L'Iran a annoncé l'abolition de la police des moeurs à l'origine de l'arrestation de la jeune Mahsa Amini, dont la mort en détention a provoqué une vague de contestation qui perdure depuis plus de deux mois et demi. Cette annonce, considérée comme un geste envers les manifestants, est intervenue après la décision samedi des autorités de réviser une loi de 1983 sur le port du voile obligatoire en Iran, imposé quatre ans après la Révolution islamique de 1979. C'est la police des moeurs qui avait arrêté le 13 septembre Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, à Téhéran, en l'accusant de ne pas respecter le code vestimentaire de la République islamique, qui impose aux femmes le port du voile en public. Sa mort a été annoncée trois jours plus tard. Selon des militants et sa famille, Mahsa Amini a succombé après avoir été battue, mais les autorités ont lié son décès à des problèmes de santé, démentis par ses parents. Son décès a déclenché une vague de manifestations durant lesquelles des femmes, fer de lance de la contestation, ont enlevé et brûlé leur foulard, en criant « Femme, vie, liberté ». Malgré la répression qui a fait des centaines de morts, le mouvement de contestation se poursuit. « La police des moeurs (...) a été abolie par ceux qui l'ont créée », a annoncé samedi soir le procureur général Mohammad Jafar Montazeri, cité par l'agence de presse Isna dimanche. « La meilleure façon de faire face aux émeutes c'est de prêter attention aux véritables revendications du peuple », la plupart liées « aux moyens de subsistance et aux questions économiques », a déclaré dimanche le porte-parole de la présidence du Parlement, Seyyed Nezamoldin Moussavi, cité par Isna. « La décence » L'annonce de l'abolition de la police des moeurs a été accueillie avec scepticisme par des Iraniens sur les réseaux sociaux, un internaute craignant que son rôle ne soit repris par une autre structure, un autre rappelant la pression sociale s'exerçant au sein même des familles. Après 1979, des « comités de la Révolution islamique » relevant des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, menaient des patrouilles pour faire respecter le code vestimentaire et les « moeurs » en Iran. Mais la police des moeurs a été créée par le Conseil suprême de la Révolution culturelle sous le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013), pour « répandre la culture de la décence et du hijab ». Cette unité avait commencé ses patrouilles en 2006 avec l'objectif de faire respecter le code vestimentaire strict qui interdit aussi aux femmes de porter des pantalons serrés ou des shorts. Les femmes enfreignant le code risquaient d'être arrêtées. En juillet dernier, le président ultraconservateur Ebrahim Raïssi avait appelé à la mobilisation de « toutes les institutions pour renforcer la loi sur le voile », déclarant que « les ennemis de l'Iran et de l'islam voulaient saper les valeurs culturelles et religieuses de la société ». Néanmoins, sous le mandat de son prédécesseur modéré Hassan Rohani, on pouvait croiser des femmes en jeans serrés portant des voiles colorés. Loi sur le voile Samedi, le même procureur, Mohammad Jafar Montazeri, a annoncé que « le Parlement et le pouvoir judiciaire travaillaient » sur la question du port du voile obligatoire, sans préciser ce qui pourrait être modifié dans la loi. Il s'agit d'une question ultra-sensible en Iran, sur laquelle s'affrontent deux camps: celui des conservateurs qui s'arc-boutent sur la loi de 1983 et celui des progressistes qui veulent laisser aux femmes le droit de choisir de le porter ou non. Selon la loi en vigueur, les femmes iraniennes et étrangères, quelle que soit leur religion, doivent porter un voile et un vêtement ample en public. Depuis la mort Mahsa Amini et les manifestations qui ont suivi, un nombre grandissant de femmes se découvrent la tête, notamment dans le nord huppé de Téhéran. Le 24 septembre, une semaine après le début des manifestations, le principal parti réformateur d'Iran a exhorté l'Etat à annuler l'obligation du port du voile. Les autorités considèrent les manifestations comme des « émeutes » et accusent des forces étrangères d'être derrière ce mouvement pour déstabiliser le pays. Selon un dernier bilan fourni par le général Amirali Hajizadeh, du corps des Gardiens de la Révolution, il y a eu plus de 300 morts lors des manifestations depuis le 16 septembre.