Si les chefs d'Etat et les hommes politiques arabes pèsent leurs mots quand il s'agit de parler de S.M le Roi Mohammed VI, reconnaissant toutefois qu'il représente un nouveau style de dirigeants, la jeunesse arabe, simple et spontanée, voit en lui, non seulement un symbole de modernisme, mais aussi le reflet de ses aspirations en début de ce troisième millénaire. Récit et témoignages de l'enquête, menée sur le terrain par La Gazette du Maroc. En marge de la conférence organisée en juin dernier par le “Centre Zayed pour les études stratégiques” sur le thème “ Le système régional arabe ”, le politilogue Raghid Solh, a soulevé en présence de ses collègues de l'Université d'Oxford, l'impact de l'arrivée au pouvoir de trois jeunes chefs d'Etat, en Syrie, en Jordanie et au Maroc. Sans trop s'attarder sur les détails des analyses concernant les deux premières personnalités, ces politologues ont fini par dire que le “Roi du Maroc a, en si peu de temps, relevé le défi de la réinvention de l'Etat”. Le cercle de cette discussion s'est rapidement élargi avec la participation de trois jeunes professeurs d'université émiratis. Le plus âgé d'entre eux, ayant à peine trente-quatre ans, titulaire d'un PHD en sciences politiques de l'université américaine de Yale, a abordé l'avenir du processus démocratique dans le monde arabe, ses chances d'aboutir, pour passer directement au cas du Maroc. Mohammed VI, dit-il, a fait preuve d'un courage exceptionnel dès les premiers jours, en montrant que “ la démocratie n'est au service ni de la société ni des individus, mais des êtres humains comme sujets ”. Il a ainsi barré la route aux “ théoriciens de la démocratie ” qui auraient voulu jouer cette carte pour s'imposer en force sur l'échiquier politique et l'utiliser comme menace permanente vis-à-vis de la monarchie. Pour ces professeurs émiratis, le Souverain chérifien a, en moins de trois ans de règne, réussi une transition complexe, mettant ainsi fin aux spéculations des uns et des autres aussi bien en Occident que dans le monde arabe. “ En dépit des problèmes socio-économiques de taille auxquels le Maroc est confronté, nous constatons que l'esprit démocratique est partout au travail ”, affirment ces universitaires et, de conclure: “Il faut que les surenchérisseurs de ce monde arabe comprennent une fois pour toute que le pouvoir du peuple ne signifie pas, pour les vrais démocrates, que le peuple s'assoit sur le Trône du Roi”. Car le pouvoir du peuple signifie la capacité pour le plus grand nombre de vivre librement. Si la réinvention de l'Etat et la sauvegarde de la démocratie ont fait l'essentiel des discussions échangées entre les universitaires d'Oxford et ceux de l'Université d'Abou-Dhabi, l'engagement de Mohammed VI en faveur des pauvres a été, en revanche, le principal sujet de débat entamé au sein de la Fédération des étudiants de l'Université égyptienne d'Aïn Chams. Sur ce point, Yassine Damanhouri, étudiant de gauche à la Faculté de droit, a tenu à préciser dès le début qu'il était anti-monarchiste. Mais cela ne l'empêcha pas de dire ce qui est “nouraallah” (c'est à dire la vérité). Cet étudiant de 24 ans, proche du parti “Al-Tajamoh” de Khaled Mohieddine, a indiqué qu'il a été impressionné par l'engagement sans faille du Roi du Maroc dans la lutte contre la pauvreté, en créant les institutions nécessaires et les instruments adéquats. “Il ne lui manquait que de créer la Banque des pauvres dans son pays pour devenir la seule et unique voie de ces opprimés dans ce malheureux monde arabe”. Ismael Hosni, un collègue de la même mouvance politique l'interrompt pour dire : “ S'il continue dans cette voie, nous allons finir par devenir monarchistes ”. La position de Jihane al-Khaouli, étudiante à la Faculté des sciences économiques de l'Université du Caire, est nuancée. Cette militante de la branche féminine de l'“ Organisation des Frères Musulmans ”, estime que le rôle du jeune Roi doit se concentrer plutôt sur les affaires de la Oumma. Et que la défense des intérêts des pauvres ne doit pas se transformer en un certain monopole, en l'absence et l'impuissance des associations concernées. Néanmoins, la jeune Jihane, née en 1983 à Assiout, précise : “Jazahou Allah Khairan”. N'est-il pas, après tout, qu'un descendant de Sidna Mohammed”. La future économiste indique, d'autre part, que S.M le Roi Mohammed VI, s'est attaqué à ce fléau qu'est la pauvreté, après le désistement des associations et les échecs successifs, dans ce domaine, des gouvernements qui ont géré l'Exécutif. Les autres étudiants qui ont assisté à ce mini-débat, initié par La Gazette du Maroc, ont fini par dire que l'engagement du Souverain Chérifien émane avant tout d'une conviction. Yassine Damanhouri, revenant à la charge, a dit qu'il n'oublierait jamais la photo du Roi Mohammed VI, recevant deux enfants très malades, des enfants de travailleurs marocains à l'étranger. “ Nous n'avons jamais vu ça de la part d'un autre chef d'Etat arabe”, a-t-il dit avec émotion. ABeyrouth, c'est le côté moderne, dynamique, cultivé et élégant du Roi Mohammed VI qui a attiré le plus la jeunesse libanaise. “ C'est à travers sa présence au dernier Sommet arabe dans notre pays, que nous avons connu le Maroc ”, souligne Abderrahman Khodr, jeune banquier, fils d'un grand avocat de la capitale. “ Cependant, il faut qu'il sache qu'il nous faut compter vingt deux jours pour obtenir le visa pour lui rendre visite ”, rappelle Georges Khoury, un ami de Khodr. Il poursuit en riant : “Je suis certain que Sa Majesté n'est pas au courant d'une telle mesure restrictive, lui qui aime le Liban et les Libanais”. C'est dans ce même ordre d'évaluation que deux jeunes femmes architectes ont donné un avis de femme sur le jeune monarque. “C'est un Roi, un vrai, nom de Dieu”. Avec cette phrase, Jacqueline Hitti a ouvert la discussion. “Il ne faut pas comparer l'incomparable”, dit-elle. Son élégance, son comportement, ses expressions, comme nous l'avons remarqué à la télévision libanaise et à travers les chaînes satellitaires à l'occasion de son mariage, reflètent le niveau très élevé de son éducation. Pour Rima Saab, le monde arabe a besoin de chefs d'Etat comme lui, jeune, dynamique, civilisé, pour changer notre image entachée, notamment en Occident. Pour cette deuxième architecte, apparemment plus politisée que la première, elle n'arrive pas à comprendre pourquoi les responsables algériens n'ont pas répondu positivement aux gestes du Souverain pour finir avec cette affaire de Polisario. “ Mon père, qui connaît bien le Maghreb, m'a assuré que le Sahara est marocain ; de là, je ne comprends pas l'attitude agressive des Algériens, c'est honteux de la part d'un pays arabe voisin ”. Les deux jeunes filles tiennent à affirmer qu'elles étaient très heureuses de voir un Roi de ce temps, se marier avec une fille du peuple. “ Il a prouvé que rien au monde ne peut faire obstacle au grand amour. Chapeau Mohammed VI ”. Dans le camp de Balata en Jordanie, la plus grande agglomération de réfugiés palestiniens, les jeunes travailleurs n'ont pas oublié la manifestation de Rabat qui a rassemblé plus d'un million de Marocains. “ Sans le feu vert du Roi Mohammed VI, cet énorme soutien à notre peuple, n'aurait jamais été possible ”, raconte, un maçon, Hassan Naboulsi, à ses cousins qui viennent de lui rendre visite en ce soir caniculaire d'août. Son père, assis à côté de lui, considère qu'il n'y a rien de surprenant dans cette attitude. La famille alaouite a, depuis feu Roi Mohammed V, assumé ses responsabilités et a fait ce qu'il fallait faire, pour défendre auusi bien les Lieux Saints que les cas légitimes de notre peuple. Mohsen Bsissou, notable de ce camp, qui s'est joint à la famille Naboulsi, a tenu à intervenir pour dire que les Palestiniens doivent beaucoup à cette monarchie éclairée qui, ne nous a jamais laissé tomber. Non loin de là, les jeunes partisans du courant islamique ne cachent pas leur fierté à l'égard de la position prise par le Souverain dans l'affaire de l'îlot Leila. “C'est un homme, Mohammed VI. Il vient de le montrer à ce monde arabe qui ne compte plus que des gonzesses” ; rétorque Abdel Hadi al- Zunaïbat, ingénieur dans une des plus importantes sociétés de BTP à Amman. Pour sa part, Jihad Abou Charif rappelle que les Frères Musumans jordaniens étaient les premiers à soutenir le Maroc contre les Espagnols colonialistes. “ Le Roi a raison. Nous sommes convaincus qu'il ne laissera pas Sebta et Mellilia entre les mains de ces Kouffars” ; et d'ajouter : “Il choisira le moment opportun, nous serons toujours à ses côtés, parce que c'est un homme courageux et juste ”. Sur l'affaire de l'arrestation des membres d'Al-Qaïda et les dérapages des membres de la Salifia Jihadiah, Cheikh Abdel Aziz al- Hindi, professeur de théologie à l'Université d'Amman, estime que seuls le Roi et les autorités marocaines compétentes sont aptes à prendre les mesures nécessaires pour préserver la stabilité du Royaume. Du côté du Golfe d'Al-Aqaba, lieu de rencontre de la grande bourgeoisie jordanienne et des fils des grands responsables, on ne partage pas les mêmes idées. Pour le fils d'un membre du gouvernement actuel d'Ali Abou al-Ragheb, qui a préféré garder l'anonymat, Sa Majesté, est allée trop loin en défiant les Espagnols qui font partie de l'Union européenne. Ce n'est pas de l'avis de Chihab al-Masri, 24 ans, lui aussi fils d'un dignitaire d'origine palestinienne, qui poursuit ses études à l'Université de Cambridge. Ce dernier estime que Le Roi Mohammed VI a bien fait d'oser et de revendiquer les territoires marocains occupés par l'Espagne. “C'est le moment où jamais de faire bouger les choses, surtout que Madrid négocie avec Londres, l'avenir de Gibraltar ”. Autre son de cloche, cette fois de Dima Khalaf, jordanienne de 21 ans, qui prépare un MBA en Finances à l'Université américaine de Beyrouth. Celle-ci estime que depuis son accession au Trône, le monarque marocain n'a pas fait un seul faux pas concernant les décisions stratégiques. Contrairement aux analyses établies par ses amis présents concernant l' “alignement” de Mohammed VI aux côtés des pauvres, “je pense, dit-elle, qu'il a tout à fait raison ” ; et d'ajouter : “je suis persuadée que les prochains mois vont lui donner raison ”. Dans ce contexte, Dima Khalaf, fille d'un richissime Jordanien, affirme qu'elle évite d'utiliser le mot visionnaire pour qualifier Sa Majesté. Mais, elle est certaine qu'il est conscient de l'impact dévastateur que peut avoir la mondialisation sur les pays en développement, le Maroc compris, et d'abord sur les populations pauvres.