L'industrie du médicament est très prisée en ces temps de pandémie, forçant les pays à vouloir se distinguer en matière de qualité et de performance. Au Maroc, c'est la Fédération Marocaine de l'Industrie et de l'Innovation Pharmaceutiques, affiliée à la CGEM, qui milite d'arrache-pied pour une politique pharmaceutique efficace et efficiente. Son président Ali Sedrati livre à Hespress Fr ce qui freine le secteur. Le Coronavirus a le mérite d'avoir réussi, en un laps de temps, à faire bousculer les choses pour développer l'essor de la production médicamenteuse locale. « Aux grands maux les grands remèdes », dixit Ali Sedrati, président de la Fédération marocaine de l'industrie et de l'innovation pharmaceutiques (FMIIP), réitérant son plaidoyer en faveur de l'urgence de la mise en place au Maroc de l'Agence nationale du médicament. « Cette agence est essentielle pour une meilleure régulation, un meilleur suivi et un meilleur soutien au développement du secteur du médicament », nous explique-t-il, rappelant que « beaucoup de pays africains et maghrébins ont des agences nationales du médicament alors que le Maroc qui a déjà une industrie bien développée n'en a pas ! ». Ali Sedrati Pointant du doigt la lenteur patente de l'administration marocaine, il indique à Hespress Fr : « Depuis nombre d'années déjà que le ministère de la Santé planche sur ce projet alors que c'est une nécessité urgente. Et c'est urgent, non seulement pour un plus grand contrôle du secteur mais aussi pour sécuriser l'approvisionnement de nos citoyens en matière de médicaments d'innovation ou de génériques». Dans ce sens, Ali Sedrati met l'accent sur l'industrie pharmaceutique nationale qui fait face à des enjeux stratégiques, à savoir des enjeux de souveraineté sanitaire, un enjeu social et des enjeux économique et industriel. Sur ce dernier point, il a expliqué qu'il est très important de prendre en compte le poids de l'industrie pharmaceutique dans l'économie nationale et éliminer les éléments de blocages, avant d'ajouter qu'il est également question de soutenir l'industrie nationale du médicament afin qu'elle puisse assurer durablement la souveraineté sanitaire du pays face aux épidémies et chocs externes ; et de permettre à l'industrie pharmaceutique de répondre aux besoins de santé en améliorant l'accessibilité au médicament et sa maîtrise. « Force est de rappeler que l'industrie pharmaceutique a agi comme bouclier anti-covid-19 et qu'une catastrophe sanitaire a été évitée grâce surtout aux médicaments fabriqués localement », a-t-il affirmé, mettant en relief la disponibilité des médicaments du protocole Covid-19, la participation active aux essais cliniques du vaccin et fabrication de kits de dépistage, la limitation des risques de pénuries grâce à la gestion optimale des stocks de sécurité ainsi que la préservation de l'intégralité des emplois du secteur pharmaceutique. De fil en aiguille, Ali Sedrati nous a confié que des gains considérables sont à développer, précisant que l'économie réalisée par l'ensemble des Génériques commercialisés au Maroc (40% du marché) dépasse les 3 milliards de dirhams par an par rapport au princeps. « Il faut savoir qu'il existe des conséquences directes qui détruisent la valeur ajoutée et pénalisent l'accès. Et là je fais mention des importations qui freinent la fabrication locale et perturbent la régularité de l'approvisionnement », relève-t-il, estimant à hauteur de 7,6 milliards DH, le coût des médicaments importés sur un marché global de 16 milliards DH. Et d'ajouter : « 80% de ces médicaments importés existent déjà en fabrication locale (équivalents) ou peuvent être fabriqués localement. Ce qui représente 2 milliards de manque à gagner pour l'économie nationale lié à l'importation actuellement ». Ali Sedrati tient également à signaler sur ce registre que les médicaments stratégiques toujours importés (dérivés du sang, maladies du système nerveux central, maladies chroniques, médicaments d'urgence injectables, médicaments stratégiques en réanimation, vaccins) sont souvent en rupture. Pour pallier ces problèmes existants, il préconise certaines mesures pour l'encouragement et le développement de la fabrication locale, comme l'introduction de la préférence nationale sur le médicament fabriqué localement ; l'application stricte de la loi 17-04 en ce qui concerne le statut d'établissement pharmaceutique et détention d'AMM ; le développement d'une politique volontariste pour le médicament générique ainsi que le développement à l'export de l'attractivité des investissements nationaux ou internationaux. Pour Ali Sedrati, les intérêts pour le citoyen marocain ne sont plus à démontrer, tels qu'un meilleur accès aux médicaments, une sécurité sanitaire et une indépendance et maîtrise de la disponibilité. Les intérêts pour l'économie nationale ne sont pas en reste non plus apparemment puisqu'ils concernent la maîtrise de la généralisation de l'AMO, la balance commerciale et la contribution fiscale avec valeur ajoutée etc. L'on comprend mieux dès lors qu'une agence nationale du médicament, qui aura un champ très large d'actions en plus de moyens techniques humains et matériels plus importants que la direction actuelle, ne sera pas un luxe au Maroc...