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Marocains au Myanmar: Témoignage d'une victime, la fin d'un cauchemar
Publié dans Hespress le 16 - 05 - 2024

Depuis quelques jours, une affaire a captivé l'attention de l'opinion publique. Plusieurs ressortissants marocains sont retenus près de la frontière thaïlandaise par des réseaux criminels spécialisés dans la traite d'êtres humains. Ils ont été leurrés par de fausses offres d'emploi dans le commerce électronique, offrant des salaires alléchants. Cette supercherie s'est révélée être un piège visant à les exploiter et les maintenir en captivité pour les contraindre à travailler dans des conditions extrêmement difficiles.
Hespress FR a eu l'opportunité d'entendre l'expérience bouleversante d'une des victimes, parvenue à échapper au piège du Myanmar. Cette jeune fille, âgée d'une vingtaine d'années, a partagé avec nous les détails poignants de son calvaire, survenu avant qu'elle ne puisse enfin regagner le Maroc.
Hespress FR : Comment avez-vous été amené à vous y rendre ?
Imane : Alors que j'étais étudiante en master en Turquie, j'ai eu l'occasion de lier amitié avec un voisin marocain. Un jour, il m'a fait une proposition des plus séduisantes, un poste en Thaïlande, avec un salaire de départ de 4 000 dollars, qui augmenterait à 5 000 dollars dès le mois suivant, pour ensuite grimper de 500 dollars chaque mois. Ce poste d'Affiliate Manager offrait des rémunérations concurrentielles sur le marché, ce qui ne m'a pas laissé soupçonner quoi que ce soit de suspect. J'étais enthousiaste à l'idée de cette opportunité, surtout parce que j'apprécie la Thaïlande pour sa culture riche, un pays que je rêvais de découvrir, moi qui aime tant voyager.
Comment s'est déroulé le voyage ? Où avez-vous finalement été déplacée ?
Malgré l'annonce d'un travail à Bangkok, je me suis retrouvée à Mae Sot, une ville située à la frontière du Myanmar. Cette localité était sous l'influence prédominante de la communauté chinoise, où toute tentative de quitter la ville était considérée comme un acte criminel. Etrangement, le trafic d'êtres humains n'était pas reconnu comme une réalité dans cette région.
A notre arrivée, un chauffeur était censé nous récupérer pour nous conduire à destination qui n'était pas vraiment loin. Cependant, nous nous sommes retrouvés à plus de trois heures de route. Le chauffeur a refusé de fournir des explications, et une fois arrivé, nous avons réalisé qu'ils avaient instruit le chauffeur de prendre nos téléphones et notre argent. C'est à ce moment-là que la réalité nous a frappés, et la panique a commencé à s'installer, alors que nous prenions conscience que cette situation était bien trop belle pour être vraie et que nous avions été kidnappés. C'est à ce moment précis que notre calvaire a débuté, et que nous sommes devenus leurs « esclaves ».
Combien de temps avez-vous été sous l'emprise de ce réseau criminel ?
J'y suis restée pendant une période de trois mois, lors de laquelle j'ai enduré un traitement d'une cruauté inouïe, soumis à des journées de travail excessives dépassant souvent les 12 heures, sans pause, sept jours sur sept. La qualité de vie était misérable, les conditions de travail déplorables, et il arrivait même que nos salaires soient retenus arbitrairement quand ils ont en envie. J'ai été victime de sévices physiques, subissant des coups de fouet et des périodes d'isolement dans des cellules sombres et confinées, debout et attachée, sans manger ni pouvoir aller aux toilettes. Même le peu d'eau qu'on me donnait était imbuvable et très salée. J'ai été également emprisonnée dans ma chambre pendant 3 jours avant de revenir au Maroc.
De plus, à la suite de ces actes de torture, aucune assistance médicale n'était proposée, et nous étions immédiatement renvoyés à nos tâches épuisantes, sans considération pour notre santé physique ou mentale. Nous revenions directement travailler comme si de rien n'était.
Comment avez-vous réussi à vous échapper ? Avez-vous une idée approximative du nombre de ressortissants marocains présents sur place dans des situations similaires ?
Grâce à l'intervention des organisations humanitaires locales, à l'appui de l'armée révolutionnaire et au soutien financier providentiel de mon père, j'ai pu m'échapper de cet enfer. Mon père a réussi à m'envoyer de l'argent via la cryptomonnaie, car aucun autre moyen de transfert d'argent n'était disponible pour faciliter mon retour. Il m'a transféré la somme de 7 500 dollars, mais j'ai dû patienter pendant trois longs jours, cloîtrée dans ma chambre, car la création d'un compte sur les plateformes de cryptomonnaie nécessitait un délai de trois jours pour la vérification du compte.
Environ 200 ressortissants marocains, confrontés à des conditions de vie similaires, voire plus déplorables, se trouvent actuellement dispersés dans divers camps à travers le Myanmar, totalisant environ 38 sites identifiés. Ils attendent tous avec impatience le moment où ils pourront enfin regagner leur pays, retrouver leur liberté et mettre fin à ce cauchemar oppressant.


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