L'indice des prix des actifs immobiliers (IPAI) s'est apprécié au deuxième trimestre de 2022 de 0,4%, en glissement annuel, d'après Bank Al-Maghrib (BAM) et l'Agence nationale de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie (ANCFCC), tandis que le nombre de transactions a baissé de 22,5%. Comment s'expliquent ces indicateurs mitigés ? Dans une interview, l'expert en immobilier et auteur du guide « Répons'IMMO », Amine Mernissi, commente ces résultats en dents de scie et livre par la même occasion son point de vue sur les perspectives de ce secteur. 1. Comment s'explique la légère hausse de l'indice des actifs immobiliers? Peut-on vraiment parler de hausse, quand cette dernière évolue d'un petit 0,4% sur un an pour l'indice des prix et que les transactions dévissent eux de 22,5% sur la même période ! D'un trimestre à l'autre, l'IPAI du second trimestre 2022 affiche certes une hausse timide des prix des actifs immobiliers de 0,2% par rapport au 1er trimestre 2022 qui est en réalité une quasi-stagnation et de l'autre côté une hausse de 4,6 % pour les transactions. Par conséquent, comment ne pas voir dans ces indicateurs erratiques l'expression d'un secteur qui se cherche! Ou je dirais qu'en glissement annuel, les chiffres sont peu reluisants malgré un léger frémissement durant ce deuxième trimestre 2022, qui cependant reste à confirmer pour constituer un réel motif d'espoir en matière de projection pour le secteur. 2. Cette hausse n'a concerné que certaines villes comme Casablanca, Rabat et Tanger? Comment s'explique cette disparité ? Lorsque l'on parle de Casablanca, Rabat ou Tanger, nous parlons de ville métropole à l'échelle du Maroc (et pas que), et où l'activité immobilière et par extension économique demeure à un niveau relativement soutenu en raison de plusieurs facteurs : poids économique, centralité administrative, population, position géographique, attraits pour l'investissement, potentiel touristique, etc. Par conséquent, que l'indice des prix des actifs immobiliers évolue en territoire positif même si cela reste des progressions somme toute modeste... Casablanca (0,6%), Rabat et Tanger (0,8%) entre le 2ème et le 1er trimestre 2022 traduit le fort impact de ces villes sur le tissu économique national, mais également la présence d'une demande captive en matière d'habitat. Bassin d'emplois, tourisme, densité des services administratifs constituent autant d'agents économiques et in fine de ménages ayant besoin de se loger ! Donc, oui si les prix de l'immobilier augmentent dans ces villes c'est qu'elles bénéficient (encore) actuellement d'une demande relativement stable en besoins de logements, nonobstant les difficultés économiques et sociales que peuvent vivre les ménages marocains y compris dans ces villes. 3. Comment peut-on interpréter la baisse des transactions pour les biens résidentiels et terrains, alors qu'il y a une hausse de celles des biens à usage professionnel ? En glissement annuel, la baisse importante des transactions pour les biens résidentiels (-20,4%) et les terrains (-37,7%) expriment un grand malaise. La crise économique corollaire de la crise Covid puis la crise inflationniste mondiale depuis début 2022 qui s'en est suivie, ont largement entamé le pouvoir d'achat des Marocains. Même le foncier, qui en temps de crise, constitue une valeur refuge, rencontre des difficultés à trouver preneur. Et en période d'incertitude économique, le resserrement des conditions de crédit et la solvabilité des ménages passés au crible contribuent aussi à ralentir l'appétence à devenir propriétaire... Enfin, la pénurie de logements dits pour la classe moyenne disponibles au niveau du marché immobilier national dans sa globalité, et l'absence d'horizon nouveau pour le logement social à 250.000 DH, font du secteur immobilier un secteur en mal de produits nouveaux, à même de stimuler la demande et de répondre à de nouveaux besoins, pourtant exprimés maintes fois. Pour ce qui est de la hausse (7,2%) qui a concerné l'immobilier professionnel, cela traduit la relance économique post-covid, d'ailleurs observée au niveau mondial pour ce type d'actifs, et dont le Maroc n'a pas fait exception. La parenthèse covid a créé de nouvelles conditions économiques. Des opportunités nouvelles à saisir et mais aussi des mouvements de faillite et de création d'entreprises, quand ce n'est pas d'extension ou de mutation d'activités qui ont animé le marché de l'immobilier d'entreprise. 4. Quelles sont les perspectives du secteur pour le reste de l'année 2022 ? Si le 3ème et 4ème trimestre restaient sur une tendance haussière à l'instar du 2ème trimestre, cela réduirait d'abord les pertes enregistrées sur une année glissante. Ensuite, il reste à observer le comportement des MRE cet été et le quantifier du point du vue de la dynamique de marché. C'est en effet un baromètre suffisamment puissant qui à lui seul peut grossir les traits. En enfonçant ou au contraire corrigeant les chiffres du secteur. Et ceux de l'IPAI du 3ème trimestre révèleront en partie ce qu'il en est. Enfin, si l'année 2022 est dans son dernier quart, aujourd'hui tous les regards sont tournés vers 2023. En effet, l'espoir est placé dans ce que pourrait réserver la Loi de finances à venir. On parle déjà d'aides directes aux ménages pour l'accès à la propriété. Et donc de soutien au pouvoir d'achat. Reste à en connaitre les modalités, les critères d'éligibilité, etc. En tout cas, cet élément est de nature à relancer le secteur s'il est accompagné d'une refonte fiscale visant à réduire le coût de l'acquisition dans sa globalité. Dernière chose : dynamiser et renouveler l'offre de produits immobiliers pour toucher des cibles, qui jusqu'alors étaient peu ou mal servis, et qui peuvent s'avérer de vrais moteurs de croissance pour le secteur.