Le dopage est vieux comme le sport, on en parlait déjà pendant les "Jeux Olympiques de l'Antiquité". En cyclisme, on connaît le dopage depuis 1880 ; et le fait qu'il existait déjà un cyclisme professionnel à l'époque n'est pas dépourvu d'intérêt. Par ailleurs, à cette époque, le dopage était considéré comme plus ou moins normal. Dans d'autres professions difficiles, des produits stimulants étaient également utilisés afin de pouvoir résister aux efforts physiques et les cyclistes étaient considérés comme des travailleurs, à égalité avec les autres. Comme l'écrivait récemment le Prince de Mérode dans la "Revue Olympique", le dopage est une pratique établie dans le sport moderne. Cela va des amphétamines, apparues après la seconde guerre mondiale, dans le cyclisme et de l'oxygène vers 1910 pour les footballeurs à la strychnine pour les boxeurs ; Ensuite, vint le triméthyle dans les années '50 et les anabolisants en haltérophilie dans les années 60, jusqu'à l'EPO dans la plupart des sports d'endurance dans les années 90, en passant par le dopage en intraveineuse en athlétisme et en natation. Les sports précités ne sont que des exemples et n'ont pas l'exclusivité des produits mentionnés. Plusieurs facteurs ont stimulé la pratique du dopage dans le sport, notamment le fait que le sport (de haut niveau) lui-même, surtout par la télévision, a acquis une très grande importance. Le sport en l'an 2004, aussi regrettable que cela puisse l'être, n'est plus le sport de 1900. En 1900, le sport était encore, en général, le privilège de l'élite qui pouvait s'offrir le luxe de vanter le sport comme porteur de principes moraux et éthiques supérieurs : "l'important n'est pas de gagner mais de participer". Dans le sport actuel (de haut niveau), nous n'en retrouvons plus trace : il s'agit de gagner et de décrocher des médailles et nous y travaillons tous d'arrache-pied ! Les athlètes eux-mêmes, qui font du sport leur profession (et nous ne pouvons pas leur reprocher), les dirigeants qui ne soulèvent aucune objection au nombre de médailles gagnées pendant les Jeux Olympiques par exemple ; d'autres dirigeants qui rivalisent sans merci pour s'octroyer le veau d'or des droits de TV, en rendant leur sport le plus spectaculaire possible et, "last but not least", la presse qui sanctifie aujourd'hui les héros sportifs. Tout cela, c'est la réalité et elle est irréversible. On peut rêver avec nostalgie des années 1900 et déplorer que "l'important soit devenu de gagner et non de participer" mais autant regretter l'époque des diligences ! Si les véritables principes de base du sport ont évolué de manière irréversible en plus de 100 ans, nous ne pourrons échapper à la remise en question des fondements de notre gestion et donc aussi de la lutte contre le dopage. Nous pouvons continuer à crier haut et fort que le "fair-play" est un principe absolu de la pratique du sport mais la réalité est que nous n'avons pas vraiment réussi, en pratique, à le faire appliquer par les athlètes, surtout lorsqu'il s'agit de dopage. En effet, des recherches ont prouvé qu'un nombre effarant de jeunes gens n'avaient aucune objection à atteindre la plus haute marche du podium par le dopage. Une circonstance atténuante pourrait être le fait que le "fair-play" ne disparaît pas seulement petit à petit du sport mais également de la société. L'esprit chevaleresque du Moyen-Age a depuis longtemps fait long feu ... Personne ne doit en conclure que je remets en cause le principe du fair-play. Le fait est toutefois que le sportif actuel, tant il est harcelé, semble de moins en moins véhiculer ce message, comme nous le constatons hélas trop souvent à la télévision. En ce qui concerne le dopage, on peut ajouter que la science, malheureusement, offrira de plus en plus la possibilité d'être déloyal ( !) de manière discrète et donc impunie. Tout cela m'amène à résumer les faits suivants : 1- Le fair-play est, et restera, un principe de base dans le sport. Une des règles du jeu de chaque sport est de le garantir. Le fair-play est aussi l'une des trois principales raisons d'interdire le dopage. 2- Le professionnalisme irréversible du sport (également dans les pays où le sport sert des fins politiques) exerce une lourde pression sur le principe du fair-play et, en matière de dopage notamment, où l'athlète ne peut jamais savoir avec certitude ce que font ses concurrents, nous pouvons affirmer avec certitude que le fair-play est de moins en moins un automatisme. Cela se remarque également par le fait que le dopage se retrouve dans tous les sports, tous les pays et toutes les cultures et qu'il se diffuse, hélas, à une échelle sans cesse plus grande. 3- Le progrès de la science va permettre d'influencer de plus en plus les performances par des produits et méthodes sophistiqués sans que nos instances de contrôle puissent les détecter. 4- Dès lors, n'est-il pas grand temps de parler de fair-play ? Où, pour adopter une formule quelque peu provocatrice, ne faut-il par pas finalement définir autant le fair-play dans le sport que le dopage ?