Les électeurs feront le tri entre la gauche démocratique avec sa voie propre, la gauche socialiste unifiée, la gauche momifiée, la droite inamovible, et l'extrême droite aux promesses menaçantes. Incontestablement, le Maroc est solidement installé dans la modernité, sans avoir renié un seul grain de son authenticité. Les prochaines élections convaincront définitivement les sceptiques, si, malgré l'utilisation du web ils restent de glace. Il est possible que le nombre des sceptiques se rétrécisse déjà, grâce au bouche à oreille que ne manquent pas de pratiquer les internautes. Avant de se pencher sur la question, il faut d'abord dissiper un nuage qui brouille quelque peu les écrans. Un grand nombre d'électeurs s'interrogent à propos des ministres - représentants qui ne solliciteront pas à nouveau leurs suffrages. Ils ne comprennent pas d'abord pourquoi les raisons de cette bouderie ne soient pas exposées sur le web, moyen reconnu pour son efficacité dans l'information de chacun et de chacune. Les commentaires vont évidemment bon train et ne sont pas toujours amènes. “Au revoir et merci”, disent les uns. D'autres affirment qu'ils répugnent à la promiscuité des listes, alors que les co-listiers ne demanderaient qu'à s'encanailler. La question la plus fréquente est de savoir si ces ministres - représentants qui s'abstiendront de se représenter voteront ou non. Il est impératif de mettre fin au doute, nécessairement par l'intermédiaire du web, pour que les électeurs et les électrices soient informés. On n'hésite pas à affirmer que si le doute persiste, il entraînerait un fâcheux malentendu. Ces encore ministres - représentants connaissent le processus électoral de l'intérieur, de par même leurs fonctions. Leur décision de ne pas se représenter risque d'être interprêtée comme une invitation à l'abstention. On voit bien qu'en quittant le navire après des décennies de galère ils peuvent renforcer le camp anti-démocratique. Ceci étant, il est juste de féliciter chaleureusement les initiateurs du web électoral, idée moderniste par excellence. Les passésistes auraient installé banalement des lignes téléphoniques gratuites. Cela aurait été contre productif. Un téléphone rose, par exemple. Les électeurs et les électrices n'en étant pas moins des hommes et des femmes, on imagine l'embouteillage des stantards, d'abord, et la déception ensuite. Au lieu de voix chavirées suggérant on ne sait quoi, ce seraient des promesses de relever le SMIG pour les hommes, alors que les femmes seraient interdites de coups conjugaux. Cela aurait incité le plus grand nombre à s'abstenir. Non, vraiment, le web est génial, avec déjà une petite incidence économique. Dans les villes, les cyber cafés qui perdaient leur clientèle la retrouvent, abondante. La modernité va de pair avec la curiosité civique. Il est impressionnant le nombre de chômeurs qui quittent ces lieux fouettés par l'espoir. Même ceux qui ne savaient pas sur quel pied danser semblent informés, désormais. Peu importe la nature du pas, ni qui est le maître de danse. Par ailleurs, il s'est avéré que le web électoral joue un rôle important dans le resserrement des liens familiaux. Les disputes sont de plus en plus rares pour choisir une chaîne ou un programme qui fasse l'unanimité. Ce consensus est légitimé par le désir de chacun et de chacune de connaître son avenir. Durant quelques semaines, le web électoral sera la voyante et la cartomancienne de tous les Marocains. Sans rien qui brûle dans le brasero. Cependant, il ne faut pas s'imaginer qu'il s'agit là d'un privilège réservé aux citadins. Les habitants des campagnes sont aussi bien lotis, tant il est vrai que les autoroutes de l'information franchissent même les pistes. On regrette de ne pas être reporter, pour rendre compte de certaines réalités qu'on peut malgré tout toucher du doigt, avec un peu de bonne volonté et d'imagination. C'est exaltant d'entrevoir l'image d'un berger avec un œil sur son troupeau paissant entre les pierres, l'autre rivé à l'écran de son portable relié à internet, cela va de soi. L'homme des douars qui n'a jamais connu l'école apprend avec émerveillement qu'après septembre prochain l'analphabétisme sera vaincu, qu'il n'aura qu'à appuyer sur un bouton pour que tout s'éclaire, que son âme trottera sur des chemins asphaltés et non plus sur des pistes cahotantes, et bien d'autres merveilles avec des courbes, des graphiques, des chiffres et des statistiques. L'homme des douars comme le citadin, grâce à la modernité, connaîtront enfin le bonheur virtuel. Pour cela, ils auront à choisir entre diverses tendances. Les électeurs feront le tri entre la gauche démocratique avec sa voie propre, la gauche socialiste unifiée, la gauche momifiée, la droite inamovible, et l'extrême droite aux promesses menaçantes. Malgré ces perspectives radieuses, étonnament ,l'éminent penseur Al Bidaoui, connu pour sa philosophie d'optimisme euphorique, commente, avec un rien de cynisme : “La misère mène à tout, à condition d'y rester” .