapeutique , elle a de troublantes similitudes avec les envoûtantes danses d'Afrique et des Caraibes qui inspirèrent la techno, l'acid et autres house music contemporaines. Fathallah Lamghari, au cours de l'émission « filbali oughniatoun », évoque l'une de ses tournées en Algérie, « à l'ouverture d'un grand festival à Alger, à la salle Ibn Khaldoun, j'ai commencé par lire les paroles de Rijal Allah avant de les chanter. Une fois la lecture terminée, le public, en majorité des officiels, scandait Aid,aid (répéte , répéte)... Ce fut l'un des moments les plus émouvants de ma vie. ». Le lendemain de la soirée, on pouvait lire dans «Al moujahid», unique quotidien algérien de l'époque, « Rijal Allah et faenek ya lahbib, textes métaphoriques sur le rapprochement et la fraternité des peuples, ont été interprétés par Fethallah. Une voix saisissante pour des airs particulièrement séduisants ». Et si on écoutait pour une fois les artistes ?!