Au lendemain de la Marche Verte, S.M Hassan II a envoyé, auprès du Président Algérien, le Ministre d'Etat, Hadj M'Hamed Bahnini qui lui a dit : « Sa Majesté est prête à ratifier l'accord, ajoutez-y la bande de frontière qui nous sépare dans le Sahara récupéré ; si vous l'ajoutez, Sa Majesté ratifie ». Il a refusé. Reprenons la carte, ajoute le Roi du Maroc, ajoutons ces quarante kilomètres, reconnaissez-les comme frontières marocaines et moi je vous ratifie l'accord entériné ; on ne pouvait aller plus loin ». Dans la déclaration, qu'Il a faite le 16 novembre 1977, Feu le Roi Hassan II annonçait, face à la réponse négative du Président algérien, Houari Boumédiène, qu'Il ne ratifiera l'accord de frontières et de coopération maroco-algérien de 1972, que si le tracé de la frontière était complété par la bande de quarante kilomètres, restée en suspens. et qui séparait le Sahara récupéré du territoire algérien. Cette décision, mûrement réfléchie, revétait, à non pas douter, une signification profonde et pertinente. Pourquoi ? Parce que le Sahara récupéré marocain n'était pas à l'abri de la malveillance des adversaires du Maroc tant que son flanc oriental n'était pas protégé par cette bande hautement importante et stratégique. Cela démontre, également, qu'en perdant ses territoires sahariens de l'est, le Maroc devait se retrouver exposé aux pires difficultés. Le refus du Président algérien de permettre que la frontière soit complétée par les quarante kilomètres restantes, cachait mal des arrières pensées malsaines trop visibles, sinon pour quelles raisons n'a t'on pas voulu répondre, favorablement, à une proposition qui devait être bénéfique et salutaire pour l'avenir des deux pays voisins et frères. Les jours, les mois et les années suivantes devaient, d'ailleurs, confirmer les appréhensions du Souverain marocain et dévoiler le visage sournoix et malveillant de ceux qui n'ont cessé, depuis, de nuire au Maroc et de fomenter contre lui les pires exactions, des attaques et des agressions inqualifiables. Pourtant, la démarche du Roi Hassan II devait plutôt conforter le régime algérien et mettre ainsi fin aux revendications marocaines sur les territoires sahariens dont il a été spolié par le colonisateur français et que les leaders du FLN ont refusé, en dépit de leurs engagements écrits et verbaux, de restituer, en tout ou en partie, à leur possesseur immémorial, le Maroc. Cette possession immémoriale n'est, nullement, une expression creuse et vide de tout sens. Elle est, plutôt, fondée sur des preuves historiques, juridiques et stratégiques irréfragables. Sans nous attarder sur la période ancienne de la présence, au nord du Maroc, des Romains et des Vandales qui n'ont jamais été tenté par le Sahara marocain, ce dernier a joué un rôle primordiale dans l'édification et l'épanouissement du Maroc, surtout depuis le VIIIè siècle sous les grandes Dynasties marocaines : Idrissides, Almoravides, Almohades, Mérinides, Saadiens et Alaouites. Toutes ces Dynasties ont eu pour origine le Sahara. Les Almoravides ont été, pour leur part, plus loin, au Sénégal d'où ils sont partis vers le Maghreb, jusqu'à Alger et une grande partie de l'Andalousie sous la conduite de Youssef Ibn Tachfine. Les Almohades sont même arrivés, avec l'Emir Abdelmoumen Ben Ali à leur tête, outre en Andalousie, jusqu'à Béjaia, Carthage, Tunis et Tripoli où ils ont mis fin aux occupants Siciliens et Romains, tandis que les Saadiens ont été, après avoir pris le pouvoir au Maghreb occidental, laissant aux Ottomans sa partie orientale, sous la conduite de Yacoub Al Mansour, jusqu'à plus loin du sud du Sahara, dans le pays du Songhai, à Tombouctou, qu'il laissa, après son départ, sous la direction d'une importante colonie marocaine qui s'est intégrée, définitivement, à la population locale. Sous la Dynastie Alaouite, d'origine sahraouie, les Sultans, tels Moulay Ismaël et Moulay Hassan 1er, ont été les plus fervents défenseurs du pays et du Sahara contre les convoitises étrangères. Il est même fait cas d'un fait historique qui a vu une délégation venue de Tombouctou demander au Sultan Hassan 1er de les protéger, en tant que sujets de Sa Majesté, des menées et des attaques perpétrées par la France dans la région. Dans un document datant de l'année 1901, sous le titre « Atlas-Géographie, ou Nouveau Manuel de Géographie Générale, Cours Supérieur », destiné à l'Enseignement Secondaire, en France, il est mentionné que « l'Empire du Maroc » possédait une superficie de 800.000 kilomètres alors que la superficie de l'Algérie sous domination française n'était que de 500.000 kilomètres. C'st une nouvelle preuve que le Maroc a été amputé par la suite par la colonisation française d'une frange importante de ses territoires au profit de l'Algérie. L'historien Frank E. Trout impute les origines du conflit entre le Maroc et l'Algérie à propos des confins sahariens au rattachement desdites régions par l'administration française à l'Algérie alors qu'elles ont été nominalement dépendantes du Maroc au moment de leur conquête. Ainsi dans « Morocco's Saharan Frontiers » (Droz, 1969), Trout retrace l'origine du conflit à l'année 1890, quand « l'administration et l'armée en Algérie a appelé à l'annexion du Touat-Gourara-Tidikelt, un important regroupement d'oasis qui faisaient alors nominalement partie de l'Empire du Maroc (…) dont elles constituaient un « appendice » », ajoutant dans « Morocco's Boundary in the Guir-Zousfana River Basin » (African Historical Studies, vol.3 no.1, 1970) que ledit complexe d'oasis « a été sous domination marocaine pendant plusieurs siècles avant l'arrivée des Français en Algérie ». « Bien qu'échappant souvent, au long de l'histoire et ce, pendant plusieurs décennies, au contrôle effectif du gouvernement central marocain, Frank E. Trout signale que ce manque de contrôle est analogue à celui qui touchait le « Bled Siba », où l'ensemble des territoires tribaux échappait au pouvoir central ». Dans un article publié récemment, le 16 mars 2021, sous le titre « de la marocanité de Tindouf, du Touat, du Gourara et du Tidikelt, le Professeur d'Histoire, Robert Lugan donne un éclairage éclatant sur la position du Maréchal Lyautey, premier Résident général du Protectorat au Maroc qui considérait, à propos des frontières historiques du Maroc, que Tindouf et les Oasis sahariennes ont toujours été sous la souveraineté des Sultans du Maroc. « Lyautey, souligne monsieur le Professeur Lugan, s'était opposé aux visées expansionnistes de ses compatriotes sur ce qu'on appelait alors l'Algérie française. « En 1924, la question de la souveraineté sur le Touat, territoire situé à l'est de Tindouf, opposa l'administration française du Protectorat au Gouverneur général de l'Algérie. Depuis Rabat, le maréchal Lyautey adressa alors au Gouvernement français, deux longues notes concernant les frontières historiques du Maroc. Elles donnent un éclairage important sur la question. « Dans une note datée du 4 février 1924, de Rabat, les services du Résident général de France écrivaient : «Il n'est pas douteux qu'à cette époque (avant le Protectorat), l'Empire chérifien étendait nettement son influence au sud de l'Algérie, et il coupait celle-ci du Sahara proprement dit: les Oasis sahariennes du Touat, du Gourara et du Tidikelt relevaient depuis plusieurs siècles du Sultan du Maroc. L'autorité du Sultan Moulay Hassan y fut rétablie en 1892, et des gouverneurs marocains y demeurèrent jusqu'à l'occupation française d'In-Salah en 1902 qui provoqua les protestations du Makhzen (...) En 1917, le Général Gouraud qui était alors Commissaire Résident général par intérim– Lyautey étant alors Ministre de la guerre– « demanda même le retour de Colomb Béchar au Maroc». Quatre jours plus tard, dans une note en date du 8 février 1924 destinée au Président du Conseil (le chef du gouvernement français), le Maréchal Lyautey, Résident général au Maroc, écrivait : «J'estime que le Maroc a, dans le Sahara, une frontière commune avec l'Afrique occidentale française (...). Je ne puis qu'appeler toute l'attention de Votre Excellence sur l'importance de la question pour ce qui regarde le Maroc dont la France a solennellement garanti l'intégrité, engagement qu'elle a rappelé au cours des négociations récentes. Au surplus, sans qu'il soit, je pense, nécessaire d'insister davantage sur ce point, l'histoire des dynasties marocaines suffit à démontrer que, de tout temps, les Sultans ont exercé sur cette partie du continent une action spirituelle et, parfois, effective, incontestée». « Pour le Maréchal Lyautey, dit-il, l'appartenance de Tindouf au Maroc ne faisait aucun doute. L'administration marocaine s'exerçait sur la vallée de Tindouf qui dépendait du khalifat du Tafilalet et ses caïds étaient nommés par dahir du Sultan du Maroc. Les archives marocaines conservent de nombreux documents administratifs confirmant cette réalité. « La première agglomération de Tindouf (tama-n-Douf en tamazight), ou Tendefès est connue par El Bekri et le Tarikh-el-Fettach. Pillée, ravagée et enfin détruite par les rezzous successifs des Touaregs, des Berabers et des Rguibat, elle disparut durant deux siècles, mais ses points d'eau continuèrent à être fréquentés par les caravanes transsahariennes. La ville nouvelle de Tindouf fut fondée en 1852 ou en 1857 par Mrabet Ould Belamech, chef de la tribu des Tadjakant qui avait fait allégeance au Sultan du Maroc. « En 1934, la France occupa Tindouf qui, dans un premier temps, fut englobée dans la zone militaire dépendant du commandement français du Maroc avant d'être placée sous l'autorité du Gouverneur général de l'Algérie. Mais à aucun moment, la marocanité de la région ne fut remise en cause. En 1956, au moment de l'indépendance du Maroc, Tindouf était, administrativement, rattachée à la région d'Agadir, comme d'ailleurs Fort-Trinquet (l'actuelle Bir Moghreïn) en Mauritanie. Au mois de juillet 1962, quand elle accorda l'indépendance à l'Algérie, la France était militairement présente à Tindouf dont elle se retira au mois d'octobre, laissant l'ALN (Armée de libération nationale) algérienne s'y installer. C'est ainsi que Tindouf la marocaine est devenue algérienne. « Pourtant, au mois de juillet, les tribus de la région de Tindouf, essentiellement les Tajakant et les Rguibat avaient fait allégeance au roi du Maroc. Au début du mois d'octobre, quand l'armée algérienne occupa Tindouf, elle en chassa par la force les représentants du Maroc qui avaient refusé de se retirer. Cette prise de possession fit alors de nombreuses victimes ». Il est, donc, incontestable que les preuves de la marocanité du Sahara sont tangibles et irréfragables. Ils démontrent que le Maroc a été, depuis la nuit des temps, le possesseur immémorial du territoire saharien et qu'il a été, depuis le XVI siècle et surtout au XIXè, l'objet de convoitises et de conspirations étrangères contre sa souverainté et son intégrité et qu'il ait été soumis, en 1912, non seulement, à un régime de protectorat colonialiste, mais également, à un dépeçage systématique et à l'amputation de ses vastes territoires sahariens. Au lendemain de son indépendance, le 3 mars 1956, le Maroc a retrouvé sa souveraineté, mais il s'est trouvé devant un problème, aussi crucial que celui de l'abrogation du statut du Protectorat, celui de la récupération de son unité et de son intégrité territoriales. En effet, dès le début du XIXè siècle, le Maroc avait fait l'objet, secrètement et son absence, d'un projet de partage entre la France et l'Espagne, en vertu de la convention franco-espagnole du 3 octobre 1904, dont les stipulations ont été, presque, reproduite dans l'accord, conclu entre les deux pays, le 12 novembre 1912, suite au traité du Protectorat du 2 mars 1912. En vertu de cet accord, le Maroc fut partagé, outre en un régime international à Tanger, en une zone française au centre, une zone espagnole au nord et une autre méridionale ou zone de Tarfaya, en plus de la reconnaissance de l'occupation des territoires d'Ifni et du Sahara dit occidental par l'Espagne. Après de nombreuses et ardues négociations menées par le premier Ministre des Affaires Etrangères, Ahmad Balafrej, après l'indépendance, le Maroc a pu récupéré la ville internationale de Tanger ainsi que la zone nord et plus tard, le 15 avril 1958, la zone de Tarfaya, tandis que le territoire d'Ifni n'a pu étre récupéré que le 30 juin 1969. Quant au territoire du Sahara, sa récupération n'a pu se réaliser qu'à la suite de la Glorieuse Marche Verte, le 6 novembre 1975 et, en deux étapes, d'abord en vertu de l'Accord de Madrid du 16 novembre 1975 et plus tard le 14 août 1979 avec le retour de Oued ED Dhahab à la Mère-Patrie. Déjà en 1958, lors de la visite qu'Il a effectuée au Sahara, Feu le Roi Mohammed V, avait dit, dans Son discours au peuple marocain prononcé devant les habitants de M'hamid El Ghizlane, le 25 février 1958: « Nous proclamons solennellement que Nous poursuivrons Notre action pour le retour de notre Sahara dans le cadre du respect de nos droits historiques et selon la volonté de ses habitants". Le problème de la frontière orientale du Maroc avec l'Algérie, dite à l'époque Algérie française, après avoir été Ottomane, s'est posé dès la signature de la Déclaration commune du 2 Mars 1956 par laquelle « le Gouvernement de la République française confirme solennellement la reconnaissance de l'indépendance du Maroc, laquelle implique, en particulier, une diplomatie et une armée, ainsi que sa volonté de respecter et de faire respecter l'intégrité du territoire marocain, garantie par les traités internationaux ». Afin de respecter ses engagements relatifs au règlement du problème des frontières du Maroc, la France avait admis, au lendemain de la signature de la Déclaration commune du 2 Mars 1956, le principe d'engager, directement, avec le Gouvernement marocain, les négociations nécessaires afin de résoudre, définitivement ce problème. Dans ce but, une Commission mixte franco-marocaine devait se réunir pour examiner les points litigieux en se basant, notamment, sur l'interprétation du traité de Lalla Maghnia de 1845 et des accords de 1901, 1902 et 1910 et de la conformité des lignes de partage de compétences administratives, dites ligne de Varnier et ligne Trinquet, avec les dispositions conventionnelles. Selon M. Laroui, ces problèmes d'interprétation de traités auraient pu être réglés et auraient permis de déterminer le statut de trois régions : Béchar, Tindouf, la zone du Sahara occidental au nord de la 24ème parallèle. « La situation en France en 1958, l'état d'esprit de beaucoup de responsables qui connaissaient le dossier des frontières marocaines, permettent de penser, estime-t-il, que, si la commission mixte s'était effectivement constituée, elle n'aurait probablement pas abouti à un accord en ce qui concerne Béchar, à cause des importantes installations militaires qu'elle abritait, mais que pour Tindouf, où vivaient encore des représentants du Sultan, et le Sahara occidental, en grande partie administré par l'Espagne, la partie française aurait certainement montré plus de souplesse, et de concessions d'autant plus probables que la France tenait à l'époque à ce que le Maroc fit partie de l'Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) ». . Si les négociations n'ont pu être entamées à ce sujet entre la France et le Maroc, c'est sans doute pour deux raisons : – Tout, d'abord, le refus du Maroc de s'associer à l'OCRS « avant que soit déterminées la souveraineté qui s'exerce sur ces régions ainsi que leur délimitation ». Pourtant, l'Organisation Commune des Régions Sahariennes devait être créée par une loi du 10 janvier 1957 et relever d'un Ministre du Sahara auquel ont été délégués tous les pouvoirs exercés dans les zones sahariennes par le Gouverneur Général de l'Algérie et par les Hauts commissaires et Gouverneurs de l'Afrique Occidentale Française et de l'Afrique Equatoriale Française. On peut légitimement se demander, aujourd'hui, si l'association du Maroc à cette organisation économique,-qui ne remettait nullement en cause le principe de la réunion d'une commission mixte des frontières, n'aurait pas eu pour résultat, non pas tant de permettre au Maroc de retrouver tous ses territoires spoliés, mais du moins de constituer une reconnaissance implicite, et de sa vocation saharienne et de ses droits territoriaux au Sahara. Il est significatif, en tout cas, de constater que les pays qui y ont été associés, à savoir l'Algérie, la Mauritanie, le Soudan (le Mali), le Niger et le Tchad ont retrouvé par la suite les zones sahariennes qui leur étaient reconnues. Il est regrettable que le réalisme n'ait pas prévalu sur les considérations de souveraineté, d'autant plus que l'Algérie participait également à cette organisation. On peut avancer qu'elle n'était pas libre pour s'y refuser ; en tout cas, son association l'a beaucoup avantagé.- – Seconde raison à la non-convocation de la commission mixte franco-marocaine des frontières : l'appui apporté par le Maroc au F.L.N. algérien et surtout le fait que le Maroc, après avoir longtemps réclamé la réunion de cette commission, y a renoncé par esprit de solidarité avec « l'Algérie combattante ». En dépit des avantages prometteurs que présentait une participation à l'exploitation commune des richesses du Sahara, le Gouvernement marocain se trouvait partagé entre deux tendances, l'une défendue, en particulier, par Hadj Ahmad Balafrej, plus tôt favorable à des négociations directes avec la France , l'autre qui n'a pas voulu s'engager dans cette voie, son geste pouvant être interprété comme une reconnaissance de la souveraineté française sur le Sahara, d'autant plus que ces régions étaient considérées par la loi du 10 janvier 1957, créant l'OCRS, comme « des zones sahariennes de la République Française ». Cette deuxième tendance a opté pour le règlement des problèmes de délimitation territoriale avec l'Algérie indépendante «en dehors de toute prétention ou ingérence étrangères », conformément au désir exprimé par le GPRA lui-même et à l'option maghrébine des responsables marocains. Le différend territorial maroco-algérien découle lui-même des conditions dans lesquelles la question des frontières a été réglée par la France, dès son installation en Algérie, à partir de 1830, et surtout à la suite des atteintes successives portées à l'intégrité du territoire marocain aussi bien avant l'établissement du Protectorat de la France au Maroc en 1912 qu'après l'instauration de ce régime. La défaite que connut l'armée marocaine à Isly, à quelques kilomètres à l'Ouest d'Oujda, le 14 août 1844, et qui eut pour origine l'appui apporté par le Maroc à l'Emir Abdelkader, a été le point de départ d'une série d'empiétements des troupes d'occupation française sur le territoire marocain. A la suite de cette défaite et la conclusion du traité de paix de Tanger du 16 septembre 1844, fut signé entre le Maroc et la France le néfaste traité de délimitation de Lalla Maghnia du 18 mars 1845, qui, en fait, ne fixa la frontière algéro-marocaine de façon précise, que vers le nord. Celle-ci fut, en effet, délimitée jusqu'au Sahara selon trois modalités : -de la Mer Méditerranée, au niveau de l'embouchure de l'Oued Kiss jusqu'à Teniet El Sassi, à une centaine de kilomètres de la mer Méditerranée, la frontière est fixée de façon exacte ; -au Sud de Teniet El Sassi et jusqu'à Figuig, il est décidé de n'établir aucune limite territoriale, parce qu'il s'agit déjà du Sahara, mais de répartir les tribus et les ksours ressortissant aux deux pays ; -enfin à partir de Figuig (Ksours), dit le texte, « comme il n'y a pas d'eau, qu'il est inhabitable et que c'est le désert proprement dit, la délimitation en serait superflue » . Il est, aujourd'hui, encore fort douteux que le Sultan Moulay Abderrahmane Ben Hicham ait ratifié le traité de Lalla Maghnia. S'il l'a fait, c'est seulement après en avoir supprimé les dispositions jugées inacceptables, comme en attestent les nombreuses correspondances du Sultan, et ce, en dépit des pressions et des menaces dont le Maroc a été l'objet de la part de la France allant jusqu'au bombardement des ports marocains et l'occupation d'Oujda. En tout état de cause, ce traité ainsi que celui « de Tanger qui l'avait prévu et ceux qui l'ont complété en 1901 et 1902 (qui) sont des traités inégaux et imposés au Maroc par la force », n'avaient pas établi, conformément au droit international, une délimitation « précise, complète et définitive » de la frontière algéro-marocaine. En effet, les accords franco-marocains de 1901, 1902 et 1910, dont la conclusion a été la conséquence de « l'extension de la conquête française vers le Sud et l'installation des troupes françaises dans les Oasis sahariennes (Touat, Gourara, Tidikelt...» n'apportèrent aucune modification au tracé de la frontière établi par le traité de 1845 et n'ajoutèrent aucune nouvelle délimitation au Sud de Figuig . Ils se bornèrent à créer ce qu'on a appelé « un régime d'entente commune franco-marocaine », en établissant des postes de douane et en prévoyant la collaboration des deux parties dans le maintien de la sécurité dans ces régions où les tribus manifestaient leur hostilité à l'occupation française. Celle-ci n'était fondée, d'ailleurs, sur aucune base conventionnelle et ne visait qu'à instaurer une situation de fait en prenant prétexte de « l'anarchie » qui régnait dans la région et en voulant tirer profit de la « politique d'entente directe » instituée entre les gouvernements marocain et français. Les diplomates français estimaient eux-mêmes que « ces régions…n'étaient pas exclusivement algériennes ». Avec l'instauration du Protectorat, aucun changement n'intervint sur le plan conventionnel ; les lignes administratives établies par les autorités françaises n'ont jamais été considérées comme devant constituer la frontière algéro-marocaine. Le législateur français, lui-même, estimait à propos de la réorganisation des confins algéro-marocains, que celle-ci, -selon l'instruction du Président du Conseil français Gaston Doumerque du 10 avril 1934 en application du décret du 5 août 1933 réorganisant le commandement unique des confins algéro-marocains : « ne préjuge en aucune façon de la frontière algéro-marocaine dont la détermination demeure entièrement réservée ». Le déclenchement de la guerre d'Algérie à partir de 1954 et l'accession du Maroc à l'indépendance en 1956 allaient accentuer les empiétements de l'armée française sur le territoire marocain et aboutir, sous prétexte de lutter contre les infiltrations d'éléments armés, au dépassement de la ligne de partage des compétences administratives d'avant 1956. Ces opérations furent d'ailleurs menées au Sud en collaboration étroite avec les forces armées espagnoles en difficulté au Sahara occidental du fait de l'infiltration de l'Armée de Libération Marocaine jusqu'à Dakhla (Villa Cisneros). En 1958, les opérations Ecouvillon et Teide, qui permirent au front commun franco-espagnol de rétablir la situation au profit de la France et de l'Espagne, entraient également dans ce cadre. L'occupation par l'armée française d'un certain nombre de points avancés et les mesures unilatérales de rattachement à l'Algérie de Tindouf, occupé en 1934 par les troupes venues du Maroc dans le cadre des opérations de « pacification », ne pouvaient pas mettre en cause leur marocanité ni permettre de les détacher du territoire marocain. La marocanité de Tindouf découle de nombreux faits et actes dont les autorités françaises ont été elles-mêmes les auteurs; l'occupation de Tindouf, le 31 mars 1934, par les troupes du Protectorat entrait, selon le langage colonial, dans le cadre de la pacification du Maroc. Elle fut suivie d'autres opérations qui permirent la liaison au puits de Guerdane à 380 kms plus au sud, entre un détachement motorisé commandé par le colonel Trinquet, parti de Tindouf, et un groupe nomade de Mauritanie dépêché, selon le Bulletin du Comité de l'Afrique française de mai 1934 « pour soutenir l'action des troupes marocaines ». A la suite de cette liaison, un échange de télégrammes significatif a eu lieu entre le Gouverneur Général de l'Afrique Occidentale Française, M. Brévié et le Résident Général de France au Maroc, M. Ponset, le premier souligna que la liaison des deux groupes marocains et mauritaniens « affirme d'une façon définitive le contact étroit entre les deux territoires. Je suis heureux, dit-il, de renouveler mon désir personnel et celui de l'A.O.F. de collaborer à la réalisation commune du rapprochement des deux possessions ». Dans sa réponse, le Résident Général Ponset exprima l'espoir « que la jonction directe qui vient d'être réalisée heureusement entre le Maroc et la Mauritanie marquera une étape décisive dans la pacification du Sahara occidental ». De tels faits et déclarations apportent la preuve que les territoires marocain et mauritanien ont toujours été en liaison intime et n'étaient séparés, selon le point de vue même de la colonisation, par aucune bande territoriale appartenant à une entité étatique. Une vue sur la carte de la région permet, d'ailleurs, de constater que cette situation ne pouvait se réaliser que dans le cas où Tindouf et sa région font partie du territoire marocain. Ceci est au surplus, confirmé par les dispositions de l'article 2 in fine de la Convention franco-espagnole du 27 novembre 1912, relative à la situation respective de la France et de l'Espagne à l'égard du Maroc. Celle-ci stipule, en effet, que « les régions marocaines situées au Nord et à l'Est… (de la zone Sud espagnole délimitée au Nord par la parallèle 27°40′ de latitude Nord et à l'Est par le méridien 11° Ouest de Paris) appartiendront à la zone française ». Or, à l'Est de la zone Sud espagnole, il n'y avait que Tindouf et sa région. La marocanité de cette région est attestée, également, par un arrêté résidentiel du 11 janvier 1935, pris en application du dahir du 10 décembre 1934, fixant le régime spécial de certaines marchandises destinées à être consommées dans diverses régions du Sud du Maroc qui fait bénéficier « du régime privilégié » entre autres, les localités de Tindouf, de Tabelbala et de Zegdou. Outre ces faits, il est établi que la ville de Tindouf a été jusqu'à l'indépendance dotée d'une administration marocaine, C'est ainsi que Mme Odette Du Puigaudeau signale, dans son livre « le passé maghrébin de la Mauritanie », qu'elle a, elle même, « connu en 1950 le dernier caïd de Tindouf nommé par le Sultan et qui venait d'être destitué par les autorités militaires françaises pour des raisons politiques » ( voir également livre de Hassan II « le Défi p. 91). Une administration des postes chérifiennes y fonctionnait également et l'on signala l'existence de nombreuses lettres oblitérées « Tindouf-Postes chérifiennes ». Ce sont ces points avancés constitués par Tindouf et les zones avoisinantes et occupés par l'armée française dans le cadre de la lutte contre « les infiltrations » d'éléments armés favorables au F.L.N. algérien, que l'Armée algérienne de Libération Nationale a entendu annexer au lendemain de l'indépendance de l'Algérie en juillet 1962. Les nombreux incidents de frontières auxquels donnèrent lieu les agissements de l'A.L.N. découlaient de la volonté manifeste des responsables algériens de succéder aux troupes françaises dans des localités marocaines qui, par ironie du sort, avaient servi, justement, de points d'appui à la résistance algérienne. Ainsi que le rappela le Roi Hassan II, « les marocains qui ne veulent pas participer au référendum préparé par le G.P.R.A. sont attaqués, molestés par l'Armée de Libération Algérienne. A Tindouf où le Caïd, et toute sa tribu, ont rappelé qu'ils sont marocains, on dépêche six cents gendarmes algériens. Malgré tous les efforts de nos envoyés officiels à Alger…, une opération militaire algérienne sur Tindouf fait cent vingt morts parmi nos compatriotes ». Le 8 octobre 1963, un véritable conflit armé se déclencha entre les troupes des deux pays dans la région d'Hassi-Beida-Tindouf d'un côté, celle d'Ich-Figuig de l'autre ; 1es hostilités ne devaient s'arrêter que le 2 novembre 1963, à la suite de la médiation de l'Empereur Hailé Sélassié d'Ethiopie et du Président du Mali, M. Modibo Keita, conformément à une résolution de l'O.U.A. du 20 octobre 1963. La Déclaration commune publiée le 30 octobre 1963, à la suite de la réunion, à Bamako des Chefs d'Etat Ethiopien et Malien avec le Roi Hassan II et le Président Ben Bella stipula, outre l'arrêt des hostilités, le repliement des troupes adverses, l'installation dans la zone évacuée dite de neutralité militaire d'observateurs maliens et éthiopiens et la convocation du Conseil des ministres de l'O.U.A. en vue de la constitution d'une « commission spéciale d'arbitrage » ayant pour mission, d'une part « de situer les responsabilités en ce qui concerne le déclenchement des hostilités », d'autre part « d'étudier le problème de fond (problème des frontières) et de soumettre des propositions concrètes aux deux parties pour le règlement définitif du contentieux ». La Commission spéciale d'arbitrage constituée par le Conseil des Ministres de l'O.U.A. le 18 novembre 1963 et composée des représentants de la Côte d'Ivoire, d'Ethiopie, du Mali, du Nigéria, du Sénégal, du Soudan et du Tanganika (Tanzanie), se réunit plusieurs fois, jusqu'en juin 1967, sans aboutir à aucun résultat, du fait de l'opposition de l'Algérie d'aborder les problèmes de fond. Après l'échec de la Commission ad-hoc de l'O.U.A. qui constatait en 1966 que les points de vue algérien et marocain étaient toujours inconciliables, à tel point que de nouveaux affrontements ont lieu en janvier 1967, et devant la nécessité de trouver une solution à un problème qui hypothéquait gravement les relations intermaghrébines, une nouvelle politique fut inaugurée par la rencontre Hassan II -Ben Bella à Saïda en 1965 et surtout le séjour du Roi du Maroc dans la capitale algérienne en septembre 1968, lors de la tenue du Sommet de l'O.U.A. à Alger. Cette politique devait aboutir, seulement en 1969, à la signature à Ifrane, le 15 juin, d'un traité de coopération et de solidarité. Mais, ce sont, surtout, les rencontres de Tlemcen du 27 mai 1970 et de Mohammedia du 19 septembre 1970 entre le Roi Hassan II et le Président Boumediene qui aboutirent, le 15 juin 1972 à la conclusion des accords de Rabat relatifs aussi bien à la délimitation de la frontière algéro-marocaine qu'à l'institution d'une coopération économique régionale, notamment au niveau des mines de fer de Gara Djebilet dans la région de Tindouf. Les accords de Rabat de 1972 ne procédaient pas du même esprit dans lequel avait été conclu, entre le Roi Hassan II et M. Farhat Abbas, Président du G.P.R.A., le Protocole d'accord du 6 juillet 1961, dont les bases étaient tout à fait différentes. En effet, dans l'accord de 1961, il est stipulé que « le Gouvernement Provisoire de la République algérienne reconnaît, pour sa part, que le problème territorial posé par la délimitation imposée arbitrairement par la France entre les deux pays trouvera sa solution dans des négociations entre le Gouvernement du Royaume du Maroc et le Gouvernement de l'Algérie indépendante. « A cette fin, les deux Gouvernements décident la création d'une commission algéro-marocaine qui se réunira, dans les meilleurs délais, pour procéder à l'étude et à la solution de ce problème dans un esprit de fraternité et d'unité maghrébines. De ce fait, le Gouvernement Provisoire de la République algérienne réaffirme que les accords qui pourront intervenir, à la suite des négociations franco-algériennes, ne sauraient être opposables au Maroc, quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines ». Il s'agissait, donc, d'après cet accord de procéder à l'examen de l'ensemble du dossier des frontières dans un esprit fraternel qui tienne compte des conditions dans lesquelles a été imposée, arbitrairement par la France, la délimitation entre les deux pays. Dans son esprit, le protocole d'accord était une condamnation formelle du principe des frontières héritées de la colonisation et admettait que dans ce cas, le principe l'uti possidetis était inapplicable. Ceci devait être confirmé au Souverain Marocain par le Président Ben Bella qui lui déclara, en mars 1963 : « je demande à Votre Majesté de me laisser le temps de mettre en place en Algérie les nouvelles institutions. Lorsqu'en septembre ou octobre ce sera fait, alors nous ouvrirons ensembles ce dossier des frontières. Il va sans dire que l'Algérie indépendante ne saurait être l'héritière de la France en ce qui concerne les frontières algériennes » . C'est, en octobre 1963, en tout cas, que les garnisons marocaines de Hassi-Beida et Hassi-Tinjoub ont été attaquées et anéanties alors qu'à Ich et à Figuig, d'importantes forces algériennes étaient repoussées. Ainsi, les deux premières tentatives en 1957 et en 1961 de régler le problème territorial maroco-algérien échouèrent du fait, paradoxalement, de la solidarité du Maroc avec le mouvement algérien de libération et de la volonté de l' « Algérie indépendante » de s'instituer héritière des conquêtes coloniales françaises, « englobant les territoires marocains occupés selon « le droit de suite ». Les accords de 1972 devaient constituer une nouvelle tentative plus sérieuse dans la mesure où, tout en consacrant le statu quo territorial, ce qui était en deçà de ce qu'on espérait avec la France elle-même, elles permettaient de dépasser le problème des frontières en instituant une coopération économique régionale par l'exploitation commune des mines de fer de Gara-Djebilet situées dans la région de Tindouf. De nombreuses commissions mixtes se sont réunies déjà, au lendemain de la rencontre de Tlemcen de 1970, soit pour mettre au point les opérations de bornage de la frontière soit pour préparer l'organisme chargé de l'exploitation commune du fer de Gara-Djebilet. Les accords de 1972, signés solennellement devant les Chefs d'Etat de l'O.U.A. réunis à Rabat, après le retrait du dossier des frontières des archives de l'O.U.A., consacrèrent les deux objectifs de délimitation et de coopération dont l'application devait se faire globalement et corrélativement. Conformément aux dispositions de la convention de coopération, il est stipulé que « l'Algérie est propriétaire des mines de fer de Gara-Djebilet » et « que le Maroc dispose, par son territoire, notamment de possibilités d'évacuation et d'embarquement du minerai de fer de Gara-Djebilet par un port marocain qui sera situé sur l'Atlantique ». Une société d'exploitation commune du fer de Gara-Djebilet devait être créée, dès l'entrée en vigueur de la Convention, sous la dénomination de « Société Algéro-Marocaine ». Elle devait transporter 700 millions de tonnes de minerai par chemin de fer jusqu'au port, l'embarquer et le commercialiser. Eventuellement, il a été prévu que la société pouvait assurer elle-même le transport maritime. L'Algérie s'engageait à fournir à la société mixte les 700 millions de tonnes de minerai avant son enrichissement. Les actions devaient être réparties à 50% entre les deux pays qui pouvaient respectivement être représentés par un ou plusieurs organismes publics appartenant à chacun des deux Etats. La société devait disposer, en outre, d'un siège aussi bien en Algérie qu'au Maroc. Bien qu'elle fût approuvée par le Gouvernement algérien, en vertu d'un décret du 17 mai 1973 publié au Journal Officiel de la République Algérienne, la convention de coopération – ainsi que celle relative à la frontière ne donna lieu, de la part des parties, à aucune mesure d'application. Certes, la raison qui peut être invoquée par les responsables algériens est l'absence, jusqu'à présent, de toute ratification du texte de l'accord de la part du Maroc. Outre le fait que cette procédure n'a pu être entamée pour des motifs d'ordre interne tenant à des circonstances contingentes qui ont empêché la mise en place des institutions représentatives à la suite de la promulgation en mars 1972 de la Constitution marocaine, c'est, surtout, en raison de l'attitude ambigüe et équivoque du Gouvernement algérien et sa référence, en ce qui concerne le Sahara dit Occidental et ses relations avec ses voisins, à une vision toute particulière de la géopolitique et de l'équilibre régional que le contentieux territorial algéro-marocain n'a pu être liquidé. Il est certain que ce contentieux est un des facteurs déterminants dans la détérioration de la situation dans la région occidentale du Maghreb. Ce problème pèse, incontestablement, d'un poids lourd dans le comportement du Maroc et surtout de l'Algérie. Ceci est, d'ailleurs, corroboré par de nombreux éléments dont nous pouvons citer au moins trois : Dans le fameux discours qu'il a prononcé devant le VIIème Sommet Arabe, en octobre 1974, et dans lequel il a « donné (son)...aval de tout cœur et sans arrière-pensée » à l'accord intervenu entre le Maroc et la Mauritanie, le Chef d'Etat algérien, en rappelant que le « problème (algéro-marocain) a été résolu à l'occasion d'une grande réunion africaine » en 1972 et en faisant remarquer que pour l'Algérie se posait uniquement « un problème de sécurité aux frontières de (son) pays », a déclaré: « c'est vrai également que les frontières qui séparent l'Algérie de cette région encore colonisée n'ont pas encore été définies . Il y a, donc, dans l'esprit même des Algériens, une corrélation certaine entre l'une et l'autre question. Ce communiqué a été précédée, le 2 juillet, d'une déclaration du chef de la diplomatie algérienne dans laquelle il a dit notamment : « je ne vois pas d'autre avenir pour nos deux pays, pour notre région, que dans le cadre d'une politique générale, sous le signe de la coopération, de la stabilité, du respect mutuel et de la fraternité, voire dans le cadre d'une option unioniste ». Dans une conférence de presse donnée, le 11 novembre 1977 à Rabat, le Roi Hassan II, répondant à une question relative à « l'avenir qu'on réserve à l'accord maroco-algérien sur les frontières de 1972 », a déclaré : « je maintiens que la solution de tous les problèmes entre le Maroc et l'Algérie est conditionnée à un éclaircissement définitif et sans ambigüité des relations algéro-marocaines et de la position de l'Algérie concernant les territoires marocains récupérés… ». Abordant le problème de la ratification de cet accord, le Souverain Marocain nous apprend, qu'au cours de la Marche Verte, il a envoyé, auprès du Président Algérien, le Ministre d'Etat, Hadj M'Hamed Bahnini qui lui a dit : « Sa Majesté est prête â ratifier l'accord, ajoutez-y la bande de frontière qui nous sépare dans le Sahara récupéré ; si vous l'ajoutez, Sa Majesté ratifie ». Il a refusé. Reprenons la carte, ajoute le Roi du Maroc, ajoutons ces quarante kilomètres, reconnaissez-les comme frontières marocaines et moi je vous ratifie l'accord entériné ; on ne pouvait aller plus loin ». A vrai dire, le « gel » du règlement du problème territorial algéro-marocain découle du comportement même du Gouvernement Algérien. Par ses initiatives incompatibles avec ses engagements, par « ses visées » sur le Sahara occidental et par sa vision d'un équilibre régional qui lui soit favorable, le Gouvernement Algérien a bouleversé les données de base du « compromis territorial » de 1972. Les accords de 1972 impliquaient, nécessairement, l'engagement de l'Algérie non seulement à apporter son appui aux revendications marocaines au Sahara, mais également et surtout à s'abstenir de prendre toute initiative qui leur serait contraire. Les déclarations faites à l'occasion de la signature de ces accords par le Chef d'Etat algérien, qui devait même les réaffirmer avec plus de netteté lors du VIIème Sommet arabe de 1974, ne laissent planer aucun doute sur le contexte dans lequel a été adopté le règlement en question. Or, trois faits significatifs sont venus susciter les appréhensions du Gouvernement Marocain : 1Tout d'abord, «1'équivoque» entretenue par le Gouvernement algérien sur le problème du Sahara, notamment aux Nations-Unies. Elle était illustrée, selon le Roi du Maroc, « par la volonté inébranlable de l'Algérie, d'insérer toujours : « et toute partie intéressée », dans les résolutions des Nations-Unies. A partir de ce moment-là, dit-il, les journaux de l'opposition ont commencé à vouloir remettre en cause l'accord qui avait été passé. Ceci explique, encore une fois, le lien qui existe entre le problème territorial algéro-marocain et celui du Sahara dit occidental. La façon dont ce dernier devait être réglé, allait conditionner totalement le sort réservé à l'autre. Si les organisations politiques marocaines n'ont pas émis de réserves sérieuses sur « le compromis territorial » échafaudé dans le cadre des accords de 1972, c'est parce qu'il s'inscrivait dans le cadre d'une coopération régionale et sur la base de la reconnaissance des droits privilégiés du Maroc sur le Sahara. Déjà, en 1967, le leader de l'Union Socialiste des Forces Populaires (USFP), Maître Abderrahim Bouabid dénonçait les « tractations inquiétantes » à propos du Sahara dit espagnol en rappelant que « l'avenir du Maghreb uni, dont tout le monde se réclame va dépendre du statut futur des territoires sahariens sous domination espagnole, car l'exploitation des gisements de fer de Gara-Djebilet, au sud-est de Tindouf, va en fait dépendre de la solution qui aura été donnée au contentieux maroco-espagnol au sujet des zones sahariennes ». La même position est réaffirmée, en 1970, par la Koutla El Watania qui déclara, dans un communiqué du 22 septembre 1970, à la suite du Sommet tripartite de Nouadhibou, que « si (elle) appuie et approuve tout projet rationnel de coopération économique entre les trois pays, dans le cadre de l'édification de l'unité maghrébine, elle ne saurait concevoir qu'une telle coopération économique puisse être mise sur pied sans la reconnaissance préalable, par les partenaires du Maroc, de la souveraineté marocaine sur ces territoires ». Il était donc normal que l'opinion publique marocaine réagisse devant la persistance de l'Algérie à vouloir se considérer, dans le cadre des Nations-Unies, comme partie intéressée au problème du Sahara occidental, alors qu'elle s'est déclarée s'en désintéresser lors de la signature des accords de 1972. 2 – Deuxième fait significatif : l'installation à Alger, à partir de 1972, du « Mouvement de Résistance des Hommes Bleus » (MOREHOB) fondé par Ida Ouard Moha en 1969, que le Gouvernement algérien comptait utiliser dans le cadre de sa politique relative à l'affaire du Sahara. Mais quand le fondateur et président de ce mouvement se rendit compte des manœuvres du Gouvernement algérien qui voulait l'utiliser dans le but de créer des difficultés au Maroc en s'opposant à ses revendications et en réclamant l'in-dépendance du Sahara occidental, il quitta Alger, s'installa quelques temps à Bruxelles et à Paris avant de rejoindre Rabat en 1975. Il opta, alors, définitivement pour le retour du Sahara sous la souveraineté marocaine. Après la défection du MOREHOB, Alger eut recours à une nouvelle organisation dénommée « Front populaire pour la libération de la Sakiet El Hamra et du Rio de Oro » (Front Polisario), qui venait de se constituer le 20 juillet 1973 en Mauritanie. Dès 1974, les responsables algériens offrirent à ses dirigeants d'installer leur siège à Alger. Or, il s'agissait d'un groupement formé de transfuges marocains et mauritaniens professant des idées révolutionnaires et dont certains avaient participé activement au Maroc aux grèves estudiantines de 1973. En encourageant ce mouvement formé d'opposants marocains et mauritaniens et en appuyant ses options, l'Algérie vidait pratiquement de son contenu « le compromis territorial » de 1972, dont l'un des éléments essentiels est constitué par l'engagement de l'Algérie à apporter son soutien aux revendications marocaines. 3 -Troisième fait significatif : l'initiative prise par le Gouvernement algérien de violer les dispositions des accords de frontière et de coopération de 1972. En effet, en février 1975, lors de sa visite à Tindouf, le Chef d'Etat Algérien annonça la prochaine exploitation du fer de Gara-Djebilet par l'Algérie seule et son évacuation, non pas comme convenu, par un port de l'Océan Atlantique, mais plutôt par le port d'Oran situé sur la mer Méditerranée. Dans le cadre de la coopération économique, technique et scientifique élaborée par la Commission permanente intergouvernementale algéro-soviétique réunie à Moscou les 26 et 27 janvier 1976, l'Union Soviétique aurait proposé le financement de la construction d'une voie ferrée devant relier Tindouf à Mostaganem et d'une aciérie, utilisant le minerai de Gara-Djebilet, ayant une capacité annuelle de 10 millions de tonnes. Ce projet aurait été renvoyé sine die par les Soviétiques qui ne veulent « en rien compromettre l'excellence de (leurs) relations commerciales avec le Maroc…. ». Le 5 juin 1976, un avis de présélection internationale a été lancé par la société algérienne, SONAREM, pour l'étude de la mise en exploitation du gisement dont la phase finale devrait permettre une production de trente à quarante millions de tonnes par an. A la fin de 1977, le Gouvernement Algérien a pris « la décision unilatérale et définitive », semble-t-il, de renoncer au projet d'évacuation par la Côte Atlantique. La Société canadienne, « Canadian Pacific Services », a été chargée de l'étude de 1a nouvelle voie ferrée qui reliera le gisement de fer à la côte méditerranéenne, dans la région d'Oran, en vue d'approvisionner un futur complexe sidérurgique. Ainsi, au lieu des trois cents kilomètres qui séparent Gara-Djebilet de la Côte Atlantique, c'est désormais plus de mille cinq cents kilomètres qu'aurait à traverser le minerai de fer avant de pouvoir être évacué. Or, comme le soulignait M. Bouabid, « économiquement, la notion de rentabilité n'est pas la même que dans un pays capitaliste. Cependant, il y a des limites. Et l'écoulement du fer de Gara Djebilet par la Méditerranée n'est pas rentable. Politiquement, la participation soviétique (ou aujourd'hui canadienne) à un tel projet serait un fait assez grave, parce que c'est l'une des réalisations qui nous est chère et qui constitue le point de départ de l'édification du Maghreb…Supposons que l'Algérie veuille s'approprier totalement Gara-Djebilet, qui, historiquement, appartient au Maroc et lui a été soustraite par la France, qu'elle décide d'écouler le fer vers un port méditerranéen, cela signifie qu'elle tourne le dos au Maghreb. Alors, je pose, dit-il, aux dirigeants algériens une question : pourquoi tout ce bruit sur l'ex Sahara espagnol qui ne vous intéressait pas ? Puisque vous voulez avoir la sécurité d'exploitation de ce gisement sous votre contrôle, sans association, pourquoi cette crise avec le Maroc ? Je ne comprends plus rien. Mais si, je comprends. En réalité, le Gouvernement Algérien veut qu'un petit Etat voie le jour au Sahara à travers lequel serait exporté le fer de Gara-Djebilet. Tout se tient ». Il n'est pas possible d'expliquer autrement les visées algériennes. Un tel comportement est, en tout cas, manifestement contraire aux règles du droit international, en ce sens qu'il porte atteinte à la règle fondamentale de la bonne foi. Ainsi, il est manifeste qu'en procédant aux opérations préliminaires à l'exploitation unilatérale des gisements de fer de Gara-Djebilet, le Gouvernement Algérien prive de son objet l'engagement conventionnel constitué par l'ensemble des accords de 1972 qui sont liés entre eux en même temps qu'il engage sa responsabilité sur le plan international en raison des implications que son acte peut avoir sur le règlement du contentieux territorial. Ce comportement découle-t-il, comme l'a affirmé M. Bouabid, des visées que nourrit le Gouvernement Algérien au Sahara. On semble persuadé, du côté marocain, que « le vrai problème, tout le monde en a conscience aujourd'hui, et il n'y a d'ailleurs pas d'autres explications à son incroyable attitude, c'est que l'Algérie veut annexer à tout prix le Sahara. Voilà l'objectif fondamental de la politique algérienne ». On s'explique mal l'acharnement du Gouvernement Algérien à vouloir imposer à la Communauté internationale une solution qui, sous le couvert du respect du principe de l'autodétermination, rejoint, en fait, ses intérêts économiques et géopolitiques propres; aucun principe, quel qu'il soit, ne peut justifier, qu'un Etat se comporte vis-à-vis de ses voisins, comme l'a fait l'Algérie à l'égard du Maroc..., en organisant et en lançant contre lui et à partir de son propre territoire, une véritable guerre qui n'ose pas dire son nom; entre ce que coûte à l'Algérie sur le plan de la sécurité et du développement et la valeur du mobile qu'elle invoque pour justifier ses initiatives, la disproportion est tellement grande, qu'elle ne peut avoir d'autre explication que celle qui lui a été donnée. Par conséquent, les motivations de l'Algérie dans le problème du Sahara, ne se situent pas au niveau des principes ou de la morale ; elles traduisent, au contraire, des ambitions calculées dont la réalisation est subordonnée à la création d'un Etat saharien indépendant. Ces visées semblent être justifiées, d'ailleurs, par des considérations d'ordre aussi bien idéologique qu'économique. D'abord des considérations d'ordre idéologique: car, comme cela a été souligné, » Alger ne sous-estime pas le fait que la frontière avec son voisin occidental est aussi idéologique. Un renforcement du Maroc, estiment les dirigeants algériens, ne peut qu'être vu d'un bon œil par ceux qui souhaitent contenir, voire isoler une expérience socialiste susceptible un jour ou l'autre de « contaminer la région. Pour toutes ces raisons, ces dirigeants préfèrent la création d'un Etat tampon, qui constituerait, disent-ils, un élément de stabilité dans cette zone ». Or l'allégation d'une menace qui pèserait sur la révolution algérienne, du fait uniquement que le Maroc ait récupéré le Sahara, ne semble reposer sur aucun fondement. Selon le Roi Hassan II, dire « que le retour du Sahara au Maroc était une menace pour la révolution algérienne…(c'est) dans la terminologie historique… un néologisme…car, ce serait pour la première fois qu'une monarchie serait une menace pour une révolution ». Il est, en tout cas, certain que l'élément idéologique occupe une place de choix dans la politique algérienne. Il est utilisé à la fois dans son aspect d'auto-défense et dans son aspect dynamique. Se croyant, à tort ou à raison menacée dans « sa révolution », l'Algérie est amenée à pratiquer une politique qui n'est point favorable à la coopération régionale dans le respect mutuel des options philosophiques et politiques de chacune des parties. C'est ainsi que le soutien diplomatique et matériel que l'Algérie reproche à la France d'apporter au Maroc et à la Mauritanie, alors qu'il s'agit là, d'un aspect normal de la coopération entre les Etats, est interprété comme une menace contre la révolution algérienne. C'est en ce sens que s'est prononcé le Chef d'Etat algérien lorsqu'il a déclaré : « Tout ce qui est fait actuellement vise à contenir la révolution algérienne, parce que nous clamons très haut ce que d'autres n'osent pas dire, parce que nous avons choisi un non-alignement qui n'est pas passif mais qui fait la différence entre le progrès et la réaction. L'heure est peut-être venue où le peuple algérien doit faire la preuve qu'il est capable de défendre sa révolution… ». Mais, l'élément idéologique qui fait partie de la politique algérienne a, également, un caractère dynamique, en ce sens qu'il doit être utilisé en vue d'assurer à l'Algérie des gains révolutionnaires. Le territoire du Sahara est tout indiqué dans l'optique algérienne pour y installer un régime ayant des options proches des siennes. Et, c'est justement pour se prémunir contre le danger que constituait pour le Maroc l'installation à son flanc Sud d'une entité de ce genre que le Roi du Maroc a organisé la Marche Verte et a précipité le règlement de l'affaire saharienne sur la base du principe de l'intégrité territoriale. Car, comme cela devait être souligné, si le Maroc avait laissé tomber le Sahara entre des mains étrangères, il « aurait été dans ce cas assiégé, bousculé, stratégiquement, militairement et politiquement à la merci de toutes les actions non seulement de subversion, mais également de menées révolutionnaires ; la lutte, que nous menions, répondait à deux objectifs : récupérer nos provinces sahariennes, prévenir les actions subversives et révolutionnaires ». Les considérations d'ordre économique sont, pour les responsables algériens, aussi importantes que celles d'ordre idéologique. Il est tout à fait légitime, pourrait-on dire, que l'Algérie soit animée par le souci de sauvegarder ses intérêts économiques ; oui, mais à condition qu'elle ne mette pas en question ceux de ses voisins et, tout particulièrement du Maroc auquel elle a déjà reconnu des droits sur le minerai de Gara-Djebilet et, implicitement, sur les phosphates de Bou Craâ. A vrai dire, comme le souligne Mr. Bouabid : « Les Algériens veulent devenir une grande puissance industrielle et jouer un rôle prépondérant dans toute l'Afrique. Les richesses du sous-sol saharien, notamment le gisement de fer de Gara-Djebilet, constituent l'un des moyens de cette politique…, en brandissant le principe de l'autodétermination, les algériens espèrent que le petit Etat ainsi créé, se trouvera, un jour ou l'autre sous leur dépendance. Cela permettrait à l'Algérie d'exploiter son minerai de fer dans de meilleures conditions, tout en contrôlant le gisement des phosphates de Boukraâ. Une telle solution favoriserait aussi l'influence algérienne sur la Mauritanie ». Et, c'est pour cela qu'on estime que les visées algériennes sur le Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre d'une vision propre de la géopolitique et de l'équilibre régional. On peut se demander avec M. Laroui, s'il y aurait « à la base de cette crise (qui marque les relations algéro-marocaines), une opposition d'intérêts également légitimes ? » Si c'était le cas, « l'expérience, dit-il, nous montre que les contradictions économiques sont les plus aisées à résoudre ». Car, si l'exploitation commune des richesses sahariennes était possible sous la colonisation dans le cadre de l'O.C.R.S., le Maroc n'ayant refusé de s'y associer que pour ne pas légitimer indirectement le projet de « nationalisation du Sahara » – pourquoi ne le serait elle pas après l'indépendance ? C'était en tout cas le seul moyen de dépasser le problème territorial. «Malheureusement, ajoute M. Laroui, la construction maghrébine a été arrêtée en 1970 par l'Algérie, après qu'elle eut lancé son premier plan quadriennal » qui avait pour objectif de permettre l'industrialisation rapide du pays. Cependant ce qui est curieux c'est qu' « on discerne chez les dirigeants algériens une volonté constante de ne jamais donner à leur partenaire éventuel un quelconque moyen de pression, ce qui est à la fois anti-économique et irréalisable à long terme ». Mais « ce que ces dirigeants n'ont pas voulu voir, poursuit M. Laroui, lorsqu'ils ont choisi de suivre servilement le modèle de développement de l'Est, c'est que celui-ci exige une dimension minima. Faute de quoi, ce qui est un moyen d'indépendance pour de grands pays comme l'U.R.S.S ou la Chine se transforme inéluctablement dans un petit pays sans base agricole adéquate en système d'hégémonie ». Les mobiles avancés par les responsables algériens pour justifier leurs réticences à l'égard de la construction maghrébine, portent notamment sur les options économiques choisies par chacun des autres Etats maghrébins qui ne sont pas conformes à celles de l'Algérie qui a opté pour l'industrialisation à outrance, pour un rythme de développement rapide, pour une algérianisation intégrale des différents secteurs de son économie nationale. Une telle conception qui n'envisage la coopération que dans le cadre de systèmes économiques uniformes et conformément aux options du partenaire le mieux placé sur le plan industriel, n'est pas sans influence sur le comportement politique de « certains responsables algériens » qui, voulant partir d'une position de force, ont tendance à institutionnaliser ce que certains ont qualifié de « système d'hégémonie ». Cette tendance s'est, malheureusement, développé au fil des années et surtout depuis que le Maroc a manifesté sa volonté inébranlable de récupérer le Sahara. Tant qu'elle pouvait jouer un rôle actif, soit au sein de l'Organisation des Nations-Unies, soit surtout dans le cadre de la concertation tripartite maroco-mauritano-algérienne en donnant l'impression qu'elle favorisait le rapprochement du Maroc et de la Mauritanie et apportait son soutien à ses deux partenaires, l'Algérie manifestait les meilleures dispositions et se comportait, tant soit peu, et, bien que ce soit d'une manière équivoque, en partenaire soucieux de préserver l'unité maghrébine et de sauvegarder les intérêts de tous. Mais dès que le Maroc et la Mauritanie se sont entendus pour récupérer le Sahara, la volonté qu'on a qualifiée d' « hégémonie » de l'Algérie s'est donnée libre cours, illustrant la vision limitée qu'ont les responsables algériens de la géopolitique et de l'équilibre régional. Dans cette optique, la récupération du Sahara par le Maroc, constitue « une menace pour la révolution », ce qui veut dire qu'il s'agit plutôt d'une rupture de l'équilibre tel que le conçoit l'Algérie, à savoir un équilibre qui lui serait moins favorable. Les données politiques et économiques, minutieusement calculées par les dirigeants algériens, se trouvent ainsi bouleversées, eux qui fondaient leur politique sur la faiblesse économique et militaire de leurs voisins, sur le renforcement du potentiel économique de l'Algérie par l'accaparement des richesses minières de Gara-Djebilet et de Boukraâ, sur l'encerclement du Maroc tel que l'ont conçu et exécuté naguère les maîtres à penser de la colonisation française en Algérie, et, par voie de conséquence sur l'opposition à tout rapprochement entre le Maroc et la Mauritanie et surtout à l'établissement entre eux de frontières communes, si bien que leur entente est qualifiée d' « alliance contre nature ». La confrontation des thèses marocaines et algériennes ainsi que l'analyse de leurs prises de positions et de leurs comportements montre que l'affaire du Sahara n'est qu'un élément d'un ensemble complexe de facteurs qui ont contribué à la détérioration de la situation dans la région occidentale maghrébine. Ces facteurs, comme nous l'avons souligné, sont idéologiques, économiques, politiques, et géopolitiques. La question du Sahara n'a été en fait qu'un simple révélateur, un prétexte, un détonateur d'une situation régionale équivoque qui risque de conduire à une conflagration générale. Déjà, les manifestations de cette hostilité et de son caractère régional rendent de plus en plus problématique une normalisation de la situation dans la région. Si le conflit que connaît la région était circonscrit au territoire appelé, naguère, Sahara espagnol, si les actes perpétrés étaient menés et exécutés à l'intérieur même de ce territoire, si les moyens utilisés étaient compatibles avec ceux normalement employés dans des situations de ce genre, s'il s'agissait vraiment de la poursuite d'une lutte de libération déjà engagée depuis des années contre l'occupation coloniale, on aurait pu admettre la thèse algérienne selon laquelle il s'agit d'un problème de décolonisation. Or, les dimensions régionales qui ont été données au conflit, les atteintes flagrantes dont ont été victimes des Etats souverains, les moyens logistiques utilisés par l'Algérie ou, en son nom, dans la bataille ainsi que les mesures d'expulsion prises par le Gouvernement algérien à l'encontre de marocains ayant vécu plusieurs décades en Algérie, ne laissent aucun doute sur l'ampleur de l'engagement de ce pays, de son animosité à l'égard de ses voisins et sur sa volonté « de remettre en question des réalités irréversibles ». Le comportement belliqueux du Gouvernement algérien et ses menées adverses en s'attaquant directement ou indirectement, par des troupes algériennes ou par leurs acolytes équipés militairement, non seulement contre des localités situées dans le Sahara récupéré, comme à Amgala en 1976, mais également contre des installations et agglomérations situées au nord, comme à Tantan en 1979 et comme auparavant à Ich-Figuig apportent la preuve de l'animosité du régime algérien vis-à-vis du Maroc à propos de ses droits au Sahara . Ces agressions menées, à l'époque, à partir de Tindouf et sa région, ont dévoilé le plan machiavélique du Président Boumediène qui avait refusé, en 1977, à la demande pressante du Roi Hassan II, de compléter la frontière du Sahara récupéré avec l'Algérie par les quarante kilomètres restants qui se situaient au niveau de Tindouf. Pour mettre fin aux agressions perpétrées à partir de cette région, SM Hassan II prit l'initiative courageuse de faire construire un Mur de sable équipé de radars et d'un système électronique qui a permis de protéger le Sahara récupéré contre les attaques adverses. Restait, cependant, une partie non protégée vers le sud à Guergarat, à cause semble t'il, de sa proximité de la Mauritanie ; mais devant les événements suscités dernièrement et le blocage par le Polisario dans cette région de la circulation des transports de marchandises et de biens vers la Mauritanie et l'Afrique, le Roi Mohammed VI a pris l'initiative de faire procéder par les Forces Armées Royales à l'achèvement des travaux de construction du Mur dans cette partie du sud du Sahara et à l'ouverture du passage de Guergarat à la circulation. Fort de ses droits historiques, juridiques et moraux, le Royaume du Maroc est souverain dans son Sahara récupéré. Il a été, après tant de sacrifices territoriaux et humains, magnanime et ouvert à un dialogue sincère et responsable malgré l'animosité et l'hostilité des dirigeants algériens. Il a, toujours, été soucieux de préserver, vis-à-vis des frères algériens, la fraternité et la solidarité qui l'avait animé durant la lutte commune menée contre leur colonisateur. A propos de la question du Sahara qui ne cesse, chaque année, d'être évoquée au Conseil de sécurité, le Maroc, dans le but de contribuer aux efforts des Nations-Unies en vue de trouver une solution politique du problème, a présenté, en 2007, sur instructions du Roi Mohammed VI, « une initiative pour la négociation d'un statut d'autonomie de la région du Sahara, dans le cadre de la souveraineté du Royaume et de son unité nationale ». Dans toutes les résolutions qu'il a adoptées, depuis 2007, le Conseil de sécurité n'a cessé de prendre « note de la proposition marocaine présentée le 11 avril 2007 au Secrétaire général en se félicitant des efforts sérieux et crédibles du Maroc pour faire avancer le processus vers la résolution du problème ». Depuis lors, le Pouvoir algérien n'a cessé de répondre négativement à cette initiative et à toute proposition qui ne répond pas à ses désirs et ses visées tendant à imposer la création d'une entité à sa solde. Quoiqu'il en soit, fort de ses droits historiques et de la compréhension et l'appui actif ou moral de tous les Etats épris de droit et de justice, le Royaume du Maroc a réalisé dans son territoire saharien récupéré, après tant de sacrifices et de hauts faits héroïques et en quelques décennies, ce que les colonisateurs espagnols n'ont même pas ébauché sur plus de trois siècles. Pourquoi ? Parce que le Sahara c'est le berceau de ses Glorieux Ancêtres, la terre de ses fils sahraouis qui ont porté le flambeau de l'Islam et de la Science en Afrique, au Maghreb jusqu'à Tripoli et en Andalousie jusqu'au sud de la France, sous la bannière des Grands Combattants Tariq Ibn Ziyad, Youssef Ben Tachfine, Mehdi Ibn Toumert, Abdelmoumen Ben Ali, Yacoub Al Mansour Adhahbi. L'Histoire se remémorera et retiendra , en tout cas, que le Royaume du Maroc, tout en défendant ses droits souverains au Sahara, avec dignité et le souci de sauvegarder les liens fraternels avec ses voisins et frères, a été et restera, toujours, le possesseur immémorial du Sahara, y compris l'ensemble des territoires dont il a été dépossédé par les colonisateurs français au profit de l'Algérie dont les autorités ont tenu à se comporter en inconditionnels disciples, en appliquant leur politique coloniale hégémonique et en s'appropriant, illégalement, les territoires d'autrui.