C'est la question soulevée par Dr. Tayeb Hamdi. Médecin, chercheur en politiques et systèmes de santé dans une tribune intitulée « Covid-19 : Les quatre grands alliés des variants». Fervent défenseur de la vaccination, Dr. Hamdi, avance dans un premier temps que les mesures barrières individuelles et collectives, adaptées selon les dernières découvertes scientifiques rapides et la vaccination développée en moins d'une année, ont pourtant pu sauver des vies, relancé l'économie et la vie sociale là où elles ont été appliquées. « Elles nous avaient ouvert la voie de la victoire», dit-il. Mais une vaccination « inégalitaire» peut prolonger la crise sanitaire encore plus. Comment ? Selon le chercheur en politiques et système de santé, « la vaccination devrait être complète, large et rapide, pour qu'elle puisse être efficace, protéger les vies, réduire le risque d'émergence de variants, et vaincre la pandémie». Ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui, relève-t-il, «avec la succession des lettres de l'alphabet grec qui repousse les dates de fin de la pandémie et le retour à notre vie avant Covid». Brevets, inégalité, hésitation et relâchements Dans sa tribune, Dr. Hamdi souligne que la production des vaccins a été insuffisante à cause du refus des laboratoires, et de certains pays, de la levée des brevets qui aurait accéléré la production et l'accessibilité à ces vaccins, et qui aurait aussi contribué à la préparation de la planète à faire face aux nouveaux variants et aux épidémies à venir. Il cite ainsi Pfizer, Bion Tech et Moderna « qui ont bénéficié de huit milliards de dollars de l'argent public pour mettre au point leurs vaccins. Ils réalisent un bénéfice avant impôt de plus d'un million de dollars par jour», avance-t-il. Des chiffres importants qui poussent à réflexion. Cela dit, « le transfert de technologie aurait permis de démarrer la production à grande échelle en huit à dix mois, et si couplée au transfert du savoir cette durée aurait été écourtée de moitié», estime Dr. Hamdi. Ce transfert, poursuit-il, aurait permis d'accélérer la cadence, de prévoir une production rapide et massive de nouvelles versions de vaccins si nécessaire, et élargir l'industrie vaccinale pour préparer la planète aux futures épidémies. «Les inégalités vaccinales ont empiré le paysage épidémique. Vacciner dans des pays riches toute la population y compris les jeunes et les enfants à moindre risque, en laissant les populations très à risque dans d'autres pays est un échec plus que moral », déplore le spécialiste, notant que le fait de « laisser le virus circuler librement dans plusieurs régions du monde, revient à créer les conditions idéales de l'émergence de nouveaux variants, une sorte de mutagenèse organisée », dit-il. En Afrique, une personne sur 14 est complètement vaccinée L'un des continents les plus exposés à l'inégalité vaccinale n'est autre que l'Afrique. Dans sa tribune, Dr. Hamdi indique que l'Afrique, qui représente 17% de la population mondiale, n'a administré à ce jour que 3,01% des doses déployées dans le monde, avec moins d'un Africain sur 14 complètement vacciné, alors que dans l'Union européenne plus de deux sur trois Européens le sont déjà, précise-t-il. Ayant déjà dénoncé auparavant cette injustice vaccinale et mis en garde contre ses conséquences, le spécialiste souligne cette fois-ci que le virus profite également des inégalités d'accès aux tests et autres moyens de diagnostic. Il note dans ce sens que l'initiative COVAX, lancée par l'OMS et d'autres organismes, n'a pu atteindre ses objectifs par faute de moyens et d'engagement des pays riches. « L'hésitation vaccinale s'est dramatiquement alliée au virus, laissant à risque une partie de la population dans des pays où les vaccins attendent des bras », soutient le spécialiste qui évoque également les Fake news qui se propage, avec les réseaux sociaux, six fois plus rapidement qu'une vraie, et touche un public plus large. « L'infodémie tue, éternise la pandémie, et prend les personnes hésitantes en otage. Les fake news sur les vaccins entretiennent la peur et la méfiance, et orchestrent un effet Nocebo contre les vaccins », soutient le spécialiste. Le quatrième grand allié du SARSCOV2, conclut Dr. Hamdi, est le relâchement précipité des populations et des gouvernements. « Après chaque pic épidémique, s'installe un faux sentiment de sécurité suivi d'un relâchement, et une précipitation des gouvernements vers la levée prématurée des restrictions pour des raisons économiques», explique-t-il, ce qui donne suite selon lui à plus de circulation de virus, moins de vaccinations, plus de risque de mutations et d'émergence de nouveaux variants et le cercle se referme.