Par El Houssain ABOUCHI Faculté de Droit Université Cadi-Ayyad (Maroc) [email protected] Contexte : Presque plus de 40 ans après les indépendances des Etats maghrébins, le problème de la démocratie, au-delà, celui de la recherche et l'instauration d'un Etat stable, et d'un système politique ayant l'accord de toutes les composantes politiques et sociologiques, est à l'ordre du jour. · Si la décennie de 1990 a pu laisser percer quelques lueurs de l'espoir quant, au dépassement de l'autoritarisme et à l'apparition d'un discours politique qui fait références aux droits de l'Homme, l'Etat de droit, et à la promotion de la société civile. Il n'en reste pas moins que le passage au multipartisme à l'alternance du pouvoir par les instruments de la démocratie représentative sont demeurés fragiles, les élections biaisées par les interventions de l'appareil juridico-politique - prônant en tour plébiscitaire pour le pouvoir (les présidentielles en Tunisie) ou contrôler et orienter par ce dernier (les élections législatives et locales au Maroc). · Toutes ces données, montrent que l'instrument électoral n'a pas encore acquis une valeur - norme référentielle, qui permet de légitimer le pouvoir politique et de dépasser la crise de la représentativité dans les pays du Maghreb. · En effet, plusieurs aménagements institutionnels vont donc viser à remédier à la crise des systèmes politiques en Afrique du Nord, et la distance apparue entre l'Etat et la société. Ces aménagements concernent surtout les politiques et les normes électorales : la nature juridique, le statut, les pouvoirs des organes chargés d'organiser les élections, les garanties procédurales pour le déroulement normal et régulier du scrutin, la nature et le mode de contrôle de la régularité et de la fiabilité des résultats. Problématiques · Une bonne gouvernance de la politique électorale, basée sur l'efficacité, la neutralité, la transparence et la sincérité de vote peut-elle restituer les rapports entre l'Etat et la société dans les pays du Maghreb ? · Dans quelle mesure la bonne gouvernance des politiques électorales peut favoriser la consolidation des institutions garantes de l'Etat de droit et de la démocratie représentative, et permettre aux acteurs sociaux et politiques de participer à l'élaboration des stratégies de développement ? 1. Fondements et conditions d'une bonne gouvernance de la politique électorale Quels sont les éléments constitutifs d'une bonne gouvernance de la politique électorale dans les pays du Maghreb ? a) Pacte national : Dialogue et réconciliation · Déclaration exprimant un projet de libéralisation politique et l'adhésion de tous les acteurs dans un processus de réconciliation et du dialogue et de négociation : « Pacte démocratique en Tunisie » après 1987, « déclaration commune » entre les partis politiques, les pouvoirs publics au Maroc 1997, le référendum sur la « concorde civile » en Algérie 1999. · Redéfinition par l'opposition de nouvelles perspectives stratégiques qui évacuent définitivement l'option putschistes (la Gauche au Maroc, les islamistes en Tunisie et en Algérie). b) Nouveau cadre institutionnel Réformes constitutionnelles : consécration du pluralisme et instauration de règles de jeux politiques portant sur les modalités concurrentielles des élections (Algérie et Maroc réformes constitutionnelles de 1996, Tunisie réformes de 1997). Nouvelles règles de la politique électorale : entre 1990 et 2004 des modifications importantes ont été apportées aux lois électorales : le code électoral marocain 17 mars 1997 et les modifications de 2002 - code électoral tunisien de 1993 et les modifications de 1999... · Ces lois électorales ont instauré les conditions de l'exercice de droit de vote et les conditions de l'organisation matérielle des scrutins dans le cadre de la transparence, la sincérité, l'égalité et le pluralisme, à l'exception du droit électoral tunisien qui révèle une conception autoritaire de la démocratie. Ce nouveau cadre politique et institutionnel peut être considéré comme l'annonce des changements des pratiques politiques. 2. Gouvernance des pratiques électorales : « Elections comme les autres » Est-ce que les élections organisées surtout au Maroc (élections législatives 2002) et en Algérie (présidentielles 1999 et 2004) sont « des élections comme les autres » et sont-elles des élections fondatrices ? a) Processus électoraux concurrentiels et libres · Opérations électorales dans un contexte de transition : transition du Trône au Maroc 1999, « la concorde civile » en Algérie 1999... · Efforts déployés par les autorités publiques en terme de mise en ordre et d'organisation du scrutin (la garantie de la sincérité de vote des électeurs, la transparence, l'impartialité de l'administration, garanties de la fiabilité des résultats de vote, garanties judiciaires ...). · La participation de la société civile dans le contrôle des opérations électorales et dans la mobilisation de la population, au Maroc et en Algérie. · Rapports des observateurs nationaux et internationaux : Elections « libres », « pluralistes », « égalitaires », « honnêtes » et « sincères »... Elections comme les autres. b) Elections fondatrices Les élections organisées entre 1999 et 2004 en Algérie et au Maroc présentent un caractère fondateur, dans la mesure où elles nous permettent de saisir les nouveaux enjeux et les modes de régulation sociaux-politiques introduits par une bonne gouvernance de la politique électorale. Ce caractère fondateur se manifeste dans : · La mise à l'épreuve de nouveaux systèmes de justification et de légitimation de l'Etat dans le cadre d'un pluralisme contrôlé. · La régulation de la circulation des élites politiques et la communication entre ces élites et le reste de la population dans un espace communicationnel contrôlé. · La consécration institutionnelle du pacte national, de réconciliation et du dialogue entre les acteurs politiques. · La libéralisation du système et l'ouverture du jeu politique, ce qui permet aux acteurs sociaux et politiques de participer à l'élaboration de la stratégie du développement et à la décentralisation des ressources matérielles (potentielles de l'exercice du pouvoir) et la décentralisation dans leurs distributions. · L'organisation de la mobilisation partisane dans le cadre d'un espace politique d'autonomie limitée. · Déligitimation des acteurs qui croient encore dans la violence comme mode d'accès au pouvoir. La bonne gouvernance de la politique électorale est une condition naturelle et nécessaire mais insuffisante pour la démocratisation. Cette dernière, doit être consolidée par un système judiciaire indépendant, d'une administration non partisane, d'un système de partis fort et efficace, une socialisation politique basée sur la participation et la citoyenneté, et une stratégie du développement durable. Source : www.francophonie-durable.org/documents/colloque-ouaga-a5-abouchi.pdf