Bloomberg désigne le Maroc parmi les cinq pays « connecteurs » qui émergent comme des maillons importants dans une économie mondiale qui se fragmente en blocs rivaux. En collaboration avec Bloomberg Economics, Bloomberg Businessweek a analysé en profondeur les données commerciales et d'investissement pour mettre en lumière cinq pays, à savoir le Maroc, le Vietnam, la Pologne, le Mexique et l'Indonésie, qui se positionnent stratégiquement sur les nouvelles lignes de faille géopolitiques. Collectivement, ces nations ont généré une production économique de 4 milliards de dollars en 2022, surpassant ainsi l'Inde et rivalisant presque avec des puissances économiques comme l'Allemagne ou le Japon. Bien que leurs contextes politiques et historiques soient variés, ils partagent une ambition opportuniste de saisir les retombées économiques en établissant des liens cruciaux entre les Etats-Unis et la Chine, ainsi qu'entre la Chine, l'Europe et d'autres économies asiatiques. Ces cinq nations ne sont pas les seules à se positionner en tant que médiateurs entre les économies mondiales en évolution. Cependant, grâce à leur emplacement stratégique et à leur efficacité dans la facilitation des échanges, ils jouent un rôle crucial en tant que points de convergence. Bien qu'ils ne représentent que 4% du produit intérieur brut mondial, ils ont attiré plus de 10%, soit 550 milliards de dollars, de l'ensemble des investissements dits « greenfield » depuis 2017. Ce terme englobe les dépenses pour la création de nouvelles usines, bureaux et autres installations par une entreprise étrangère cherchant à établir ou étendre ses opérations dans un autre pays. L'analyse de Bloomberg Economics révèle que tous ces pays ont enregistré une accélération de leurs échanges avec le reste du monde au cours des cinq dernières années. Selon la même source, le Maroc, détenteur des plus grandes réserves mondiales de phosphate, devient un acteur majeur dans la transformation de l'industrie automobile mondiale. Ce minéral est un ingrédient clé des batteries au phosphate de fer et de lithium (LFP), une variété de cellules rechargeables en forte croissance utilisées dans les véhicules électriques (VE). De plus, le pays dispose déjà d'un secteur automobile en plein essor, avec des usines détenues par Renault SA et Stellantis NV produisant des milliers de voitures par jour, soutenues par des dizaines de fournisseurs américains bien établis. Parmi eux se trouvent Lear Corp. basée à Southfield, au Michigan, et Commercial Vehicle Group Inc, de New Albany, Ohio, qui ont annoncé des projets d'expansion cette année, rappelle Bloomberg. À l'heure actuelle, une solide chaîne d'approvisionnement en batteries pour véhicules électriques est en train de se mettre en place. Les excellentes relations commerciales du Maroc avec l'Europe et les Etats-Unis, ainsi que son ouverture aux investissements directs étrangers, en font un point de convergence où les entreprises des deux côtés de la division croissante entre les Etats-Unis et la Chine peuvent soit rivaliser, soit collaborer. En 2022, le Maroc a vu l'annonce de 15,3 milliards de dollars de nouveaux projets d'usines « greenfield » financés par des investisseurs étrangers, une somme presque équivalente à celle des cinq années précédentes combinées, et cette tendance ne montre aucun signe de ralentissement. L'analyse met également en avant qu'en mai, la société chinoise Gotion High-Tech Co. a signé un accord avec le royaume pour construire une usine de batteries de 6,4 milliards de dollars, qui serait l'une des plus grandes au monde. En septembre, CNGR Advanced Material Co., un fabricant chinois de composants de batteries, a annoncé un projet qui pourrait atteindre 2 milliards de dollars pour produire suffisamment de batteries LFP pour équiper éventuellement 1 million de véhicules par an. De son côté, Thorsten Lahrs, PDG de CNGR Europe, affirme que le Maroc se trouve dans une position idéale pour fournir les batteries de voitures du futur. De même, la société sud-coréenne LM Chem et Youyshan, une filiale du groupe Huayou de Chine, a annoncé son intention de faire du Maroc leur base mondiale sur le marché des batteries LFP, avec une production de masse prévue pour 2026. Dans l'annonce, les partenaires ont été explicites quant à la justification économique: le choix du Maroc a été influencé par les dispositions de la loi américaine sur la réduction de l'inflation de 2022.