Finie l'ère du marketing sauvage, fini le temps où tout le monde avait droit à des pubs de couches pour bébé sans en avoir besoin, la tendance est à la personnalisation. Les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) l'ont bien compris, et montent en puissance dans ce secteur traditionnellement régi par des agences. Pour Google et Facebook, le train est déjà bien en marche en accaparant à eux deux la moitié du marché mondial de la publicité numérique, soit 114 Milliards de dollars. Ainsi, sur les nouvelles publicités digitales ils perçoivent 9 dollars sur chaque 10 dollars dépensés. A lui tout seul Facebook génère plus d'argent que tous les journaux américains réunis, et Google fait deux fois plus. Ken Auletta, journaliste au New Yorker, qui a récemment publié un livre sur le sujet, les surnomme les Math Men, par analogie aux Mad Men que représentaient les marketteurs classiques à une époque pas si lointaine. Dans le monde de la publicité, le Big Data devient la plaque tournante, car il permet aux spécialistes du marketing de cibler l'individu plutôt que le groupe. Et seuls les géants du numérique possèdent un Big Data à la pointe de la technologie. « Le jeu ne consiste plus à vous envoyer un catalogue de vente par correspondance ou même à cibler la publicité en ligne », écrit Shoshana Zuboff, professeur d'administration d'entreprise à la Harvard Business School en 2016. « Le jeu consiste à vendre l'accès en temps réel à votre vie quotidienne – votre réalité – afin de vous influencer directement et de modifier votre comportement pour le profit. » Le succès dans ce » jeu » va à ceux qui « ont la capacité de prédire l'avenir – en particulier l'avenir du comportement », écrit-elle, en qualifiant ça de « capitalisme de surveillance ». Souffrant d'un « retard technologique », les agences traditionnelles se déprécient en bourse. En juillet, les résultats trimestriels du numéro mondial Omnicom, ou du français Publicis, dont le chiffre d'affaires a baissé de 8,3 % au deuxième trimestre, ont déçu les marchés. Si les dépenses publicitaires reprennent, elles profitent avant tout à Google qui sait ce que vous préférez et Facebook ce que vous êtes... « Fondamentalement, les annonceurs suivent le public qui a migré vers les nouvelles plates-formes et on a un mouvement de la publicité vers les médias numériques, en particulier vers le mobile qui connaît la croissance la plus dynamique », souligne Rasmus Nielsen, directeur des recherches à l'Institut Reuters pour l'étude du journalisme. La solution pour ces agences traditionnelles est donc de s'adapter, comme essayent de le faire certaines agences. Car même si le modèle économique adopté par les agences de publicité et leurs clients correspond à celui de Facebook et de Google, chacun vise à masser les données pour mieux identifier les clients potentiels. Chacun vise à influencer le comportement du consommateur. Il suffit, d'assister à une réunion de marketing avec une agence ou un client et vous entendrez parler de Facebook et du «jardin clos de Google», pour voir à quel point leurs objectifs sont similaires et comprendre leur refus de partager les données sur leurs utilisateurs. Lorsque Facebook ou Google font savoir qu'ils doivent protéger « la vie privée » de leurs utilisateurs, les annonceurs s'exclament : Vous utilisez les données pour cibler les annonces que nous avons payées. Pourquoi ne les partagez-vous pas, afin que nous puissions les utiliser dans d'autres campagnes publicitaires?