La promesse du président Zine El-Abidine Ben Ali de quitter le pouvoir à l'issue de son mandat en 2014, annoncée jeudi soir 13 janvier à la télévision, ne semble pas avoir calmé les esprits. Vendredi, les manifestations hostiles au pouvoir se poursuivaient dans le centre de Tunis ainsi que dans plusieurs villes de province, après plus d'un mois d'émeutes dans l'ensemble du pays. "Non à Ben Ali", "Soulèvement continu, non à Ben Ali", crient les manifestants, qui n'ont pas été inquiétés par les policiers. "Le ministère de l'intérieur est un ministère de la terreur", "hommage au sang des martyrs" ou encore "non aux Trabelsi [la belle-famille du président] qui ont pillé le pays", scandent également les manifestants. A la mi-journée, l'agence de presse Reuters estimait à 5 000 le nombre de manifestants, notamment de nombreux avocats, rassemblés devant le ministère de l'intérieur. La foule, qui a gonflé tout au long de la matinée, a été bloquée un moment par un cordon de policiers avant de pouvoir défiler devant le ministère de l'intérieur, placé sous forte protection. Dans sa troisième intervention depuis le début d'un mois d'émeutes inédites en vingt-trois ans de pouvoir, le président Ben Ali s'est engagé jeudi soir à partir au terme de son mandat, en 2014, et a ordonné la fin des tirs à balles réelles contre les manifestants. Les troubles et leur répression ont déjà fait au moins 66 morts dans le pays, selon une ONG. "Je vous ai compris", a martelé à plusieurs reprises le chef de l'Etat, âgé de 74 ans. Il a également annoncé une baisse des prix du pain, du lait et d'autres produits et services alors que la révolte avait commencé par des protestations contre le chômage et la vie chère avant de prendre un tour politique. GRÈVE PROGRAMMEE Une grève de deux heures restait toutefois programmée vendredi dans la région de Tunis à l'appel du syndicat unique et des internautes et étudiants se sont aussi mobilisés pour le maintien de rassemblements dans la journée. Les avocats sont également en première ligne dans les manifestations. A Sidi Bouzid (sud-ouest), d'où est parti le mouvement de contestation, 3 000 personnes ont défilé aux cris de "Ben Ali dehors". A Regueb, une localité proche, 700 personnes aussi ont lancé des slogans hostiles au chef de l'Etat et ont dressé des tentes Place 7 novembre (date de l'arrivée au pouvoir de M. Ben Ali en 1987) qu'ils ont rebaptisées le lieu "Place des martyrs". A Kairouan (centre), des marcheurs ont crié "Ben Ali dehors", de même qu'à Gafsa, dans le sud-ouest. Les sites Internet qui étaient bloqués en Tunisie étaient de nouveau accessibles jeudi soir, peu après la promesse du président de garantir "la liberté totale" de l'information et de l'accès au Web. "Il ne suffit pas de déverrouiller Dailymotion et de Youtube pour tourner la page, trop de sang a coulé", a lancé l'animateur d'une émission matinale sur Radio Mosaïque, une radio privée. Source : www.lemonde.fr