La fête du travail de cette année se déroule dans un contexte particulier marqué par non seulement le chantier de la réforme constitutionnelle mais aussi par la réussite du round printanier du dialogue social. Le gouvernement s'est évertué autant que faire se peut à trouver un terrain d'entente avec les partenaires sociaux avant le 1er mai. L'Exécutif s'en félicite ainsi que les centrales syndicales qui nuancent, néanmoins, leur satisfaction pour pouvoir relancer les autres points du cahier revendicatif qui restent en suspens. Pour la première fois, depuis l'institutionnalisation du dialogue social, un accord est signé en grande pompe, noir sur blanc, entre le gouvernement et ses partenaires sociaux et économiques. Dans l'entretien qu'il a accordé au Matin, le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Jamal Rhmani, affiche sa satisfaction des résultats obtenus tant au niveau du secteur public que privé. Il estime que le dialogue pour qu'il soit efficace doit être sincère et mené de bonne foi et au-delà des pesanteurs et des enjeux conjoncturels qui entravent parfois son déroulement. Le responsable gouvernemental tient à souligner que l'actuel round s'est élargi à toutes les questions qui sont au cœur des préoccupations des partenaires sociaux et des citoyens, indiquant que le gouvernement a la ferme détermination d'aller de l'avant et de poursuivre cet élan en gardant à l'esprit la nécessité de se pencher davantage sur les préoccupations du « Maroc d'en bas ». Car, dit-il, il y va de la réussite des grandes réformes politiques, constitutionnelles et institutionnelles récemment lancées. Le ministre reconnaît que l'enjeu de répondre aux attentes sociales des uns et des autres est de taille, précisant qu'il faut l'appréhender dans le cadre d'une approche participative prônant les valeurs du dialogue et de la démocratie. Par ailleurs, en ce qui concerne la promotion de l'emploi des jeunes, le ministère a préparé une nouvelle génération de mesures. Celles-ci s'articulent en général autour de deux axes majeurs d'intervention : l'insertion directe par le biais de l'emploi salarié et l'auto-emploi ainsi que l'amélioration de l'employabilité par l'adaptation des profils des chercheurs d'emploi aux besoins des entreprises via des formations complémentaires. Quelques mesures à caractère urgent ont été retenues par la commission « Emploi », issue du comité de veille stratégique. Il s'agit notamment de l'amélioration du Contrat/Insertion par l'intégration de la couverture sociale ; l'intégration professionnelle et le dispositif régional de promotion de l'auto-emploi. LE MATIN : Le 1er mai de cette année se déroule dans un contexte particulier. Comment le gouvernement compte-t-il apaiser les tensions sociales ? JAMAL RHMANI : Nul besoin de rappeler que la question sociale est au cœur des préoccupations des pouvoirs publics. Je pense même que ces préoccupations sont en pleine interaction avec la dynamique que connaît le Maroc. Dans ce cadre nous gardons toujours à l'esprit le Discours de Sa Majesté le Roi prononcé en 2001 et qui a placé la question sociale au premier plan des priorités de notre pays. Ces préoccupations se sont traduites par l'ouverture de plusieurs chantiers au cours de ces douze dernières années. On en citera la réforme de notre système de formation et d'éducation, la mise en place de l'AMO dont l'extension aux travailleurs indépendants et à d'autres catégories de travailleurs, constitue aujourd'hui un véritable défi sans oublier le grand chantier de l'INDH, la lutte contre l'habitat insalubre, l'amélioration des revenus des populations à faibles revenus et la question de la lutte contre le chômage. Nous ne devons donc pas nous tromper de cible. C'est des réponses que nous saurons donner aux doléances et aux attentes affichées dans le domaine social que dépendra notre succès pour gagner le pari et répondre efficacement aux attentes et construire, ensemble, pouvoirs publics, partenaires sociaux, société civile, partis politiques, un Maroc digne de son histoire et de sa grandeur, un Maroc de justice et d'équité tant voulu par Sa Majesté le Roi. Faut-il le souligner, ce ne sera pas une mince affaire. Le défi est de taille. Il faut l'appréhender dans le cadre de l'approche participative qui a toujours été la mienne en tant que ministre de conviction socialiste épris comme vous le savez des valeurs de dialogue et de démocratie. C'est dans cet esprit que nous avons donc toujours œuvré en faveur de l'implication et la participation de toutes les parties par le biais du dialogue social et des mécanismes de la démocratie sociale. Ce dialogue pour qu'il soit efficace doit être sincère et mené de bonne foi et au-delà des pesanteurs et des enjeux conjoncturels qui en entravent parfois le déroulement. Nous venons une fois de plus, dans le cadre du round du dialogue social qui vient de se terminer, de donner, tous ensemble, un bel exemple de l'efficacité et de la pertinence de cette approche participative que connaît le Maroc. Avant qu'il ne soit repris le 4 avril, le dialogue social a été interrompu pendant de longs mois. Cela ne s'est-il pas répercuté sur les relations avec les partenaires sociaux ? Le dialogue social est un processus qui s'inscrit dans la continuité et la durabilité. Il ne peut, de ce fait, et pour quelque raison que ce soit, être interrompu. Dans mon département il n'a jamais connu, comme vous le dites, un gel car nous travaillons chaque jour avec nos partenaires. Si, par moments, il semble présenter des signes de lenteur en raison des difficultés d'aboutir à des solutions consensuelles à toutes les questions qui lui sont soumises, le dialogue social continue et se poursuit d'une manière ou d'une autre et reste toujours, du moins en ce qui nous concerne, en mode « allumage ». Cet opératoire permet souvent de mieux mûrir les solutions envisageables pour certains dossiers épineux. On vient d'en avoir encore une fois la preuve tangible et irréfutable. Ce qu'il faut retenir de l'expérience de la pratique de la concertation sociale au Maroc, c'est qu'il n'y a souvent pas de brouillerie ou de conflit entre les partenaires sur le choix du dialogue social en tant que mécanisme de renforcement de la démocratie sociale. Les divergences qui surgissent, parfois, s'expliquent essentiellement par des contraintes objectives compréhensibles. Ces divergences sont toujours gérées dans un esprit d'ouverture et de responsabilité. Mais le plus important réside dans la conviction de tous de la nécessité de poursuivre le dialogue et c'est grâce à cet esprit et à cette volonté résolue de faire du dialogue social un instrument privilégié de mise en œuvre de notre stratégie dans le domaine social, que nos relations avec les partenaires sociaux demeurent toujours sereines, constructives et, après tout, transparentes. L'institutionnalisation du dialogue social à l'échelon national par la mise en place de rounds de dialogue a beaucoup favorisé cet esprit et je ne peux que m'en féliciter. J'en profite pour saluer, à cette occasion, la classe ouvrière et tous les syndicats pour le rôle qu'elle joue avec dévouement et abnégation, dans la diffusion et la conservation des valeurs et principes de citoyenneté et dans le renforcement de la justice sociale. Pour le secteur privé, ce round du dialogue social a été axé principalement sur la revalorisation du SMIG. Les négociations dans le cadre de l'actuel round du dialogue social ne se sont pas limitées à la seule question de revalorisation du SMIG. D'autres questions ont également fait l'objet de négociations tout au long de ce round. J'en citerai, à titre d'illustration, la revalorisation de la pension minimale de retraite, le logement social des salariés à bas revenus, la promotion des services sociaux au sein de l'entreprise, l'indemnité pour perte d'emploi, l'extension de la couverture sociale et médicale gérée par la CNSS aux catégories non couvertes ( marins pécheurs, les professionnels du secteur des transports) et la ratification des conventions internationales, dont notamment la convention n° 87 sur la liberté syndicale et la ratification de la convention 102 sur la sécurité sociale. Outre les résultats auxquels on a abouti, d'autres mesures d'accompagnement sont également prévues. Il s'agit de l'appui au maintien de la compétitivité de l'économie nationale pour attirer davantage d'investissements et permettre la création d'emploi au profit notamment des jeunes ainsi que le maintien du pouvoir d'achat des citoyens par l'augmentation des crédits alloués à la Caisse de compensation (15 milliards de Dhs en plus des 17 milliards qui lui sont déjà affectés). On note aussi l'orientation vers la généralisation du régime d'assistance médicale au profit des démunis avant la fin de décembre 2011 ; l'appui aux catégories vulnérables en matière de logement social et de services sociaux de base ; la mise en œuvre d'une nouvelle génération des mesures de promotion de l'emploi favorisant l'insertion professionnelle des jeunes diplômés ; la promulgation des textes d'application du code du travail ( loi sur les conditions de travail des salariés domestiques, loi sur les conditions de travail des salariés exerçant des activités ayant un caractère essentiellement traditionnel, loi cadre sur la santé et la sécurité au travail). La réforme de la mutualité figure également parmi les mesures d'accompagnement. Autant dire que l'actuel round s'est élargi à toutes les questions qui sont au cœur des préoccupations des partenaires sociaux et des citoyens. Nous avons l'intention d'aller de l'avant et de poursuivre cet élan en gardant à l'esprit la nécessité de se pencher davantage sur les préoccupations du « Maroc d'en bas ». Il y va de la réussite des grandes réformes politiques, constitutionnelles et institutionnelles lancées par Sa Majesté le Roi dans son Discours Historique du 9 mars dernier. La garantie des libertés syndicales est l'une des doléances des centrales syndicales. Comment le ministère veille–t-il à faire respecter ce droit qui est plusieurs fois bafoué ? Reconnaissons d'abord que le Maroc dispose d'un cadre juridique et institutionnel très favorable à la promotion et à l'application effective des principes de la liberté syndicale tels qu'ils sont édictés par les conventions internationales. Le code du travail a repris dans ses différents articles l'ensemble des dispositions de la convention 87 de l'OIT sur la liberté syndicale et de la convention 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective. Pour assurer le respect des droits syndicaux dans la pratique, l'inspection du travail a la possibilité, conformément au code du travail, de relever les cas de violation qu'elle aurait constatés en établissant des procès verbaux qui font foi devant les juridictions compétentes. Les syndicats eux-mêmes disposent du droit d'ester en justice en cas de violation des droits syndicaux et peuvent faire librement usage des procédures de réclamation et de protestation devant le comité de la liberté syndicale de l'Organisation internationale du travail. Cela étant, le ministère organise régulièrement des rencontres de sensibilisation de tous les acteurs sur les questions des libertés syndicales et du droit d'organisation et de négociation collective. Pas moins de trois rencontres ont été organisées cette année sur la question. Un atelier sur la liberté syndicale a été organisé en collaboration avec le Conseil national des droits de l'Homme, un autre atelier sur la liberté syndicale dans le secteur agricole a été organisé dans le cadre de la coopération avec le BIT, une troisième rencontre est organisée récemment sur la question en collaboration avec le Bureau du BIT au Caire. De surcroît, un programme de formation des délégués des salariés a été réalisé à Agadir en 2010 et un autre programme de formation des délégués des salariés dans la région de Meknès est également programmé dans le cadre de la coopération avec la Fondation Friedrich Ebert Stiftung. Je voudrais rappeler, à ce sujet, l'orientation retenue dans le cadre du dernier round du dialogue social visant à ratifier la convention 87 de l'OIT et la révision de l'article 288 du code du travail et je citerai ici également le projet de loi sur les syndicats professionnels. Où en êtes-vous en ce qui concerne les 20 mesures en faveur de l'emploi proposées par la CGEM ? Suite aux propositions de la CGEM relatives au pacte national de l'emploi englobant 20 mesures pour promouvoir l'emploi, plusieurs réunions ont eu lieu entre le Gouvernement et les représentants de cette organisation pour examiner la faisabilité desdites mesures. De même, le ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle, compte tenu des premières évaluations des programmes de promotion de l'emploi en cours (IDMAJ, TAEHIL, MOUKAWALATI) depuis 2010 des recommandations des membres du Conseil supérieur pour la promotion de l'emploi et compte tenu de l'expérience de terrain des agences de l'ANAPEC en matière de prospection des opportunités d'emploi et de rapprochement entre l'offre et la demande de travail, a préparé une nouvelle génération de mesures visant à promouvoir l'emploi des jeunes (19 mesures). Ces propositions de mesures ont été examinées lors de journées de réflexion organisées avec l'ANAPEC au niveau régional et local et ont été également discutées à l'occasion des réunions tenues récemment. Ces mesures s'articulent en général autour de deux axes majeurs d'intervention : des mesures visant l'insertion directe par le biais de l'emploi salarié et l'auto emploi ainsi que des mesures visant à améliorer l'employabilité par l'adaptation des profils des chercheurs d'emploi aux besoins des entreprises via des formations complémentaires. Elles ont été également présentées à la commission « Emploi », issue du comité de veille stratégique, qui a recommandé de retenir deux ou trois mesures à caractère urgent et ciblant les diplômés chômeurs difficilement insérables. il s'agit du dispositif d'amélioration du Contrat Insertion par l'intégration de la couverture sociale et du dispositif d'Intégration Professionnelle (CIP) qui a pour objectif de permettre aux candidats ayant de grandes difficultés d'insertion d'accéder à un premier emploi et aux entreprises de répondre à leurs besoins en compétences via une formation adaptation des profils aux postes à pourvoir . Une troisième mesure est relative au dispositif régional de promotion de l'auto emploi visant l'amélioration du dispositif de financement de l'auto emploi au niveau local. Notons ici que l'Etat compte assurer et prendre en charge les frais de formation de la couverture sociale et de l'AMO. Quant au reste des mesures, il est envisagé de poursuivre leur examen et de les inscrire dans le cadre d'une feuille de route pour la création de l'emploi et dans laquelle seraient impliqués différents partenaires pour approfondir la réflexion sur les politiques actives de l'emploi et plus particulièrement la question de l'adéquation formation emploi afin de répondre efficacement aux attentes des jeunes et aux besoins de l'entreprise. Par Jihane Gattioui | LE MATIN www.lematin.ma