La situation migratoire au Maroc fait l'objet de tous les débats. Depuis l'affaire Hayat Belkacem, morte suite aux tirs de la Marine royale sur l'embarcation où elle se trouvait et le transfert de migrants vers les villes intérieures du royaume, plusieurs questions restent sans réponses. Hespress FR est parti à la rencontre de Jean-Paul Cavaliéri, représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), à Rabat. Analyse de la situation migratoire actuelle. Dans la première partie de cette interview, le représentant de l'organisme Onusien fait une lecture des derniers faits qui ont secoué l'opinion publique. Quelle est votre lecture de l'affaire Hayat Belkacem ? Je ne suis pas en mesure de commenter. Il s'agit de citoyens marocains et non pas de réfugiés. Tout ce que je peux me permettre de dire sur cet incident tragique qu'on peut déplorer, c'est que les trafiquants et les passeurs font usage de moyens qui étaient utilisés pour le trafic de drogue et d'armes. Clairement, les autorités marocaines sont dans des situations très délicates pour contrôler les frontières. Je pense que les démarches des autorités de Rabat vis-à-vis de la communauté internationale pour faire reconnaître cette situation et le fait de demander davantage d'aide pour mieux contrôler leurs frontières est une démarche tout à fait légitime. Le plus important réside dans le fait que les mesures soient mises en place, pour identifier les réfugiés parmi ce flux migratoire mixte qui arrive au Maroc ou à travers le Maroc. Et s'ils demandent l'asile, être en mesure de les protéger et de leur permettre d'accéder aux procédures qui les protégeront. Plus de 2000 transferts ont été opérés, depuis août dernier, quel impact cela a eu sur les migrants subsahariens ? Du point de vue du HCR, ce à quoi vous faites référence ce sont des opérations des autorités marocaines qui ciblent les migrants en situation irrégulière ici au Maroc. Les réfugiés ne sont pas ciblés par ces opérations, pour autant qu'ils aient des documents qui établissent leur contact avec le HCR ou leur statut de réfugié auprès des autorités. Il a pu arriver que certaines personnes soient arrêtées par erreur, mais elles ont été par la suite libérées. Nous sommes reconnaissants aux autorités marocaines de faire la différence, essentielle, entre des gens qui sont protégés en tant que réfugiés et des migrants qui ne bénéficient pas de la même protection parce qu'ils sont en situation irrégulière. Quelle analyse faites-vous de ces opérations de transferts ? Le HCR a une juridiction essentiellement sur les réfugiés. Du point de vue de notre organisme, lorsqu'on regarde le profil de ces personnes, à notre connaissance, ce sont des opérations qui ciblent les migrants en situation irrégulière. Si ces personnes-là ne sont pas des réfugiés ou ne sont pas éligibles à la régularisation qui a été ouverte par les autorités marocaines, ou ne souhaitent pas en bénéficier, la question se pose sur le devenir de ces personnes. Si le Maroc devait vérifier la situation de ces personnes, ou leur situation administrative, pour trouver qu'ils ne sont pas présents sur le territoire de manière régulière, ou qu'ils n'ont pas droit au statut de réfugié, ou qu'ils ne sont pas éligibles à la régularisation, ou ne veulent en bénéficier. Si les autorités marocaines entreprenaient le retour de ces personnes dans leur pays d'origine, pour autant que les formes sont respectées, il n'y a à priori pas de violation du droit international. Il est important de préciser qu'il y a plusieurs catégories sur les routes. Les réfugiés qui sont protégés, ils fuient la guerre ou les persécutions. Ils sont protégés contre le retour forcé. Cette protection qui bénéficie aux réfugiés ne bénéficie pas aux migrants, dans la mesure où il n'y a pas un droit absolu à l'immigration. Le Maroc, a de façon assez généreuse et reconnue comme tel, ouvert deux campagnes de régularisation et de nombreuses personnes ont pu bénéficier, restent les gens qui ne souhaitent pas en bénéficier, et souhaitent à tout prix traverser le Maroc ou partir en Europe. Que le royaume prenne des mesures pour gérer cette situation très délicate, c'est tout à fait compréhensible. C'est compréhensible de ne pas permettre un séjour irrégulier de personnes qui ne souhaitent pas se régulariser et qui restent de façon clandestine au Maroc. Cela ne peut que créer un amalgame auprès de l'opinion générale, entre les réfugiés qui ont besoin de protection et des migrants qui n'ont en pas besoin. C'est un amalgame qui va au détriment des réfugiés et de la situation d'asile au Maroc. Il est important que les Etats prennent des mesures pour contrôler l'immigration clandestine, et les gens qui se trouvent en situation irrégulière. Légalement parlant, un demandeur d'asile peut-il être expulsé ? En principe, un demandeur d'asile est quelqu'un qui se présente comme étant un réfugié et tant qu'une décision n'a pas été prise sur la validité de sa demande, cette personne doit être protégée et est protégée, au regard du droit international par le principe de non refoulement, qui est le principe fondateur du droit international des réfugiés. Les demandeurs d'asile sont protégés contre les mesures d'éloignement lors du temps d'instruction du dossier. Une fois que la décision a été prise, si la personne n'est pas réfugiée, et le cas échéant si elle n'a pas de titre de séjour, elle peut être renvoyée dans son pays d'origine. Le Maroc a déjà opéré deux phases de régularisation, quand est-ce qu'aura lieu la prochaine ? Il y a eu deux campagnes ad hoc de régularisation. A terme, il est dans l'intention des autorités marocaines de mettre en chantier la loi sur le séjour des étrangers au Maroc qui va reprendre certains éléments de ces campagnes de régularisation, pour les inscrire dans la loi. C'est la vision au long terme qu'a le Maroc et que le HCR et d'autres agences des Nations Unies encouragent, puisque ça va dans le bon sens de mettre ce type de politiques dans le cadre de la loi. Avec une visibilité dans l'avenir, c'est une intention qui est louable. Une loi d'asile est-elle en préparation ? Dans la stratégie nationale de l'immigration et d'asile, l'aspect normatif concerne trois lois. La loi sur la traite, qui est déjà passée l'an dernier, ce qui est une très bonne chose. La loi sur l'asile qui est en préparation et en voie de finalisation. Nous espérons de tout cœur qu'elle sera soumise bientôt au Parlement. C'est ce qu'ont annoncé les autorités et nous les félicitions, parce que le Maroc a besoin de cette loi d'asile. Ça sera la première dans toute la région MENA, et ce sera certainement un modèle à suivre pour d'autres pays de la région. Le troisième texte concerne la révision de la loi qui existe sur l'entrée et le séjour des étrangers. Ces trois lois doivent être en harmonie les unes avec les autres.