Intitulé « Le marché du travail au Maroc : défis structurels et pistes de réforme pour réduire les inégalités », Oxfam a dévoilé son nouveau « policy paper », au travers duquel elle dresse un bilan précis et synthétique des problématiques de ce secteur afin de proposer plusieurs axes de réforme. Les résultats de l'étude d'Oxfam soulignent que le marché du travail marocain, profondément inégalitaire, est le reflet des insuffisances de la trajectoire de croissance actuelle et d'une société peu inclusive, qui marginalise femmes et jeunes. Ce qui conforte, entre autres, une réalité déjà inquiétante sur le marché du travail marocain, qui se caractérise par une forte précarité, en lien avec la prépondérance de l'informel, soulève l'étude. S'agissant de l'emploi informel, qui sévit notre société, il se concentre dans les secteurs les plus précaires, avance Oxfam, comme le commerce (53 %) en particulier le microcommerce ambulant et de rue, dans le cadre d'auto-emploi (marchands ambulants et autres). Il regroupe, des jeunes, des personnes migrantes, des femmes, des enfants et des personnes déscolarisées, précise la même source. Chômage urbain : Près d'un jeune sur 5 est touché par le chômage parmi les 25-34 ans Sur le volet chômage, l'étude d'Oxfam dévoile des données critiques. Ainsi, et dans le milieu urbain, les jeunes subissent un chômage massif malgré l'allongement progressif de la scolarisation. Au sein des 15-24 ans, le taux de chômage concerne près d'un jeune sur 4 (24 % en 2019) et suit une tendance haussière ces dernières années, indique l'étude, notant que les personnes de cette tranche d'âge résidant en ville sont affectées par un taux de chômage entre 3 et 4 fois plus élevés que la population marocaine (38 % en 2019 et jusqu'à 42 % en 2017). Le chômage des 25-34 ans est également plus élevé que celui du reste de la population, soulève Oxfam, puisqu'il touche environ 15 % de la population active de cette classe d'âge. Parmi les 25-34 ans urbains, près d'un jeune sur 5 est touché par le chômage. Citée dans l'étude d'Oxfam, Hiba El Khamal, responsable du programme Justice Économique et Environnementale a expliqué que « l'impact immédiat de la crise Covid-19 sur le marché du travail marocain a renforcé ses faiblesses préexistantes. Les destructions d'emplois, ainsi que les emplois qui n'ont pas été créés, contribuent à l'augmentation de l'inactivité, déjà massive, et du chômage ». Par conséquent, poursuit la même responsable, « les conditions d'existence de nombreux Marocains devraient en être dégradées. Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, le taux de pauvreté aurait augmenté de 1,3 point lors de la crise Covid-19, passant de 5,8 % de la population en 2019 à 7,1 % en 2020. Concrètement, cela signifierait que près de 470.000 Marocains seraient devenus pauvres en 2020 », avance l'experte. Le marché du travail aurait dû créer en moyenne environ 280.000 emplois par an Selon l'étude d'Oxfam sur le marché du travail au Maroc, les créations d'emplois sont insuffisantes pour absorber l'augmentation de la population en âge de travailler. En effet, la population marocaine a augmenté de 7,7 millions de personnes entre 2000 et 2020, soit une hausse annuelle moyenne de 383.400 de personnes, la population en âge de travailler a crû d'environ 7,5 millions de personnes, correspondant à une hausse moyenne d'environ 370.000 personnes, avance l'étude. Par conséquent, 186.000 personnes environ, gonflent chaque année en moyenne sur les deux dernières décennies le groupe des inactifs, explique l'étude qui estime que le marché du travail marocain aurait dû créer en moyenne environ 280.000 emplois par an. Cela dit, seulement 90.000 ont été créés, conduisant une part toujours plus importante de la population à l'inactivité, indique la même source. S'agissant de la situation des femmes dans le marché du travail, l'étude avance que ces dernières demeurent surreprésenter dans les secteurs où l'emploi est précaire et les conditions de travail plus difficiles, notamment les secteurs de l'agriculture, travail domestique, textile-habillement, économie informelle en général. En se basant sur les données du HCP concernant les caractéristiques de la population active occupée en 2019, l'étude rappelle que le taux d'activité a atteint 45,8 %, dont 42,3 % en milieu urbain et 52,2 % en milieu rural, 71 % parmi les hommes et 21,5 % parmi les femmes. Ainsi, Oxfam souligne dans son étude que, quel que soit leur niveau scolaire, les femmes rencontrent plus de difficultés que les hommes pour trouver un emploi à niveau d'étude équivalent, mais reconnaît toutefois les engagements manifestés dans le programme du nouveau gouvernement ainsi que les priorités ambitieuses annoncées. Parmi ses priorités gouvernementales, Oxfam cite la création d'un million de postes d'emploi net au cours des cinq prochaines années, l'augmentation de taux d'activité des femmes à plus de 30 %, au lieu de 20 % actuellement, la réduction des disparités sociales et territoriales à moins de 39 %, au lieu de 46,4 % selon l'indice de Gini et enfin la généralisation de l'indemnité pour perte d'emploi (IPE) à l'horizon 2025 à toute personne disposant d'un emploi stable. « Au Maroc, la moitié de la fenêtre démographique s'est déjà refermée et le pays n'a pas su bénéficier de cette opportunité. Les insuffisances du marché du travail sont en effet trop importantes pour entraîner une hausse rapide et soutenable du PIB par habitant et pour inclure les populations les plus vulnérables », a estimé Abdeljalil Laroussi, responsable de plaidoyer et campagne, cité dans l'étude. Ce que propose Oxfam Ainsi, et pour relever les défis structurels et réduire les inégalités dans le marché du travail au Maroc, Oxfam estime dans son étude que des mesures fortes et urgentes s'imposent pour répondre à la crise des inégalités et d'injustice sociale en proposant plusieurs mesures. Ainsi, et tout en saluant et encourageant le chantier de la généralisation de la protection sociale, Oxfam considère que cette réforme doit aussi être un moyen d'infléchir les inégalités femmes-hommes, en découplant notamment l'accès à une couverture sociale de l'occupation d'un emploi est à même de servir l'amélioration des conditions de vie des femmes marocaines. Oxfam préconise également de protéger l'emploi, surtout les PME et TPE à travers un plan ciblant prioritairement les jeunes et les femmes en mettant en place un plan de formalisation de l'activité économique, améliorer la flexibilité des procédures administratives, investir dans les programmes d'accompagnement et de mentorat post-création et instaurer des abattements fiscaux pour les entreprises pour l'embauche de jeunes en CDI. In fine, Oxfam recommande d'investir dans l'employabilité des jeunes en impulsant des mesures telles que l'amélioration de la qualité des formations post baccalauréat, notamment en les rapprochant des besoins du secteur privé, et en multipliant par exemple les stages rémunérés tout en investissant dans les secteurs d'activité pour lesquels le Maroc dispose d'ores et déjà d'une main-d'œuvre qualifiée. Enfin, l'organisation propose des mécanismes de formation professionnelle permettant une spécialisation des compétences.