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Le développement des provinces du sud à l'ordre du jour : Mission spéciale
Publié dans La Gazette du Maroc le 31 - 07 - 2002

Le Maroc est apparemment décidé à faire des provinces du sud un lieu de développement continu. Ainsi, après avoir annoncé la création d'une agence spéciale de développement des provinces du sud (ASDPS), lors de son discours du 6 mars 2002 à Laâyoune, S.M Mohammed VI vient de sceller le dispositif organisationnel et opérationnel de l'agence, lors du conseil des ministres tenu le 6 août à Tanger. Afin de faire la lumière sur les enjeux inhérents à cette nouvelle dynamique de développement, nous nous sommes entretenus avec Abdelatif Guerraoui, Wali de la région de Laâyoune Boujdour Sakia El-Hamra, gouverneur de la province de Laâyoune et directeur général de L'ASDPS. En homme de compétence, d'expérience et surtout de science, Abdellatif Guerraoui a eu l'amabilité de nous accorder cette interview exclusive dont voici des extraits .
La gazette du Maroc : S.M le Roi Mohammed VI a voulu propulser la politique de décentralisation en attribuant aux walis de nouvelles prérogatives. S'agit-il de la mise en œuvre du modèle américain de la gestion de la ville basé sur le “ city manager ” ? Et qu'en est-il de la mise en application de ses nouvelles attributions, particulièrement, dans la région de Laâyoune ?
Abdellatif Guerraoui : dans son discours à la Nation à l'occasion du 26 ème anniversaire de la Marche Verte, Sa Majesté le Roi a dit : “ dans ce contexte, Nous sommes déterminés à consolider la régionalisation, adoptant à cet effet une démarche de développement régional intégré, en vertu de laquelle la région ne se réduit pas à ses seules structures et dimensions administratives, institutionnelles et culturelles, mais constitue plutôt un espace propice au développement intégré, évoluant en synergie avec la région et pour la région ”. Cette vision de la régionalisation est moderne et sa mise en œuvre ne peut aboutir que si elle tient compte des spécificités régionales dans le cadre d'un plan de développement régional intégré.
Le plan de développement des provinces du sud s'appuie essentiellement sur la promotion du secteur de la pêche en mer, l'élevage,
le tourisme, l'artisanat, le commerce et l'exploitation rationnelle des richesses minières. Parallèlement, il est prévu d'accorder tout l'intérêt qui se doit à l'éducation, la formation, la culture et l'environnement, toujours en synergie avec le développement économique et l'emploi des jeunes.
La préparation de ce plan de développement intégré des provinces du sud a fait l'objet de consultations aussi larges que transparentes avec les populations de la région et tout ce qu'elle compte comme élus, administrations, partis politiques et syndicats, société civile ...
Toujours dans le cadre des nouvelles attributions des Walis, ces derniers sont considérés comme de véritables promoteurs socioéconomiques notamment par l'encouragement des investissements. Qu'en est-il de la concrétisation de ces directives spécialement dans la région de Laâyoune ?
Lors de la séance de travail présidée par S.M le Roi Mohammed VI, le 20 novembre 2001, Sa Majesté nous a défini de nouvelles attributions. Les Walis ont désormais non seulement la mission mais aussi les moyens
(les CRI) d'encourager l'investissement en procédant effectivement à une simplification des procédures administratives. Les tracas administratifs sont les principaux freins à l'investissement.
Je rappelle que le Centre régional d'investissement qui sera mis en place incessamment dans la région de Laâyoune Boujdour Sakia El Hamra, sera un outil efficace pour promouvoir les investissements et donc la création d'emplois.
En ce qui nous concerne, je peux vous préciser que la région de Laâyoune Boujdour Sakia El Hamra présente des potentialités économiques importantes. On peut citer les gisements sectoriels comme la pêche (importance de la production des espèces à haute valeur ajoutée commerciale), le tourisme, les mines, l'élevage, l'artisanat et le commerce; une disponibilité à court terme des terrains, des exonérations fiscales et une qualité des infrastructures de base. Vu ces caractéristiques, les investisseurs viennent prospecter cette région en vue d'étudier et réaliser des projets.
A chaque fois que nous recevons des investisseurs, nous leur exposons ces potentialités en les invitant à prendre part au processus de développement lancé par SM le Roi lors de sa visite dans cette région les 1er et 2 novembre 2001. Plusieurs investisseurs et opérateurs économiques sont déjà en place en train d'étudier les possibilités d'investir. Parmi les sociétés qui sont intéressées par l'investissement dans la région de Laâyoune Boujdour Sakia El Hamra, je cite le groupe Alfa Laval, la société MIFA, le groupe suédois “ Swede Fish ”, et le groupe norvégien Astia. Je rappelle que certains d'entre eux ont assisté aux travaux des journées d'étude sur le développement des provinces du sud.
Quel bilan socioéconomique pouvez-vous dresser de la région de Laâyoune Boujdour Sakia El Hamra ?
Depuis le 27 juillet 2001, date de nomination des Walis, le Souverain a demandé un rapport dans les 60 jours qui suivent faisant le diagnostic et listant les mesures à prendre pour le développement de leurs régions. Le diagnostic établi de la situation de la région de Laâyoune, Boujdour Sakia El Hamra et notamment de la province de Laâyoune fait ressortir l'existence d'importantes potentialités économiques et humaines qui ne sont pas mises en valeur à cause des goulots d'étranglement.
La région de Laâyoune Boujdour Sakia El Hamra s'étend sur une superficie d'environ 77.892 km2, soit 11 % du territoire national. Sa population est estimée actuellement à plus de 220.000 habitants dont 90 % en milieu urbain. La plus grande proportion de cette population (80 %) est concentrée dans la seule ville de Laâyoune.
L'insuffisance d'infrastructures économiques a engendré un taux de chômage élevé (25%) dont 10.000 jeunes. La pression du chômage a donné naissance à l'instauration d'une économie basée sur la gratuité et sur l'assistanat.
Mais, il faut dire que la région recèle un important gisement de richesses qui sont insuffisamment exploitées et mises en valeur. En effet, la disponibilité des terrains et les exonérations fiscales font que cette région dispose de fortes potentialités économiques et sociales sans équivalent.
A cela s'ajoute la qualité des infrastructures de base existantes. En effet, 82% des habitants bénéficient actuellement du raccordement au réseau d'eau potable et 92% au réseau d'électricité. Le taux de scolarisation est de 97%. Ces chiffres restent supérieurs aux moyennes nationales. Par ailleurs, les deux réseaux de communication téléphonique Itissalat
Al Maghrib et Méditel couvrent toute la région. D'autres efforts ont été consentis dans les domaines de construction de routes, de ports (le port d'El Marsa se trouvant à 25 kilomètres de Laâyoune et qui pourrait devenir, outre un port de pêche et d'activités commerciales, un véritable port touristique vu son emplacement géographique), d'aéroports (l'aéroport international Hassan 1er situé à quelques kilomètres de la ville de Laâyoune) et d'établissements de santé et d'enseignement et autres équipements sociaux.
Concernant le tourisme, la région de Laâyoune dispose d'un nombre important de sites touristiques potentiellement exploitables qui constituent par là même, une réserve naturelle et paysagère liée à ses spécificités géographiques et climatiques. En matière d'infrastructures touristiques, la ville de Laâyoune dispose aussi d'un certain nombre d'hôtels et d'une corniche longue de onze kilomètres entièrement équipée et qui constitue un atout pour encourager la construction d'autres hôtels avec la participation de sociétés de gestion internationales.
D'autre part, la région dispose d'une lagune dite de Naïla située sur le littoral atlantique à 70 km au nord de Tarfaya. Le programme de sauvegarde de cette réserve consiste à créer un parc national dans lequel on introduit les espèces qui ont disparu comme la gazelle du Sahara et l'autruche. Il consiste aussi à cultiver dans cette réserve, des plantes qui s'acclimatent facilement avec la nature aride du désert et dont les grains seront semés dans d'autres endroits pour valoriser les pâturages. Autour de cette réserve seront aménagés des sites semblables pour développer l'écotourisme sachant que cette réserve est la plus grande lagune marocaine, elle couvre une superficie de 6.500 ha et constitue un site d'intérêt biologique et écologique classé en première priorité d'intervention par l'étude nationale sur les aires protégées.
Afin de promouvoir le développement de la région et conformément aux hautes directives royales, une stratégie de développement économique et social est mise en œuvre et c'est cette stratégie de développement qui a été exposée lors des journées d'étude sur les provinces du sud organisées le 18 Juillet 2002.
Il est à rappeler que la Province de Laâyoune connaît depuis plus de 8 mois une activité économique en évolution. En effet, lors de sa visite à Laâyoune les 1er et 2 novembre 2001, Sa Majesté le Roi a inauguré plusieurs projets économiques et sociaux notamment la construction d'une centrale électrique de 155 MW, le doublement de la station de dessalement de l'eau de mer, l'extension du port de Laâyoune, l'extension de la halle aux poissons de Laâyoune, un programme important d'habitat (les logements d'Al Aouda dont l'objectif est de loger les habitants du campement Al Wahda et El Aïdine, la construction de villages de pêche et de logements réalisés par la Promotion Nationale) et autres projets miniers et sociaux.
On doit noter le lancement au cours des derniers mois d'un système de formation en matière de pêche et dans les métiers de construction et de bâtiment. Ces projets vont générer la construction de 15.600 logements (Al Aouda: 6.400, villages de pêcheurs: 6.000, Promotion Nationale: 3.250) et 2.140 lots de terrains dans le cadre du programme Madinat Al Wahda. En matière d'emploi, on a recensé jusqu'au mois de juin 2002, plus de 1.700 opportunités d'emplois et 770 personnes ont été embauchées (sans intégrer l'opération Najat Maritime en cours de finalisation et qui va concerner 1.100 jeunes). En somme, 12.800 emplois seront générés par les projets économiques et sociaux en cours de réalisation dans la Province de Laâyoune.
Concernant le secteur des pêches, la stratégie suivie est mise en œuvre par la formation-insertion de 6.000 jeunes, la création d'une unité de construction de barques et la construction et l'aménagement de 6 villages de pêcheurs. Ce programme entre dans le cadre du contrat-programme signé entre le ministère des pêches maritimes et la wilaya de la région de Laâyoune Boujdour Sakia El Hamra le 7 janvier 2002.
Quel est le rôle de l'Agence pour le développement des provinces du sud et quelles sont ses compétences, son organisation, ses moyens, sa stratégie ?
De nos jours, plusieurs pays ont fait appel à la création d'agences et ce pour développer une région qui doit rattraper le niveau national ou éviter le dépeuplement.
Le Maroc a fait un essai depuis 1996 avec la création de l'Agence pour la Promotion et le développement économique et social des préfectures et provinces du nord du royaume.
Pour ce qui est de l'Agence pour le développement des provinces du sud, il faut rappeler que lors de sa visite historique dans ces provinces,
S.M Mohammed VI a prononcé un discours historique le 6 mars 2002 à Laâyoune dans lequel Sa Majesté a décidé de créer cette Agence. Sa création entre dans le cadre du processus visant à doter toutes les régions du Royaume des moyens d'une gestion démocratique, décentralisée et déconcentrée de leur propre développement. Elle marque la sollicitude particulière que Sa Majesté le Roi réserve aux provinces du sud.
Il faut dire que le programme et les réalisations de cette Agence dépendront des moyens humains et matériels mis à la disposition de celle-ci. On peut cependant avancer quelques objectifs structurants :
• Constitution d'une banque de données des neuf provinces du sud;
• Création d'un site web qui sera mis à la disposition de tous les organismes et personnes qui peuvent s'intéresser à l'une des neuf provinces du sud ;
• Etude sectorielle des richesses et potentialités: la pêche, le tourisme, l'élevage, le commerce, l'artisanat, l'environnement…. en précisant pour chaque secteur les points forts et les points faibles;
• Etude comparative des réalisations existantes ;
• Constitution d'une banque de projets à réaliser et leur diffusion auprès des investisseurs potentiels;
• Etude des zones industrielles existantes et amélioration de leur développement ;
• Création d'outils d'analyse ;
• Création d'équipes multidisciplinaires harmonisées intégrant les élus, l'administration, les offices, le secteur privé pour tester les hypothèses de base et accompagner les grands investissements.
Comme vous l'avez remarqué, les journées d'études et d'information organisées le 18 juillet dernier ont abouti à des recommandations qui peuvent être traduites en des projets définis dans le temps et l'espace et qui constitueront les composantes d'un programme de base de développement économique et social intégré des provinces du sud.
Je dois rappeler que ces recommandations émanent des élus, des chambres professionnelles, des différents départements ministériels et des offices. Il est à noter qu'un CD comportant toutes les composantes du programme de développement économique et social intégré des provinces du sud est édité à cette occasion et constituera le point de départ des travaux de l'Agence pour le développement des provinces du sud.
L'Agence est un outil parmi d'autres qui sera mis à la disposition des provinces du sud qui en font la demande. Elle répondra, chaque fois si possible, aux demandes et agira comme CONSEIL ET ASSISTANT d'abord, et plus si possible.
En ce qui concerne l'organisation de l'Agence, ses compétences et ses moyens, je dirais que comme tous les établissements publics, ces éléments seront précisés dans une loi qui sera publiée prochainement au bulletin officiel.
Quelle est votre lecture du champ politique marocain à la veille des élections en septembre 2002, surtout en ce qui concerne l'adoption d'un nouveau système électoral (RPSL) et la mobilisation de tous les acteurs politiques (monarchie, partis politiques, société civile, acteurs économiques, intellectuels…) ?
Les prochaines élections sont d'une grande importance pour le Maroc . Elles sont les premières que va connaître le Maroc sous le règne de SM le Roi Mohammed VI. L'important débat qu'ont connu les deux chambres du Parlement à ce propos et les différentes discussions entre le gouvernement et les acteurs politiques dénotent de l'importance de ces échéances électorales. Ceci dit, un consensus national est acquis autour de ce processus électoral.
Monsieur le Wali, les journées d'études sur le développement des provinces du sud ont abouti à des recommandations, pouvez-vous nous dire lesquelles?
Comme vous le savez, les journées d'études sur le développement des provinces du sud sont organisées suite aux directives royales contenues dans son discours du 6 mars 2002 à l'occasion de la création de l'Agence pour le développement des provinces du sud. La préparation de ces journées est faite en étroite coordination avec les élus, les partis politiques et les syndicats, les départements ministériels et les établissements publics, la société civile et les médias.
Ces journées ont été présidées par le Premier ministre, en présence de vingt ministres, des walis et gouverneurs des provinces du sud, des parlementaires, des élus, des partis politiques, des directeurs généraux des établissements publics, les représentants des différents départements ministériels, les groupements professionnels et les représentants de la société civile. Après la séance d'ouverture marquée par le discours du Premier ministre et celui du ministre de l'Intérieur, les participants ont effectué une tournée sur les chantiers initiés par la Wilaya de Laâyoune Boujdour Sakia El Hamra.
Les travaux de ces journées ont eu lieu au sein de plusieurs ateliers dont la presque totalité a été présidée par les ministres. Ces ateliers ont porté sur:
1 La pêche,
2L'aménagement du territoire, l'urbanisme et l'habitat,
3 L'éducation nationale et l'enseignement,
4La formation, l'emploi et le développement social,
5 Les infrastructures,
6L'agriculture, les eaux et forêts,
7Le commerce, l'industrie et les mines,
8 Le tourisme,
Après d'intéressantes discussions, les différents ateliers ont dégagé 163 recommandations qui ont été présentées lors de la séance de clôture.
Parmi ces recommandations, on peut citer l'encouragement de l'investissement dans le secteur de la pêche, l'activation de l'aménagement des sites et la construction de villages de pêche ainsi que l'aménagement d'infrastructures socio-économiques aux alentours de ces villages, la lutte contre l'habitat insalubre, le soutien des programmes d'habitat, l'institution d'une école d'ingénieurs dans le domaine de la pêche, la création d'un lycée d'enseignement technique suivie dans le futur, de la création de plusieurs BTS adaptés au besoin de l'emploi dans la région, la création de classes préparatoires pour les grandes écoles, le soutien du tissu associatif, l'activation de la mise en place des infrastructures routières, portuaires et relatives au domaine de l'eau et de l'électricité ainsi que les infrastructures touristiques .


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