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Entretien avec l'ancien Premier ministre du Liban, Salim Al Hoss : « Nous saluons les réformes que connaît le Maroc, initiées par le Roi Mohammed VI, et les pays arabes ont intérêt à suivre le modèle
En marge de sa participation à la 17 ème édition du Congrès Nationaliste Arabe qui a eu lieu dernièrement à Casablanca, le docteur Salim Al Hoss, qui a assumé à cinq reprises la présidence du gouvernement libanais, a accordé un entretien exclusif à La Gazette du Maroc. La Gazette du Maroc : Commençons par Casablanca. Quels sont les résultats de la 17ème édition du Congrès nationaliste Arabe ? Salim Al Hoss : Evidemment, le Congrès a discuté des différentes questions qui concernent la nation arabe ces derniers temps d'un point de vue nationaliste, notamment la question de la Palestine et celle de l'Irak sans oublier les questions du développement, des libertés et de la démocratie dans le monde arabe. A ce propos, je tiens à saluer les réformes qu'est en train de vivre le Maroc actuellement au niveau de la politique et des droits et qui sont initiées par le Roi Mohammed VI. Ce pays a su comment se réconcilier avec lui-même en tournant les pages du passé et en aspirant à un avenir meilleur basé sur le pluralisme, la démocratie et la participation au pouvoir sans élimination. Les pays arabes ont intérêt à suivre le modèle marocain qui fait l'objet d'une estime internationale. En ce qui concerne la situation arabe actuelle, le gouvernement Hamas, élu démocratiquement, souffre de nombre de difficultés qui consistent en les pressions subies de tous les Etats et en quelque sorte d'un boycott arabe. Comment commentez-vous cette situation ? Cette situation est étrange et malsaine. Malsaine pour les Etats qui ont pris l'initiative du boycott du gouvernement Hamas qui est arrivé au pouvoir suite à des élections démocratiques en accord avec ce que demandaient les Etats Unis et l'Occident. La situation est malsaine aussi pour les régimes arabes qui ne se sont pas précipités pour sauver l'Autorité palestinienne et lever l'embargo qui pèse sur elle. Il est étrange qu'un Etat puissant du calibre des Etats Unis et la société universelle qui appellent à la liberté et à la démocratie dans le monde arabe, tandis que malheureusement il s'est avéré que Washington ne voit en la démocratie que les urnes. A notre sens, la démocratie est un régime, une culture et en conséquence une pratique. L'Amérique a établi des urnes en Irak. Des élections ont eu lieu dont les résultats n'ont pas servi ses intérêts et dont elle a failli ne pas reconnaître les résultats. Elle a aussi établi également des urnes par le biais de l'Autorité palestinienne en prétendant qu'elle a pu introduire la démocratie en Palestine et avant elle en Irak. Nous avons dit que ceci n'est pas vrai, parce que la démocratie ne peut exister sans liberté. Où est donc la liberté sous l'occupation que ce soit en Palestine ou en Irak ? Dans les deux cas, il ne peut y avoir de démocratie saine. Et pourtant, un scrutin a eu lieu en Irak ainsi qu'une opération démocratique en Palestine grâce à une surveillance internationale, et tout le monde a confirmé que ces élections ont été correctes. Toutefois, Israël, et les USA derrière elle, ainsi que les grands Etats et la société universelle, en général, ont réfuté ces élections en prétendant que le gagnant en est un «mouvement terroriste». Je ne vois là que balivernes, reniement de la démocratie, confusion de critères et ostentation quant à l'appel à la liberté. Nous comprenons à travers vos propos que, lors du Congrès Nationaliste Arabe, vous reconnaissez implicitement les élections qui ont eu lieu en Irak bien qu'elles se soient déroulées sous l'occupation. En fait et d'un point de vue pragmatique nous devons agir vis-à-vis d'une réalité résultante des élections irakiennes, mais cela ne veut pas dire que c'est une opération démocratique en raison du fait qu'elle s'est déroulée sous l'occupation. L'occupation gouverne tout dans ce pays. En conséquence, il ne peut y avoir de pratique de démocratie sous les forces de l'occupation. Passons maintenant à la question libanaise. Vous avez créé, avec nombre de personnalités et de forces libanaises, «La Tribune de l'Unification Libanaise» ou ce qu'on désigne par la «Troisième force». Qu'est-ce qui en a résulté et quel est le rôle que vous interprétez actuellement? Nous avons créé ce qu'on appelle la troisième force d'abord parce que nous considérons l'unification nationale comme étant la première cause et la plus importante au Liban. L'identité de l'unification a rejeté toutes les questions et les problématiques que traite la société libanaise, puisque les questions et les problèmes, au cas où ils existent, se résolvent par la démocratie. Et si l'unification existe, les dangers qui menacent le pays de l'extérieur n'auront pas d'effet. Moi, je suis parmi ceux qui croient qu'un petit Etat comme le Liban a pu affronter la plus grande puissance du monde grâce à son unification nationale. Ceci peut être appliqué à toute la nation arabe et à tout autre pays au monde. L'Amérique, l'Etat puissant, il n'y a pas de doute que c'est l'Etat le plus puissant au monde de par ses capacités militaires, financières et économiques ainsi que de par son influence politique et diplomatique ; et pourtant, on doit rappeler que la dernière fois que les Etats Unis d'Amérique ont remporté une victoire sur le plan international remonte à l'année 1945 ; et c'était une victoire qui représentait un point noir dans l'histoire de l'administration américaine, puisqu'elle n'a été remportée que suite à la lancée de bombes atomiques sur les villes de Hiroshima et Nagasaki, ce qui est considéré comme étant un acte terroriste puisqu'il ne distingue pas entre civil et militaire, entre armé et désarmé, ni entre criminel et innocent, ni entre femme, enfant et vieillard. Et malgré le caractère barbare de cette victoire et bien qu'elle soit la dernière de l'Amérique, cette dernière intervient, depuis, dans tous les endroits du monde et a toujours échoué. Ceci a commencé avec la guerre de Corée qui a pris fin avec deux Corées.. S'il s'agissait d'une victoire américaine, cela aurait pu se terminer avec une seule Corée unifiée. L'Amérique s'est engagée dans la guerre du Vietnam et s'en est tirée humiliée. Elle est intervenu par des débarquements militaires directs dans différents pays de l'Amérique Latine et quelques pays de l'Europe où il y avait des problèmes et également en Afrique et en Asie. Elle a effectué un débarquement direct aussi au Liban au cours des années de la sale guerre civile qui a duré 15 ans où il y avait un débarquement militaire aux alentours de l'aéroport de Beyrouth. Et quand ces forces ont été l'objet d'un grand bombardement, elles se sont retirées tout humiliées. De là, l'Amérique n'a pas marqué une seule victoire et elle a dernièrement attaqué l'Afghanistan et elle y sombre toujours ; elle est entrée en Irak et elle ne sait pas encore comment s'en sortir. Aussi faut-il se demander à propos de cet échec. Comment un Etat puissant économiquement, politiquement et militairement devant des peuples faibles ? Le secret, c'est l'unification nationale. Et moi je dis que le Liban, quand il jouissait de son unification et quand il était uni autour du projet de la résistance, a pu libérer les territoires du sud de l'occupation des forces israéliennes et ce, sans reconnaître l'Etat sioniste et sans signer absolument aucun accord ou aucune réconciliation avec Israël. On a dit que le décret 425 est épuisé, mais personne n'a eu l'avantage de réaliser ce décret excepté la résistance. Or la résistance a été soutenue par le peuple libanais tout entier. Par conséquent, c'est l'unification du peuple libanais qui a vaincu la plus grande puissance du Moyen-Orient, Israël, et derrière elle la plus grande puissance du monde, les Etats Unis d'Amérique. Ultérieurement, le décret 1554 a été promulgué pour inciter, entre autres, à la dissolution des milices de Hizbollah et a fait éclater une crise au Liban dont ce dernier traîne les séquelles jusqu'à nos jours. Bien que ce décret soit promulgué par les Nations Unis depuis 19 mois, il n'est pas épuisé, quitte à ce que le président américain, George Bush, ne laisse jamais échapper une occasion sans insister sur la nécessité de l'application du décret en question de façon urgente, alors que ce même décret n'a pas été appliqué à cause de l'unification de toutes les composantes du peuple libanais et son adoption de la résistance, malgré l'existence de certains qui appellent à la dissolution de cette même résistance qu'ils lient à la résolution du problème des fermes de Chabâa. Ceci confirme l'intérêt de l'unification du peuple, parce que l'unification nationale soutient la résistance à tout projet destructeur et colonialiste ; et le peuple palestinien est un excellent modèle à ce propos, puisque malgré les longues années de l'occupation et bien qu'il soit presque désarmé face à l'arsenal destructeur israélien, toutes les composantes du peuple sont unies pour défendre ses droits légitimes. Regardez ce qui se passe en Irak qui a pu présenter au monde la résistance la plus rapide de l'histoire et qui fera de l'occupation américaine la plus brève en son genre. Cette résistance est même en voie de détruire la force américaine, ce qui rendra cette dernière incapable de répéter le scénario irakien. La combativité de la résistance irakienne résulte de l'alliance de toutes les composantes du peuple et grâce à l'unification nationale. Aussi l'unification nationale est-elle le secret des petits peuples. A partir de là, nous avons créé, au Liban, «La Tribune de l'Unification Nationale», désignée laconiquement par « La Troisième Force». Vous parlez du dossier de la résistance nationale au Liban ; certaines voix, en leur tête le député druze, Walid Junbulat, ont appelé au désarmement de la résistance considérant que le conflit autour des fermes de Chabâa peut être résolu paisiblement. Qu'en dites-vous ? S'il était possible de résoudre la question des territoires occupés au Liban, pourquoi cela n'a pas été fait auparavant, avant qu'Israël ne sorte du sud libanais, vaincue par la force des armes de la résistance, ce qui a fait du Liban la forteresse dressée contre cette occupation et qui a émancipé les territoires du Liban sans signer la moindre convention de reconnaissance, de paix ou de réconciliation avec Israël, malgré les pressions pratiquées sur le Liban et la Syrie ? De là, si on suivait la Syrie, le sud du Liban aurait dû rester occupé. Et ceci est une réponse aux Libanais qui se demandent pourquoi le Liban doit rester le seul front arabe brûlant, tandis que le Golan est passif depuis 1973. Aussi peut-on dire que c'est la Syrie qui suit les pas de la résistance libanaise et du Liban. De ce fait, la considération du désarmement de la résistance et de la négociation de la libération de façon paisible est réfutée de notre part au sein de «La Troisième Force». Concernant les fermes de Chabâa, d'aucuns prétendent qu'on ne sait pas à qui appartiennent-elles, au Liban ou à la Syrie, d'autant plus que cette dernière ne reconnaît pas par écrit l'appartenance de ces terres au Liban? La reconnaissance est une question de temps. La Syrie a tranché cette question lors de la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone quand l'ex-ministre des affaires étrangères syrien, Farouk Acharaa, avait confirmé cette question à son homologue libanais Najib Mikati, avant de prononcer son discours lors de la conférence en question. Quelques semaines après, le président Bashar Al Assad a prononcé un discours dans lequel il a dit que les fermes de Chabâa ne sont pas syriennes. En plus de ça, le Liban dispose des documents qui confirment l'appartenance de ces terres aux fermiers libanais, sans oublier que ces terres sont enregistrées dans le registre immobilier à Saïda, la capitale du sud ; Et pour ce qui est des armes palestiniennes dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban ? Tout le monde est pour le désarmement au Liban ; quant à l'armement au sein des camps, on est unanime sur le contrôle des armes par les organismes palestiniens en accord avec les autorités libanaises. Or les camps des réfugiés palestiniens sont toujours exposés aux agressions israéliennes, et les forces libanaises s'avèrent incapables de les défendre. Un écrivain allemand a fait allusion à l'implication d'Israël quant à l'assassinat de Rafik Al Hariri, quelle est votre attitude à ce propos ? Ces déclarations sont dangereuses et nous en avons toujours doutées. Or nous avons préféré attendre que les enquêtes prennent fin pour dire notre mot. Mais cet auteur allemand a mis le point sur le rôle éventuel d'Israël dans ce crime dont fut victime Al Hariri. Cette évolution est dangereuse, et nous ne pouvons la rejeter. Quelle est votre attitude vis-à-vis du gouvernement libanais actuel dirigé par Fouad As-Sanioura ? Malgré les difficultés qu'il rencontre, nous souhaitons du succès au chef à As-Sanioura et son gouvernement. Le pays est plus déchiré que par le passé au niveau des magistratures. La séparation s'avère encore plus profonde à propos des questions politiques. Le gouvernement est égaré dans ce sens, et son efficacité s'avère inexistante quant aux questions qui ont trait à la vie des gens et à leur sécurité. Nous souhaitons le succès à ce gouvernement bien que nous soyons convaincus de son inefficacité jusqu'à maintenant. Ce qui m'a amené à poser cette question ce sont les déclarations de Michel Aoun qui reproche au gouvernement d'avoir fêlé la coalition libanaise et d'avoir entamé la formation de milices qui en dépendent pour disloquer le régime sécuritaire préalable. Je ne crois pas que le gouvernement libanais soit capable de cela de façon préméditée. Toutefois, il est incapable de faire face à ces évolutions dangereuses. Hizbollah est armé en tant que résistance ainsi que d'autres franges de la société, et le gouvernement est incapable de faire face à cette réalité comme s'il y avait des milices qui se créent à nouveau. Et pourtant, nous n'avons pas de crainte pour la paix dans ce pays étant donné que ces manifestations ne sont que des réactions vis-à-vis d'une réalité donnée bien qu'elles soient injustifiées. Les craintes du retour de la guerre civile n'ont donc pas lieu d'être ? Je pense ainsi, étant donné que les tendances des citoyens ne vont pas dans ce sens. Je crois que la situation ne va pas éclater à nouveau, puisque la grande puissance armée dans ce pays qu'est la résistance incarnée en Hizbollah n'a pas intérêt à tirer une balle sur un autre Libanais, parce que dans ce cas, il perdra sa légitimité basée sur le fait que ses armes sont dressées uniquement contre Israël. Que pensez-vous du fait que le président Emile Lahoud occupe toujours son poste au palais de Baâbada ? Avant de répondre à la question à propos de mon attitude, on doit chercher la solution. La tribune de «La troisième Force» avait proposé au président Lahoud de se déclarer prêt à se démettre de ses fonctions devant un nouveau conseil législatif élu à base d'une loi électorale à même de changer la structure politique. Et nous avons conçu des mesures pour une nouvelle opération électorale qui n'a absolument jamais existé, et ce par la détermination d'un plafond financier au cours des opérations électorales, afin qu'elles ne soient pas monopolisées par les détenteurs de capitaux. En conséquence, si cette loi avait existé et des élections avaient lieu dans quatre mois, il serait probable que dans six mois, le président Lahoud aurait pu se présenter devant le nouveau conseil élu. Si le gouvernement actuel et le président de la république avaient accordé cette proposition, nous aurions pu nous passer des problèmes que connaît aujourd'hui le pays. Ceci dit, Emile Lahoud avait accepté, au début, cette proposition avant de la rejeter ultérieurement en justifiant son attitude par le fait qu'il ne peut pas accepter la défaite sous des pressions. En tant que «Troisième Force», on espérait persévérer dans ce dessein pour préserver la stabilité du Liban. Mais malheureusement, on ne s'est pas mis d'accord sur la proposition en question. Le problème, actuellement, est un différend personnel ou comme vous le désignez au Liban par l'expression « cassage d'os » entre la présidence et le gouvernement. Personnellement, je considère que la question de la présidence est finie et que le président Lahoud a vaincu ses adversaires, et il reste encore pendant une année et demi au pouvoir jusqu'à la fin de son mandat. Ce qui reste à discuter, c'est la question des armes de Hizbollah. Et moi je pense que c'est une question stérile dont les négociateurs n'arriveront à aucune décision positive. Comment est-ce que vous prévoyez la situation du Liban et son avenir ? Si vous voulez dire par l'avenir le plafond temporel d'une année à une année et demi jusqu'à la fin du mandat d'Emile Lahoud, moi je nourris l'espoir le grand espoir de la formation d'un nouveau gouvernement de coalition à même de décréter une nouvelle loi électorale permettant une nouvelle opération électorale anticipée qui puisse donner naissance à une nouvelle structure politique et une catégorie politique gouvernante, et là, je parle de l'avenir prévu dans une année ou une année et demi. Mais au cas où vous parlez d'un plafond temporel qui varie entre cinq et dix ans, je suis très optimiste pour l'avenir du Liban. Au cas où il arrive à dépasser les difficultés actuelles, le Liban sera un pays prospère dans la région arabe, puisqu'il a pu affronter toutes les vicissitudes dans les pires circonstances et éviter l'effondrement. Comment est-ce que vous interprétez la situation arabe actuelle ? La situation est lamentable. La Ligue arabe est inefficace malgré la présence d'un secrétaire général distingué qui est monsieur Amr Moussa. Or quels que soient les efforts du secrétaire général de cette organisation, il n'est pas possible d'avancer à cause de la divergence des positions et l'inexistence d'une vision arabe commune vis-à-vis des différentes questions qu'affronte la nation. Tout chef d'Etat arabe a son propre agenda. L'Irak est occupé, et il n'y a aucun chef d'Etat arabe qui évoque l'expression «occupation américaine» remplacée par « les forces multinationales » ou « les forces interalliées ». Le peuple palestinien, toujours sous embargo, est quotidiennement agressé de façon humiliante, et pourtant, personne n'ose intervenir pour le sauver, malgré les ressources financières arabes importantes dans la période actuelle. Enfin, monsieur Al Hoss, vous présentez quelques traits de similitude avec le défunt Premier ministre du Liban, Rafik Al Hariri, dans la mesure où vous avez commencé tous les deux de rien et vous êtes tous les deux issus d'un milieu social pauvre, pour devenir Premier ministre. Ne craignez-vous pas une menace comme celle qui l'a fait tuer ? Déjà en 1984, j'ai été la cible d'une tentative d'assassinat qui s'est soldée par un échec. Mon chauffeur y a perdu la vie ainsi que d'autres personnes... Pour répondre à votre question, je suis croyant et je ne crains pas mon destin. Après tout ce parcours, je ne crains plus rien. Traduit de l'arabe par Mohamed Hamzat Photos : Mustapha Bahouali